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Publié par Patrice Cardot

Regards-citoyens propose une série d'articles qui a pour objet de faire œuvre de témoignage d'un nouvel engagement des Européens « par le dialogue, la découverte et le bonheur du voyage ».
Cet article propose une première recension partielle du texte de Michel Aglietta, Professeur d'économie à l'Université de Pais X Nanterre et Conseiller scientifique au CEPII, intitulé "Croissance potentielle, perspective macro-financière et stragéie de l'Union", contribution à l'ouvrage collectif dirigé par Philippe Herzog, Président de Confrontations-Europe et intitulé : « A la recherche de l'intérêt européen ». 
Par sa clarté, sa lucidité et sa précision, ce texte contribue incontestablement à une compréhension plus aisée des grands mouvements et des chocs auxquels l'économie européenne est confrontée, ainsi que des voies d'effort par lesquelles elle pourra rebondir, à condition qu'elles soient effectivement empruntées par ceux qui exercent les responsabilités correspondantes.
" Au plan monétaire, la différence entre la politique américaine et celle de la zone euro ne se trouve pas tant dans les objectifs à moyen terme que dans la flexibilité américaine pour gérer le cycle. Le « risk management » américain est ce qui permet de créer un contre choc expansif et donc de faire croître temporairement l'économie au-dessus de son potentiel ; ce qui est indispensable pour maintenir l'économie sur son « trend » de croissance. Au contraire, en Europe, la croissance ne dépasse jamais le potentiel. Dès qu'il est atteint, la BCE s'alarme des tensions inflationnistes [Pacte de stabilité et de croissance et priorité accordée à l'objectif de lutte contre l'inflation dans le concept stratégique pour la politique monétaire obligent !]. Sans récupération par une croissance temporairement supérieure à la tendance antérieure, la perte de production est définitive.

Les taux d'intérêt à court terme de la zone euro ne s'écartent pas du tout des objectifs de moyens termes de la BCE, tels qu'ils résultent d'une estimation économétrique établissant une relation dite de long terme. L'insensibilité aux chocs réels est totale. C'est le contraire pour la Réserve fédérale. La gestion anticyclique pour stabiliser l'économie sur sa tendance de long terme conduit à de grandes variations du taux d'intérêt court par rapport à ce que serait son évolution si la Fed s'en tenait à agir du seul point de vue de son arbitrage inflation / croissance.
Au-delà de la réactivité aux chocs récessifs, la doctrine des banquiers centraux européens est restée celle des années 1980. Elle n'a pas pris en compte la globalisation qui a transformé l'environnement de la politique monétaire.
Dans l'industrie, par oppositions aux secteurs primaires, la flexibilité de l'offre est quasi parfaite à cause de surcapacités de production mondiale considérables. Un excès de demande interne provoque une hausse des importations, pas des prix. L'excès structurel de ressources mondiales d'étend, bien sûr, au marché du travail. Ainsi a-t-on pu observer que la vive hausse des prix des matières premières en 2008 a provoqué une baisse du salaire réel, non pas un « effet de second tour ».
Nature globale de l'inflation, prépondérance des prix d'actifs dans la dynamique de l'inflation, régime de crédit débridé qui a fini par aboutir à l'implosion d'un système de titrisation sans qu'aucune autorité monétaire ou prudentielle n'y ait trouvé à redire, « bail out » généralisé qui a fait des banques centrales les otages des banques d'investissement, tout cela sonne le crépuscule d'une doctrine monétaire qui s'est ossifiée en dehors des conditions qui l'avaient engendrée.
Si la globalisation crée un défi non résolu aux politiques monétaires, les défaillances des politiques budgétaires sont bien plus graves. En étudiant les enjeux d'un relèvement de la croissance potentielle, on a observé les carences budgétaires : insuffisances criantes des dépenses de R&d et d'éducation supérieure, créatrices d'innovation. Le budget européen [..] est incapable de financer des grands projets porteurs de croissance endogène. Pire, les distorsions de concurrence par la manipulation des prix de transfert des entreprises mondialisée pour faire apparaître les profits dans les paradis fiscaux déstructurent les tissus économiques régionaux.
Il importe de rappeler que dix ans après son instauration la zone euro n'est pas une union monétaire. C'est, en effet, l'un des résultats le mieux établis de la macroéconomie internationale que la coopération budgétaire active est inhérente au fonctionnement efficace d'une zone monétaire optimale constituée d'états séparés.
De fait la zone euro se trouve dans des conditions opposées de celles du bon fonctionnement d'une zone monétaire : coopération inexistante entre banque centrale et gouvernements entraînant l'absence de policy mix agrégé, pas de gestion contracyclique des chocs récessifs, pas de solidarité budgétaire contre les chocs asymétriques. Les déficits ne sont pas des outils de politique économique. Ils sont subis, sont toujours trop élevés et sont sans effet pour sortir les pays du marasme.
Si la zone euro ne constitue pas une unité économique, il existe nécessairement des mécanismes cachés de dévaluation compétitive. C'est la concurrence fiscale qui en tient lieu et qui exerce la force la plus destructrice. La baisse agressive de la pression fiscale dans un certain nombre de pays de l'union met les modèles sociaux en concurrence, au mépris de la démocratie. La concurrence fiscale menée par les petits pays, mais aussi par l'Allemagne, dont l'essentiel du dynamisme de la demande est externe, bloque les recettes fiscales nécessaires pour conduire les politiques d'augmentation de l'offre de travail et de promotion de l'innovation dans les autres pays. Les politiques de surenchères à la baisse des coûts de production poursuivies simultanément dans tous les pays par la course à la baisse des impôts se neutralisent en termes de compétitivité, mais exercent une influence dépressive sur l'ensemble de la zone (cf . Jean-Paul Fitoussi et Jacques Le Cacheux, Rapport sur l'état de l'Union européenne 2005, Presses de Sciences Po, Fayard, 2005, chapitre 3). "
 […]
" La crise financière a mis fin à la croissance d’une économie américaine tirée par un endettement augmentant systématiquement beaucoup plus vite que le PIB pour financer une consommation croissant systématiquement plus vite que les revenus. La crise financière a été la manière dont l’insoutenabilité de ce régime s’est dénouée. Il faut donc se garder de croire que le même régime de crédit débridé pourrait reprendre. Les flux de capitaux vont s’inverser parce que les écarts de croissance entre les pays émergents et les pays occidentaux vont s’élargir. Les marchés financiers du dollar et de l’euro vont être des marchés où les pays du reste du monde vont lever des capitaux pour financer l’augmentation de leur taux d’investissement interne (Inde et Brésil, par exemple). Le partage des levées de capitaux entre les marchés de l’euro et du dollar dépendra des coûts du capital anticipés et comparés, ajustés des risques perçus. Des variations non anticipées dans ces conditions financières comparées auraient des répercussions sur l’instabilité des taux de change. Il s’ensuit que la politique monétaire de la zone euro devra incorporer les conséquences de la montée du rôle de devise clé de cette monnaie. "

 

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