La crise économique mondiale n’affecte pas les pays membres de la zone euro de la même façon. Trois groupes de pays doivent être distingués :
- L’Espagne et l’Irlande ont favorisé, sous l’effet de taux réels très faibles résultant de la politique monétaire unique au sein de la zone euro,
une hausse spectaculaire de l’endettement des ménages et un boom explosif de l’activité de construction. Le ratio des prix des maisons aux loyers qu’on peut en retirer, sur une base 100 pour la
moyenne à long terme, a atteint en 2007, en moyenne, 197 en Espagne et Irlande, contre 156 en France et aux Pays-Bas, 126 en Italie et 71 en Allemagne. Cette évolution spéculative s’est
doublée, dans le cas de l’Espagne, d’une croissance déséquilibrée avec une contribution négative des exportations nettes à la croissance de 0,9 point de PIB par an sur la période 2002-2008. Le
déficit annuel de la balance courante des paiements a atteint en moyenne 5,5 points de PIB en Irlande et près de 10 points de PIB en Espagne en 2007-2008.
- L’Allemagne et les Pays-Bas ont favorisé une croissance tirée par les exportations, avec une contribution positive des exportations nettes à la
croissance de 0,8 point de PIB par an pour l’Allemagne et de 0,5 point de PIB par an pour les Pays-Bas sur la période 2002-2008. L’excédent annuel de la balance courante des paiements a atteint
en moyenne 7 points de PIB en Allemagne et 9 points de PIB aux Pays-Bas en 2007-2008.
- La France et l’Italie ont adopté un modèle intermédiaire avec un endettement des ménages qui reste relativement faible, un boom maîtrisé de la
construction et une contribution négative des exportations nettes à la croissance, plus élevée en France qu’en Italie. Ces deux pays tentent de favoriser l’essor de leur industrie nationale.
Contrairement à l’Allemagne, ils ont néanmoins perdu beaucoup de parts de marché à l’export et le déficit annuel de la balance courante des paiements a atteint en moyenne 2 points de PIB en
Italie et 3 points de PIB en France en 2007-2008.
Les contrastes entre ces trois groupes de pays sont donc saisissants !
Non seulement, ils montrent que la zone euro rassemble des pays dont les performances sont en divergence accélérée, mais la crise va affecter ces pays de façon très différente. Surtout, le
rebond éventuel après la sortie de crise, qui pourrait intervenir à partir de 2010, sera d’une nature très différente. (Pour une discussion des points techniques, voir le livre que je viens de
publier : La fin de l’euro, qui montre ce qui pourrait arriver si on ne met pas en place un gouvernement économique de la zone euro)
Pour reconstruire l’euro sur des bases saines, il faut un gouvernement
économique de la zone, au service d’une politique stratégique autonome de l’Europe, qui coordonne le policy mix de l’ensemble de la zone et instaure un minimum de fédéralisme fiscal au sein de
la zone en contrepartie de la mise en place de règles fiscales et sociales minimales. Ces éléments de règles fiscales et sociales minimales constituent le socle du Contrat social européen qu’il
faut construire et qui favoriserait la mobilité des travailleurs au sein de la zone euro.
Qui va enfin aborder ces questions dans la campagne pour les élections
européennes ?
Christian Saint Etienne est économiste (http://www.christiansaint-etienne.com/presse.html)
(Article paru le 8 mai 2009 : http://crise-europe.blog.lemonde.fr/2009/05/08/quelle-gouvernance-pour-la-zone-euro/)