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Publié par ERASME

No t e  i m p r o m p t u e  d e  l ’ é d i t e u r

Si vous êtes un lecteur, mais que vous n’avez rien lu du XIXe siècle, alors laissez-moi vous suggérer les romans de l’écrivain russe Fiodor Dostoïevski.

Sur le plan de la vision du monde, il faut préciser d’emblée que Dostoïevski fait contraste avec le postmodernisme dominant de notre génération car il s’identifiait comme chrétien, un chrétien russe orthodoxe. Un chrétien oui, mais si on regarde sa vie, on le voit pris par la compulsion du jeu où il perdit perdit beaucoup d’argent. Et c’est sans parler de sa maîtresse Apollinaria Souslova. Il faut avouer que sa vie personnelle ne constitue pas un exemple très luisant de «vie chrétienne».

Ceci dit, Dostoïevski a vécu à une époque où la pensée moderne, la pensée du Siècle des Lumières, pénètre partout le vie intellectuelle et culturelle en Occident. Dostoïevski lui-même a, un moment, promu ces idées, mais lors d’un séjour en prison (incriminé dans des complots politiques), il a vécu une conversion et a coupé avec les idées des Lumières. Et dans son rejet des Lumières, il s’est appuyé abondamment sur la vision du monde judéo-chrétienne ainsi que sur les Écritures. Ici au Québec, à la même époque, on interdisait la lecture des Écritures au peuple et il serait difficile de trouver même un seul intellectuel ou artiste québécois de la génération de Dostoïevski qui serait aussi imbibé de pensée biblique.

Et sur certaines questions, même avant l’Holocauste et le Goulag, Dostoïevski a pressenti la noirceur et les ténèbres où pourrait aboutir cette pensée humaniste si optimiste et sûre d’elle-même à son époque. Si on a apprécié les talents littéraires indéniables de Dostoïevski, de son vivant il a dû être le sujet de critiques et se voir traité de «rétrograde» et «d’anti-progressiste», mais le temps lui a donné raison.

Dostoïevski a vu loin et dans un autre roman, Les Frères Karamazov, l’on retrouve cette phrase célèbre, «Si Dieu n’existe pas, tout est permis!»

Ouais, si vous n’avez jamais lu rien de plus de 150 pages, alors les romans de Dostoïevski risquent d’être «trop» pour vous. Au XIXe siècle, les gens avaient le TEMPS pour lire. C’était bien autre chose que du texto... Chose certaine à lire Dostoïevski on découvre bien des choses sur la Russie d’avant la Révolution communiste de 1917. La Russie d’alors est polyglotte et Dostoïevski tisse dans ses dialogues, autant d’expressions paysannes que du français, de l’allemand et du polonais. Mais il y a bien plus, car Dostoïevski allie plusieurs dons dans ce roman. On y retrouve des dialogues finement ciselés et des émotions qui pourraient animer n’importe quel feuilleton télévisé, ainsi que des discussions philosophiques combinées à des observations très profondes sur la nature humaine. À une époque où les évangéliques prenaient refuge dans un piétisme claustrophobe et coupaient les ponts avec les arts et la vie intellectuelle, Dostoïevski a laissé un héritage artistique qui a fait réfléchir même les athées les plus endurcies.

Ouais, à lire Dostoïevski, on a l’impression que l’âme russe est un volcan d’émotions, toujours sur le point de faire éruption. L’approche de Dostoïevski est très théâtrale. Par moments l’effet peut sembler quelque peu exagéré, mais si je me rappelle les années 1960 et 70 et les enthousiasmes idéologiques d’alors, mais qui aujourd’hui peuvent sembler désuets sinon ridicules, alors qui sait, possiblement Dostoïevski a pu dresser un portrait tout à fait réaliste de sa génération?

PG

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