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Publié par Patrice Cardot

L'Union européenne participe aujourd'hui à 9 missions de gestion de crise, et déploie environ 2400 personnes qui opèrent dans des zones dans des environnements souvent encore hostiles.

La taille actuelle et la complexité des missions civiles engagées au titre de la PESD dépassent ce qui était initialement envisagé.

Nul n'ignore les problèmes auxquels se heurte en pratique l'UE : des ressources humaines limitées et soumises à la pression budgétaire, des procédures financières inadaptées, des capacités en matière de formation et des capacités techniques largement insuffisantes ... . Une impulsion politique est nécessaire pour s'assurer que les solutions techniques présentées soient à la hauteur des ambitions.

Ce problème est également celui de l'ONU (cf. l'article de ce blog intitulé : "2009, une année cruciale pour les opérations de maintien de la paix de l'ONU" - http://www.regards-citoyens.com/article-28767771.html). Depuis l'adoption, il y a 10 ans, du rapport Brahimi qui a établi le socle des opérations de maintien de la paix, les effectifs des opérations de maintien de la paix sont passés de moins de 14.000 personnes à près de 112.000 personnes en 2009, réparties dans 18 missions, avec un budget de plus de 7 milliards de dollars. Alors que le rapport Brahimi envisageait un Département des opérations de maintien de la paix capable de créer une nouvelle opération de maintien de la paix par an, ce rythme a été largement dépassé, a-t-il fait observer. Les opérations de maintien de la paix sont victimes de leur succès. Parmi les difficultés actuelles le nombre considérable des demandes et « l'écart immense » entre la demande et l'offre de personnel qualifié. « Ne serait-il pas plus prudent de limiter les mandats des opérations de maintien de la paix qui deviennent trop étendus et inclusifs, comme le recommandait le rapport Brahimi », s'est interrogé le Secrétaire général adjoint en charge de ce dossier à l'ONU, M. Alain Le Roy, lequel considère que la communauté internationale devrait examiner la possibilité de recourir à d'autres outils, notamment diplomatiques et militaires, quand il y a peu ou pas de paix à garantir.

Lorque les 27 ministres des Affaires étrangères se sont réunis les 27 et 28 mars 2009, à Hluboká nad Vltavou (le chateau des Schwarzenberg) pour la traditionnelle réunion informelle semestrielle dite de Gymnich), ils ont trouvé dans leur sacoche de travail un "non paper" de la présidence tchèque du Conseil qui présente les diverses voies à empunter afin d'améliorer la gestion civile de crises, document établi avec l'appui des services compétents du Secrétariat général du Conseil et de la Commission européenne, ainsi qu'avec celui des autorités françaises (présidence précédente) et suédoises (présidence suivante) compétentes en matière de gestion de crise.

Le document présenté lors de la réunion du Conseil informel formule plusieurs propositions aux Ministres parmi lesquelles figurent en bonne place les suivantes
:

1. Dégager des ressources budgétaires supplémentaires. « Plus de missions avec moins de ressources est la recette infaillible de l'échec ». La ligne budgétaire sur les mesures préparatoires - qui ne permet pas aujourd'hui de financer l'achat de matériels, services et recrutement de personnel nécessaire pour la mission principale - doit avoir une utilisation plus « flexible et globale » pour permettre un déploiement rapide (proposition qui trouvera dans le traité de Lisbonne des dispositions appropriées pour offir une base légale à de ce type de dépenses). Les règles de marchés publics doivent être revues afin de permettre la mise à disposition rapide des équipements nécessaires à la réalisation des missions, dès le début des opérations et pendant leur exécution(comme pour les actions humanitaires entreprises dans le cadre d'Echo). Enfin, la capacité de gestion financière des missions doit être améliorée.

2. Trouver les personnes qualifiées en un temps record, surtout quand les missions sont à haut risque, reste toujours une prouesse. Les « nouvelles missions dans les zones dangereuses feront face à des problèmes de recrutement ». L'idée est donc de renforcer la coopération entre les processus des 1er et 3e pilier de l'Union afin de permettre de trouver les ressources nécessaires pour stimuler les candidatures et assurer les formations indispensables, notamment en matière de police et de justice. La constitution d'une base de données d'experts ainsi que le profilage des ressources nécessaires est une autre piste.

3. Disposer du matériel nécessaire (communications, équipement de sécurité, services médicaux) dans un temps record, et, en particulier, dans la première phase d'opération, constitue un véritable défi. La solution passe par la conclusion de "contrats-cadres" couvrant les équipements essentiels. Deux contrats sont déjà disponibles. Et une série d'autres est en préparation. L'objectif est d'avoir une palette complète de contrats prêts à la mi 2010. D'autres solutions alternatives complètent cette démarche capacitaire comme la constitution de stocks, centralisés ou virtuels, et une rationalisation de l'exploitation des matériels dans les missions en cours.

Ce document arrive à point nommé. En effet, l'Union européenne doit confirmer officiellement dans les prochains jours la prolongation de sa mission civile en Irak chargée de former les policiers, juges et gardiens de prison jusqu’à juin 2010. Depuis sa mise en place, il y a quatre ans, presque 2000 personnes ont été formées, essentiellement par des stages et démonstrations pratiques qui se déroulent dans les pays membres de l’Union européenne. Cette mission civile avait scellé l’unité des 27 sur la nécessité ou pas d’intervenir en Irak. Elle pourrait trouver un nouveau souffle d’ici quelques mois après le départ annoncé des Américains (nb : le renforcement de ses effectifs ainsi que l’extension de ses tâches est d'ores et déjà à l’étude).  

