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Publié par ERASME

" Avez-vous déjà fait cette expérience, douce, poétique, parfois étrange ou quelque peu nostalgique ? – vous êtes seul(e) dans un lieu particulier, sous une lumière spéciale, à un moment électif, et une expression soudain s’infiltre dans votre esprit, comme surgie d’un ailleurs ou des profondeurs de votre histoire. Cette expression ressemble à un adage, à un mantra, à la parole d’un être aimé ou à celle d’une chanson oubliée. Et elle vient vous parler, prenant, selon votre ressenti de l’instant, une signification singulière, habituelle ou renouvelée.
Hier, sous mes yeux, un splendide soleil couchant a balayé comme d’une caresse la menace d’orage qui agitait la fin du jour. Secrètement véhiculée par le calme qui descendait du ciel en coulées de lumière, a résonné cette phrase de Lacan, que je croyais perdue dans les replis d’un texte étudié voici des années : « La paix du soir ».
Lacan écrit (dans le séminaire « Les psychoses ») : « Je vous prierais de vous arrêter un instant à ceci : vous êtes au déclin d'une journée d'orage et de fatigue, et vous considérez l'heure qui décline et l'ombre qui commence d'envahir ce qui vous entoure. Est-ce que quelque chose selon les cas ne peut pas vous venir à l'esprit, et qui s'incarne dans la formulation : « la paix du soir » ? » De là, Lacan déploie des éléments puissants de sa célèbre pensée sur le langage humain.
Essentiellement, il distingue l’expression morte de l’expression vitale. Une phrase devient vivante dès lors que nous l’entendons au sens vrai pour nous : elle prend en nous une signification, à laquelle nous nous montrons ouverts, nous l’accueillons comme nous étant destinée, et l’intégrons à notre monde intérieur. Cette phrase a son être propre qui vient « s’incarner », dit Lacan, et viser notre être, en lien avec ce que nous éprouvons. En fonction de notre état du moment, ouvert ou fermé, nous pourrons entendre « la paix du soir », sur le mode béni de l’apaisement porté par une mouvance propice, ou au contraire sous le signe étranger, voire angoissant, par exemple d’une fin qui fondrait sur nous.
Si le propos me parle, au point sans doute de m’être revenu comme en écho, c’est d’affirmer une perpétuelle PARTICIPATION de l’auditeur à toute forme de discours. Au moyen de notre intention, consciente ou inconsciente, nous façonnons ce que nous entendons, de même que nous apposons notre propre vibration, notre « signature électromagnétique » dit la science, sur l’énergie se manifestant partout dans le monde, pour contribuer à modeler notre réalité. Comme l’a révélé l’un des pères de la physique quantique, l’immense John Wheeler : « We live in a participatory universe ». Legs inestimable sur la possibilité de notre libre arbitre et notre dignité de créateurs. "
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