Plus tard, le transfert progressif de la souveraineté nationale vers un intérêt stratégique centralisé (Bruxelles) est devenu le principal moteur de ce que l’on a appelé « l’intégration par le droit ». Au fil du temps, une lecture approfondie des traités (pour les traités européens, lire la « consécration » de la Déclaration universelle des droits de l’homme par Sullivan) a offert de nouvelles raisons de soumettre les politiques nationales démocratiques à une lecture supranationale d’un « intérêt supérieur. »
De même, la déclaration universelle des droits de l’homme offrira probablement à Sullivan de nouvelles raisons et possibilités d’armer le texte afin de plier alliés et « adversaires » à la discipline de l’intérêt stratégique central (autrement connu sous le nom de Washington).
Ainsi, ce qui semblait signaler un changement significatif de la pensée américaine – après un petit décryptage – s’avère n’être rien de tel. La concurrence entre grandes puissances n’est rien d’autre que l’ordre mondial mondialiste, centré sur les États-Unis et fondé sur des règles. Les États-Unis s’abstiennent de « transformer » (c’est-à-dire fomenter une révolution de couleur) le Parti communiste chinois, parce qu’ils ne le peuvent pas ; cet outil s’applique toujours aux petits poissons (par exemple le Nicaragua).
D’une part, nous avons vu les conséquences de cette approche centralisée des « règles » – qu’elles soient pratiquées à Bruxelles ou à Washington : une sorte de torpeur soporifique s’ensuit. Toute l’énergie est consacrée à maintenir le système fragile à flot (qu’il s’agisse des règles du jeu de l’UE ou des États-Unis), plutôt que de trouver de véritables solutions. Des clivages s’ouvrent, qu’il est impossible de contenir politiquement ; les rancœurs s’exacerbent ; les crises sont gérées et non résolues ; on joue avec le temps ; les réformes sont progressives puis, soudainement, unilatérales ; et, au final, l’immobilisme règne. En Europe, on l’appelle le Merkelisme (du nom de la chancelière allemande).
Après le sommet sans histoire du G20 à Rome et la COP26 à Glasgow, il semble que nous commencions à assister à la Merkelisation du monde. Le sentiment qui demeure est celui d’un mécanisme (deux en réalité si l’on inclut l’UE), qui produit des bruits convaincants de vrombissements de machines et qui fait naître l’espoir d’un résultat quelconque, mais qui n’aboutit au final à rien ou presque – à l’exception d’un déficit démocratique qui ne cesse de s’aggraver, les décisions qui relevaient auparavant de la compétence des parlements étant transférées à une technocratie supranationale.
D’autre part, aussi mauvais que cela soit (étant donné les crises économiques auxquelles nous sommes confrontés), son plus grand « péché » (comme l’a dit Sullivan) est sa demande de « règles » mondiales, dont le fondement est simplement « les intérêts et les valeurs des États-Unis et de leurs alliés et partenaires ». Sullivan affirme que les États-Unis ne cherchent plus à transformer le système chinois (ce qui est bien), mais insiste pour que la Chine opère au sein d’un « ordre » construit autour des intérêts et des valeurs des États-Unis – tout court. Et comme l’a indiqué Sullivan, l’effort diplomatique américain doit viser à contraindre la Chine à se conformer à ce système. Nulle part ne sont mentionnés les coûts pour les alliés, qui devraient renoncer à leurs relations avec la Chine ou la Russie, afin de plaire à Biden.
Le plus grand péché, tout simplement, est que le temps de ces ambitions arrogantes est passé. L’équilibre mondial a changé qualitativement, et pas seulement quantitativement. La Chine et la Russie – les deux autres composantes du monde tripartite du général Milley – l’ont dit assez clairement : Elles refusent les leçons de l’Occident. "