L'argumentaire chrétien, par Henry War
" Il n’existe guère de plus patente manifestation de mauvaise foi qu’en l’expression de ceux qui prétendent justifier leur croyance par la raison : c’est toujours soutenir l’absurde intérieur par des aspects de logique objective. Pascal, notamment, fut un génie de cet embrouillamini spécieux où l’on distingue surtout la volonté opiniâtre de persuader sans les ressources de la science : uniquement des segments décousus, ponctuels et illusoires en tiennent lieu. Une sorte d’empressement remplace les transitions solides et l’esprit scrupuleux de conséquence. Un argument réfuté, présenté un moment comme majeur, est bientôt délaissé au profit d’un autre qui passe soudain opportunément pour tenir plus de place dans l’ordre et la priorité des réflexions. C’est un pêle-mêle peu structuré où la profusion est supposée jouer essentiellement le rôle de vérité éclatante : le contradicteur a beau réfuter chaque proposition une à une avec méthode, il est censé reconnaître que, dans le lot abondant de ce qui tient à passer pour arguments, l’une d’elles échappe nécessairement à sa sagacité même s’il pense l’avoir efficacement contredite, et que, dans le doute, il devrait au moins s’y résoudre provisoirement et par suite l’accepter peu à peu comme l’implacable instrument de sa conversion. Le Chrétien use de cette multiplicité de pensées insuffisantes pour forcer à admettre tacitement l’entêtement et l’obstination coupables du contradicteur, comme si la dénégation systématique, même argumentée et juste, devait arracher la sensation qu’on s’oppose avec acharnement et illogisme. Mais ce croyant, pour arriver à ce résultat, change sans cesse d’idée directrice qu’il expose sans hiérarchie, de sorte qu’en vérité ses représentations ne consistent qu’en la variété d’un seul procédé, à savoir : partir de la thèse admise et lancer là-dessus les préjugés les plus impressionnants et éhontés pour tâcher de prendre par surprise la raison trop obligeante et quelquefois étourdie.
J’ai déjà exprimé ailleurs la confondante similitude entre la pensée contemporaine et la pensée du croyant, ces amalgames de superstitions désordonnées et superposées qui leur servent à conforter leur petit peu de préjugés qu’elles appellent « opinions » ou « convictions » et qui valent en arguments la foi aveugle du plus obscurantiste des partisans. En rédiger une satire est assez drôle, probablement aussi drôle qu’inutile d’ailleurs, en ce qu’on n’imagine pas un de ces partisans l’aller lire ni en tenir compte. C’est toujours deux mondes qui ne se rencontrent point, en rupture totale, mais l’un est apte à comprendre les bêtises de l’autre, tandis que cet autre ne fait qu’ignorer et qu’oublier les pertinences du premier, pour sa tranquillité et son confort – ce dont j’ai déjà parlé ailleurs, également. "
L'argumentaire chrétien - Henry War
Il n'existe guère de plus patente manifestation de mauvaise foi qu'en l'expression de ceux qui prétendent justifier leur croyance par la raison : c'est toujours soutenir l'absurde intérieur par des
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