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Publié par De la Boisserie

Dans un article publié dans l'édition du quotidien Le Monde en date du 11 mars sous le titre « La France et l'OTAN, la messe atlantiste est dite" », Laurent Zecchini propose une lecture critique de la décision des autorités françaises de procéder à la réintégration de la France dans les structures militaires intégrées de l'Otan.

Cherchant à contribuer à nourrir le débat ouvert en France à cet égard de points de vue aussi éclairés que contradictoires, je propose au lecteur d'en prendre connaissance ci-après.

" Le débat qui s'est ouvert sur le retour de la France dans la structure militaire intégrée de l'Alliance atlantique paraît exemplaire : des prises de position, des colloques, les explications du président, une discussion et un vote au Parlement... Sauf que c'est un faux-semblant. En engageant la responsabilité du gouvernement sur l'ensemble de la politique étrangère, François Fillon ne pose pas la question de l'OTAN.

M. Fillon enferme la majorité dans cet inacceptable dilemme : "Voulez-vous, en lui refusant la confiance, provoquer la chute du gouvernement ?" Il fait ainsi un aveu implicite : si la question était strictement celle des relations avec l'Alliance atlantique, la réponse n'irait pas de soi. La France doit-elle reprendre, comme le souhaite Nicolas Sarkozy, "toute sa place" dans l'OTAN ? Jusqu'ici, rares étaient les hommes politiques qui voyaient l'intérêt de revenir sur la décision prise en 1966 par le général de Gaulle. La France ne siégeait ni au Comité des plans de défense (DPC), ni au Groupe des plans nucléaires (NPG), elle était faiblement représentée au sein de la structure militaire, mais cette exception française était admise par tous les alliés. Pendant des décennies, diplomates et officiers français ont expliqué que des "arrangements" permettaient à la France de compenser, en aval, l'absence d'informations et d'influence que son absence de la structure militaire lui coûtait.

Depuis que le chef de l'Etat a annoncé que le sommet de Strasbourg-Kehl viendra "conclure le processus de rénovation de la relation de la France avec l'OTAN", il est devenu urgent de rentrer dans le rang. Les militaires y sont très majoritairement favorables. Si le DPC n'a qu'une importance relative (il s'occupe de la planification de défense à long terme, et non des opérations en cours), la présence de quelque 900 officiers et sous-officiers (contre 110 aujourd'hui) dans la structure militaire, permettrait de participer à l'élaboration des concepts d'opération (Conops) et des plans d'opération (Oplan).

Paris dispose cependant d'un droit de veto au Conseil de l'Atlantique Nord (où siègent les ambassadeurs) et au Comité militaire, en particulier sur les règles d'engagement des troupes en opération. Il n'empêche : "Etre autour de la table, en amont, est plus efficace et moins humiliant que de devoir discrètement demander un papier qui nous intéresse à tel officier allemand ou belge", relève un général français. Ce faisant, la France sera-t-elle en meilleure position pour influencer les opérations de l'Alliance et promouvoir la défense européenne ?

Le tempo diplomatique de M. Sarkozy n'est pas mal choisi : il est plus facile de se rapprocher de l'Amérique de Barack Obama que de celle de George Bush. Mais le chef de l'Etat aurait été mieux inspiré de ne pas lier ce retour dans le giron atlantique à d'illusoires progrès de la défense européenne.

Par un glissement sémantique, la conditionnalité entre ces deux mouvements a disparu. Seuls les "missionnaires" de l'Elysée peuvent prétendre que l'Europe de la défense a engrangé les avancées promises en début de présidence française de l'Union européenne. Faute d'obtenir des progrès sur les projets structurants que seraient un quartier général et une Agence de défense européens dotés d'une réelle autorité, on a expliqué qu'au lieu de "brasser de grandes idées", mieux valait multiplier les petits projets.

Les Européens représentent 21 des 26 membres de l'OTAN. Si cette force de manoeuvre ne leur a pas permis de faire avancer d'un iota la constitution d'un "caucus" ou d'un "pilier" européen au sein de l'Alliance, c'est que les Américains s'y sont toujours refusés, et qu'il n'y a pas d'ambition européenne pour y parvenir.

La preuve se lit dans les dépenses militaires : la Grande-Bretagne est le seul pays à consacrer à son budget de la défense 2 % de son PIB alors que la moyenne européenne est de 1,31 %. La crise économique incitera-t-elle à inverser cette tendance, et en choisissant le ralliement atlantiste, la France ne signale-t-elle pas qu'elle renonce, elle aussi, à son ambition européenne ? Peut-elle espérer plus d'influence ? Les Britanniques, premier élève de la classe Atlantique, jouissent-ils de celle que devrait leur conférer leur "relation spéciale" avec Washington ? La réponse est non.

Reste la question de l'"alignement" sur les Etats-Unis. Certes, l'Allemagne et la Turquie n'ont pas hésité à s'opposer à Washington lors de la guerre en Irak. Mais les grandes décisions stratégiques sont rares. Si tous les ambassadeurs ont une voix égale au Conseil de l'Atlantique Nord, force est de constater que celle du représentant des Etats-Unis est prépondérante, et qu'il existe face à Washington une forme d'autocensure.

A Munich, lors de la récente conférence sur la sécurité, M. Sarkozy a placé la France dans la "famille occidentale". Espérons que son image dans le monde arabo-musulman ne pâtira pas de cet amalgame et du rapprochement décisif avec Washington voulu par M. Sarkozy. Mais il est trop tard pour y songer : le débat sur le retour complet de la France dans l'OTAN a suscité une telle attente parmi les alliés, qu'un statu quo serait interprété comme un geste de défiance envers l'Alliance atlantique. La messe atlantiste est dite. "

 

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