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Publié par ERASME

SYNTHÈSE POUR LECTEUR PRESSÉ

Depuis la guerre du Donbass et celle du Haut-Karabakh, les nations occidentales se préparent à vivre des conflits plus durs après des décennies de combat asymétrique. C’est dans ce contexte que la notion de haute intensité a fait son retour dans le discours des autorités militaires. Alors que l’outil de défense français est en pleine modernisation et réorientation, la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale a souhaité mesurer la pertinence de la trajectoire choisie à l’aune de la possibilité d’un conflit de haute intensité.

Ont été désignés rapporteurs de cette mission d’information Mme Patricia Mirallès, députée de l’Hérault (1re) pour le groupe La République en Marche, et M. Jean-Louis Thiériot, député de Seine-et-Marne (3e ) pour le groupe Les Républicains. Ont en outre été désignés membres de la mission d’information, avec la possibilité d’assister aux travaux, MM. Christophe Blanchet (Modem), François Cormier-Bouligeon (LaREM), Jean-Jacques Ferrara (LR), Fabien Gouttefarde (LaREM), Bastien Lachaud (LFI) et Jean-Charles Larsonneur (Agir).

La mission d’information sur la préparation à la haute intensité a donné lieu à une cinquantaine d’auditions, à deux déplacements et plusieurs contributions écrites. Elle se conclut par une synthèse ambitieuse, incluant trois scénarios fictifs destinés à mieux faire comprendre au grand public les dynamiques des conflits contemporains et en particulier ceux de haute intensité, ainsi que trente-deux propositions.

Les rapporteurs font état de la dégradation de l’environnement géopolitique depuis 2008. Ils soulignent l’accélération et la diversification des évolutions observées dans les livres blancs et les revues stratégiques, y compris les plus récentes qui apparaissent déjà dépassées. Ils appellent de leurs vœux une réflexion ambitieuse sur une grande stratégie pour la France, une stratégie intégrée qui dépasse le seul champ des armées mais qui offrent à celles-ci des termes plus clairs pour redéfinir les contrats opérationnels, de toute évidence caducs.

L’hypothèse d’un conflit de haute intensité ne peut plus être exclue. En toute rigueur, elle n’est pas non plus la plus probable. Mais elle constitue un repère structurant pour guider les décideurs dans l’orientation de l’appareil de défense et de sécurité. Les rapporteurs concluent du développement sans précédent de pratiques dites « hybrides » (manipulation l’opinion publique par de fausses nouvelles, attaques cyber non revendiquées, recours à des acteurs par procuration, arsenalisation des dépendances, notamment économiques, instrumentalisation du droit) que le renforcement des capacités de renseignement restera un impératif pour dissiper ce qu’ils appellent « le brouillard des intentions ». Au plus vite. Car c’est notamment dans ce brouillard que la violence pourra prospérer.

Les rapporteurs ont listé cinq caractéristiques des conflits de haute intensité : outre le brouillard des intentions, ils signalent :

– la fin d’un relatif confort opératif, avec la perte de la supériorité aérienne et la généralisation des pratiques de brouillage des signaux électroniques et satellitaires sur les théâtres ;

– une forte attrition en hommes et en matériel, en rupture avec les données de la planification depuis trente ans ; révélée par des conflits comme celui du HautKarabakh ou des exercices interalliés comme Warfighter (1 700 morts) ou Polaris (400 marins tués ou disparus) ;

– une incertitude quant à la durée de la confrontation, le conflit pouvant s’éterniser, traverser d’autres phases ;

– une population civile à la fois victime et instrument de la guerre, par le truchement des réseaux sociaux et d’autres outils d’influence.

La perspective d’un conflit de haute intensité éclaire donc d’un jour nouveau les évolutions souhaitables de la défense. Les rapporteurs ont identifié neuf enjeux pour vaincre dans les conflits de haute intensité :

– l’anticipation, autrement dit le « gagner la guerre avant la guerre » du chef d’état-major des armées ;

– la réactivité, puisqu’il apparaît qu’on n’« aura pas six mois » ;

– l’interopérabilité, pour continuer à pouvoir intervenir avec des alliés qui seuls pourront apporter toute la masse nécessaire ;

– la masse pour permettre dès aujourd’hui un meilleur entraînement, donner de la résilience et éviter d’être étiré sur plusieurs fronts au prix de la victoire ;

– l’épaisseur, autrement dit notre capacité à durer ;

– l’arbitrage entre technologie et rusticité, autrement dit le mix capacitaire ;

– la synchronisation des effets, censée être permise par le « combat collaboratif » ;

– les compétences, dont les armées auront besoin ;

– les forces morales, des militaires et de la Nation dans son ensemble.

Les rapporteurs consacrent d’autres développements à l’analyse du modèle d’armée actuel. Tourné depuis trente ans vers des expéditions anti-terroristes, il est en pleine réorientation. Le rapport rend hommage aux armées qui, bien qu’échantillonnaires, ont eu le génie de conserver une cohérence, une crédibilité, une capacité à entrer en premier et des compétences permettant à tout moment de remonter en puissance. La Revue stratégique de 2017 a précédé une loi de programmation militaire (LPM) ambitieuse amorçant une « réparation » de l’appareil de défense par un effort financier de 197,8 milliards d’euros sur cinq ans, plus de 295 milliards d’euros sur sept ans, rigoureusement respectée depuis son adoption en 2018. En revanche, si la loi de programmation militaire évoque une « réparation » jusqu’en 2025, suivie d’une « modernisation », un renforcement éventuel n’est envisagé qu’après 2030.

C’est pourquoi les rapporteurs estiment que la hausse de l’effort de défense doit être poursuivie et accentuée. Le respect des marches à trois milliards prévues par la LPM est un minimum et l’effort devra se poursuivre au-delà de 2025. Organisant leurs propositions en deux temps, ils proposent, en premier lieu, de poursuivre la modernisation engagée pour améliorer la cohérence du modèle d’armée actuel, et en second lieu, de prendre quelques grandes mesures pour garantir la supériorité opérationnelle à horizon 2030.

Tout au long de cette réflexion, ils ont mesuré l’importance de faire connaître ces enjeux au plus grand nombre. Leur rapport se veut une modeste contribution à l’information de leurs concitoyens et à l’animation du débat public sur l’avenir de la défense, ainsi qu’au débat capacitaire et budgétaire qui ne manquera pas de se tenir après les élections présidentielles et législatives du premier semestre 2022.

Voir ci-dessous le rapport d'information (version pdf)

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