L'agenda européen concourt à faire de la gestion, notamment civile, des crises une de ses priorités pour les mois à venir. En effet, la gestion de crises constitue avec la "défense européenne" une priorité de la présidence suédoise du Conseil de l'Union européenne qui s'étalera du 1er juillet au 31 décembre 2009. Cecilia Malmström, la ministre suédoise des Affaires européennes, l'a récemment affirmé devant le collège suédois de Défense. "
Protéger les citoyens contre les risques majeurs est au coeur des tâches européennes. [...]. Quel type de sécurité l'UE peut offrir aujourd'hui et que pourrait-on attendre de l'Union dans le futur ? On pourrait y répondre que (cette sécurité) couvre un large éventail : des attaques de pirates sur les côtes somaliennes ou de la mission judiciaire en Irak à un système de prévention précoce pour détecter des alimentations nuisibles dans un restaurant à Stockholm ou un restaurant à Madrid. Qu'il s'agisse d'une attaque terroriste à Mumbaï, d'un cyclone important dans le sud de la Suède, d'une cyberattaque en Estonie ou de la crise de gaz affectant la population slovaque ou bulgare, l'UE doit être capable d'agir ". 

L'exemple de l'intervention en Géorgie le montre, l'UE est capable de "gérer" effectivement les crises importantes. Mais "les moyens avec lesquels nous gérons ces crises sont encore de type ad hoc" souligne-t-elle. "Ce dont nous manquons, c'est d'une approche holistique et d'une prévisibilité. Chacun sait combien il est dangereux de travailler sur un système basé sur des solutions ad hoc, où chacun agit étroitement dans son secteur."

Pour la ministre suédoise, développer une approche globale (et non sectorielle) de prévention des crises est une nécessité absolue ; une approche qui croise les objectifs et les instruments attachés à la gestion civile de crises au sens de la PESD et ceux qui sont attachés à la sécurité civile.

L'exemple des attentats de Mumbaï le montre, « Quand bien même on ne l'aurait pas perçu ainsi à Bruxelles, sur place, on l'a bien vu, la coordination a été insuffisante » entre les Etats membres, et entre ces Etats et le niveau européen. C'est pourquoi la Suède veut développer les structures de coordination de l'UE face aux risques majeurs. Elle propose de doter le prochain collège des Commissaires d'un membre chargé explicitement de la gestion de crises. Elle entend également renforcer le MIC (mécanisme de coordination de sécurité civile, actuellement une petite unité de quelques personnes implantée au sein de la DG Environnement) en lui donnant « plus de ressources, des pouvoirs et des compétences adéquates ».

Et la Suède montre l'exemple. Afin de pouvoir gérer les crises possibles pendant qu'elle assurera la présidence du Conseil de l'Union, la Suède s'est d'ores et déjà dotée de deux structures dédiées : une cellule de gestion de crise a été créée au cabinet du Premier ministre et une nouvelle agence a été créée en début d'année, le "Swedish Civil Contingencies Agency" ces Agency", qui aura à sa disposition des personnels prêts à partir en cas d'urgence. L'expérimentation de cette double structure politique et opérationnelle permettra à l'Union européenne d'apprécier l'intérêt ou non de la reproduire au niveau européen.

Pour autant, cette appétence particulière pour la gestion civile des crises n'empêche pas la Suède et ses voisins nordiques (Finlandais, Norvégiens, Irlandais et Estoniens ) de prendre plus au sérieux que d'autres la préparation et l'entraînement des battlegroups (la force de réaction rapide légère de l'UE). Sur un effectif global de plus de 2100 personnes, environ 1.600 Suédois prendront place dans le battlegroup nordique. Une équipe d'une dizaine de personnes travaille déjà au FHQ, dont le siège est à Stockholm. Les effectifs monteront à environ 70 personnes après l'été pour être progressivement augmentés jusqu'à 109 personnes. (
Source : le blog bruxelles2.over-blog.com).

Cette implication particulièrement forte de la Suède dans un domaine où sa compétence est reconnue, et qui singularise la politique de Sécurité de l'Union européenne par rapport à l'ensemble des autres acteurs multilatéraux de la sécurité collective, et notamment de l'OTAN, participe indubitablement à renforcer les chances de Carl Bild d'accéder au poste tant convoité de Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l'Union, également Vice-Président de la Commission européenne (lequel pourrait alors se voir confier le porte-feuille de la gestion "globale" des crises) institué par le traité de Lisbonne.

Mais ces fonctions parmi les plus importantes de l'Union pourraient également être exercées avec brio par les français Michèle Alliot-Marie et Michel Barnier.

Il y aurait alors parfaite cohérence entre la personnalité retenue et l'ensemble des compétences attachées à la fonction : ce dont l'Union ne peut pas faire l'économie dans une période où les crises de toute nature et de grande ampleur vont au mieux se succéder et/ou, le plus probable, hélas, se superposer.

 

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