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Publié par Ferdinando Riccardi

Les décisions issues du Sommet UE/Russie de la [mi mai] sont vite résumées, car en pratique il n'y en a pas, ainsi qu'il résulte du compte-rendu public publié dans notre bulletin n° 9907 (Bulletin Quotidien Europe daté du mardi 26 mai 2009). L'évaluation des résultats de ce Sommet est moins évidente : les commentaires vont d'un jugement modéré à la constatation du "naufrage du Sommet". En fait, toute évaluation ne peut pas faire abstraction des réalités sous-jacentes, que les autorités responsables des deux côtés connaissent (je parle de ceux qui maîtrisent ces dossiers, pas de qui s'improvise président de la réunion) mais qui reste dans l'ombre. Cette réalité est formée à la fois d'aspects bien connus et d'éléments ignorés ou oubliés. Un rappel schématique n'est peut-être pas inutile.

1. la nécessité de coopérer est réciproque. L'UE ne peut se passer de la Russie pour son approvisionnement énergétique, pour une durée indéfinie mais sans soute assez longue. La Russie ne peut pas se passer des débouchés européens, quelles que soient ses tentatives (dont la décision de tenir le Sommet dans un endroit situé à 7 heures d'avion de Moscou et à 30 km de la frontière avec la Chine) de faire croire aux débouchés alternatifs. Le régime politique russe permet au Kremlin de négliger, lorsqu'il l'estime opportun, les exigences immédiates, et d'accepter le coût à bref terme de cette attitude, en utilisant l'énergie comme instrument de sa politique étrangère. Un comportement est pratiquement impossible pour l'UE qui n'a pas de politique énergétique commune et dont les grandes entreprises ont davantage d'autonomie.

La dépendance russe vis-à-vis de l'UE est radicale : 58 % de ses exportations vont vers l'UE (statistiques 2008). De son côté, l'UE importe de Russie 25 % de son pétrole et 40 de son gaz naturel. Les nouveaux projets et investissements augmenteront ces pourcentages et la dépendance réciproque est donc destinée à augmenter progressivement. Le solde commercial est amplement favorable à la Russie.

2. La Russie privilégie ses relations bilatérales avec les grands pays européens par rapport à celles avec l'UE comme ensemble. C'est compréhensible car c'est dans son intérêt. L'UE devrait renforcer son unité et parler autant que possible d'une seule voix. Les plus réticents dans cette direction sont parfois les Etats membres qui, à première vue, ont le plus besoin de s'appuyer sur l'UE dans le dialogue avec Moscou ; les chefs d'Etat les plus eurosceptiques résident à Varsovie et à Prague. Il revient aux Polonais et aux Tchèques de choisir ; s'ils préfèrent une UE faible et moins solidaire, c'est leur droit.

3. La définition de nouvelles relations plus étroites avance très lentement, pour l'énergie en particulier. Le principe d'un nouvel accord de partenariat est acquis de puis longtemps ; les négociations ont commencé en juillet 2008 mais elles avancent très lentement. La réalisation d'une zone de libre-échange est liée à l'adhésion de la Russie à l'OMC, mais sur ce point des divergences significatives subsistent. La coopération énergétique a progressé en concret, mais il n'y a pas de consensus sur les principes. Pour l'UE, les principes de la Charte de l'énergie (que la Russie avait signée mais jamais ratifiée) demeurent valables : Moscou a réaffirmé la semaine dernière qu'elle ne le signera jamais, et propose de négocier un accord international. L'UE est disposée à envisager une mise à jour de la Charte mais ses principes doivent être sauvegardés. L'enjeu est colossal. Pour l'Europe, l'ouverture des marchés de l'énergie doit être réciproque, y compris pour les investissements, la propriété des installations, les fournitures aux consommateurs finaux. La Russie ne rejette aucun de ces principes a priori, mais le contenu juridique est tout à négocier. Entre -temps, l'essentiel des accords anciens entre les colosses pétroliers russes (étroitement contrôlés par les autorités politiques) et occidentaux ont été en grande partie révisés, et de nouveaux accords ou contrats ont été conclus, souvent à l'insu des autorités communautaires ou du moins sans qu'elels aient eu leur mot à dire.

Les positions de principe ont été réaffirmées d'un côté comme de l'autre au dernier Sommet UE-Russie. Les dossiers essentiels ne progressent pas. Dans la réalité, les initaitves de coopération énergétique se multiplient, mais les institutions européennes restent en marge. La différence entre le secteur de l'énergie (où une politique européenne commune n'existe pas) et le secteur commercial (où la politique commune existe et seule l'UE comme ensemble peut prendre des décisions  - et c'est elle qui négocie avec les pays tiers -) est sous les yeux de tous. Le Traité de Lisbonne, on le sait, ouvrirait la voie à une politique énergétique commune.

4. La méfiance politique est toujours présente. Les retards et les divergences citées au point précédent sous-entendent une méfiance politique qui demeure en général assez vive. Il serait ingénu de vouloir résumer ici des attitudes qui ont fait l'objet de tellement d'analyses approfondies, sinon pour rappeler que la méfiance est compréhensible de la part des Etats-membres qui étaient encore, il y a quelques années, sous le joug de Moscou, voire insérés de force dans l'ancienne URSS. Dans une partie de l'UE, les souvenirs du passé influencent les comportements, avec la crainteque la Russie actuelle garde et prolonge certains aspects de son impérialisme historique. Certains milieux moscovites ne cachent d'ailleurs pas qu'à leur avis, la dissolution de l'URSS avait été une erreur historique.

... / ... (cf. Tour d'horizon sur la réalité complexe des relations entre l'UE et la Russie (2)  )

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