Honneur, intérêt, vertu : les fondements passionnels du politique, par Céline Spector (In Montesquieu (2011), pages 45 à 190)
" L’idée de convergence involontaire des intérêts privés dans l’intérêt public apparaît dans L’Esprit des lois lors de la première exposition du concept d’honneur. La nature de l’honneur est de demander des préférences et des distinctions ; il s’apparente ainsi à l’ambition, qui, pernicieuse dans les républiques et absente des États despotiques, donne vie à la monarchie dont elle constitue le ressort :
Vous diriez qu’il en est comme du système de l’univers, où il y a une force qui éloigne sans cesse du centre tous les corps, et une force de pesanteur qui les y ramène. L’honneur fait mouvoir toutes les parties du corps politique ; il les lie par son action même ; et il se trouve que chacun va au bien commun, croyant aller à ses intérêts particuliers. L’analogie physique justifie la mise en place d’une politique conçue comme régulation de l’économie passionnelle et non comme prescription d’une norme rationnelle : il convient de canaliser les affects plutôt que de les réprimer. La partialité humaine peut être mise à profit ; l’équilibre de la société civile tient aux rapports immanents entre les forces qui la composent. « Newton du monde moral », Montesquieu, dont l’ambition est de découvrir dans les institutions et les mœurs des régularités analogues à celles qui furent découvertes dans le monde physique, avait déjà placé le désir de se distinguer, dans l’une de ses Pensées, au fondement de la dynamique sociale. Dans le cas de l’honneur, le recours à l’ambition motrice intervient de même au moment où est annoncée l’obsolescence d’une « morale austère » imputée aux régimes républicains dont la vertu, liée aux bonnes mœurs, est le ressort… "
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