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Publié par Patrice Cardot

Le présent article propose le second volet d'un même article. Pour la première partie, voir  : Les limites actuelles de la dynamique de l'Union européenne relative à la Sécurité (1)

Les textes fondamentaux de l'UE n'ont pas été conçus de manière appropriée pour favoriser l'émergence, en son sein, d'une politique commune de Sécurité adaptée à la réalité du nouveau contexte paradigmatique

L10 - Les textes fondamentaux de l'UE - qu'il s'agisse du Traité sur l'Union européenne , de la Charte européenne des droits fondamentaux , du Traité instituant une Constitution sur l'Europe , de décisions du Conseil européen , de stratégies communes établies dans le cadre PESC ou de la stratégie européenne de Sécurité - pêchent soit par omission soit par défaut de clarté quant à certains aspects centraux de l'approche que propose l'UE pour le traitement des questions de Sécurité.

Lorsque des dispositions pertinentes existent, l'absence des dispositions additionnelles permettant de clarifier les modalités concrètes de leur mise en œuvre (ce que les protocoles annexés au Traité ont pourtant vocation à permettre) comme l'absence de dispositions appropriées permettant d'entreprendre un recours en cas de manquement grave aux obligations qui y sont attachées les rendent ineffectives.

En outre, aucun regard n'y est posé, aucune piste n'y est véritablement ouverte ni sur l'articulation des aspects internes et externes de la Sécurité alors même que la stratégie européenne de Sécurité stipule qu'ils sont indissolublement liés, ni même sur la défense opérationnelle de l'UE , la PESC - qui englobe la PESD - ne limitant, à la fois de jure et de facto, les premières « briques » de la politique de Sécurité de l'UE qu'à ses seuls aspects extérieurs et internationaux, l'objectif de « projection de la stabilité » guidant principalement l'action en la matière.

L'UE éprouve de réelles difficultés pour atteindre ses objectifs en préservant ses principes, ses valeurs et ses intérêts avec l'efficacité nécessaire lorsqu'elle est confrontée aux exigences de la coopération internationale
L11 - L'introduction dans la typologie des compétences de l'UE de la catégorie de la « compétence partagée », qui procède d'une volonté commune des rédacteurs du traité de permettre un transfert de compétence progressif vers l'UE, soulève de nombreuses interrogations sur la manière dont l'Union pourra en tirer parti au niveau supranational dans la mesure où il demeure une certaine ambiguïté quant à la volonté réelle des Etats d'opérer les partages et/ou délégations partielles de souveraineté qui y sont associés.

L12 - L'EJLS pâtit des limites institutionnelles induites par le maintien dans le 3ème pilier des matières relatives à la coopération policière et à la justice dans le champ pénal, ainsi que par l'attribution à l'Union d'une compétence limitée à des actions d'appui, de complément et de coordination ; il pâtit également des incohérences et des incompatibilités qui résultent de la variété des doctrines nationales en matière de Sécurité intérieure ainsi que des systèmes de codification établissant les cadres juridiques et procéduraux nationaux qui en résultent .

Or, le processus constituant qui a tenté d'apporter des réponses à de tels dilemmes est en panne.


Les Etats membres se trouvent eux-mêmes placés devant de nombreux dilemmes qui fragilisent les efforts de l'UE

L13 - Les corpus institutionnels et juridiques nationaux qui déterminent partout en Europe la nature des rapports de l'Etat, de la Nation, de la Société et du Citoyen à la Sécurité sont le résultat d'héritages politiques, historiques et culturels extrêmement variés. Procédant, pour la plupart d'entre eux, d'une conception de la Sécurité et d'une lecture du monde inappropriées à une prise en compte de la nouvelle donne, ils placent les Etats membres de l'UE devant une incapacité structurelle à produire des réponses communes à des défis communs en matière de Sécurité d'un type nouveau. Cette incapacité se manifeste y compris dans le domaine judiciaire .
L14 - La versatilité des engagements des Etats membres en faveur d'une solidarité européenne effective sur des registres aussi essentiels que ceux de l'Economie, des Finances, de la Justice et de la Sécurité, qui se manifeste par une réaffirmation des logiques de puissance et de souveraineté nationales, fragilise la cohésion politique indispensable à l'UE pour agir avec l'efficacité attendue.

De telles postures se sont manifestées :

  - lorsque des codes de conduite non contraignants ont été préférés à des directives communautaires, à des positions ou actions communes - dans le cadre PESC - ou à des décisions-cadres - dans le cadre JAI - revêtant un caractère contraignant ;

  - lorsque des coopérations plus étroites ont été instaurées de manière délibérée en dehors du cadre institutionnel de l'UE ;

  - lorsque les engagements politiques pris par les Etats membres soit dans le cadre soit du Pacte de Stabilité et de Croissance, soit dans le cadre du processus de Lisbonne n'ont pas été tenus ;

  - ou lorsque certains Etats membres soucieux de sortir de leur neutralité ou de leur anonymat politique ont pris le parti, sans aucune concertation avec leurs partenaires de l'UE, de concéder des concessions politiques importantes à des tiers (Etats-Unis, OTAN, ...) sans avoir vérifié au préalable leur impact sur l'avenir du projet européen lui-même et/ou sur les opinions publiques nationales.

Cette situation suscite de fortes inquiétudes parmi les populations quant à la volonté réelle des gouvernements nationaux de puiser dans un « acquis communautaire » en construction continue les ressorts d'une nouvelle capacité publique commune pour garantir avec une effectivité et une efficacité accrues une Sécurité et une Justice à la mesure des enjeux ; alors même que ces dernières constituent pourtant le socle unificateur du projet européen que les Etats membres ont élaboré ensemble et/ou auxquels ils ont adhéré sur une base volontaire, en conscience et en responsabilité.
L15 - L'Union pâtit de l'interprétation restrictive des dispositions pertinentes de l'article 28 du traité sur l'UE qui est faite de manière récurrente par certains Etats membres, et qui interdit le recours à la fonction intégratrice de son budget pour le financement d'activités ayant des implications militaires ou en matière de Défense (situation qui s'est notamment concrétisée lors de l'élaboration du mécanisme ATHENA mis en place par l'UE pour financer certaines catégories de dépenses engagées par les Etats membres dans le cadre de missions de la PESD).
L16 - Certains Etats membres sont producteurs d'insécurité et/ou d'instabilité, que ce soit de manière délibérée ou de manière moins déterminée. Cela tient notamment à leur implication dans un commerce des armements et des technologies sensibles qui déroge parfois aux règles édictées par la Communauté internationale en pareille matière, autant qu'à leur soutien - actif ou tacite - à des mouvements d'opposition radicale à des gouvernements dont la légitimité n'a fait l'objet d'aucune contestation formelle de la part de la Communauté internationale, à l'approximation de leur posture politique ou diplomatique vis-à-vis de dossiers qui requièrent à la fois rigueur, cohérence et constance, ou encore à leur implication volontariste dans des conflits qui n'ont pas reçu l'aval formel du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
L17 - Lorsqu'elle négocie des accords internationaux, l'UE fait montre parfois de certaines faiblesses ; notamment lorsqu'elle accepte de ses partenaires des exigences et des contraintes qui, indépendamment du fait qu'elles sont souvent orphelines de contreparties pourtant exigibles en vertu du principe de réciprocité, s'avèrent rapidement susceptibles de nuire à son efficacité globale. Cette situation, que l'on observe dans les champs économiques, industriels, commerciaux, de la recherche, de la normalisation technique, ainsi que de la Sécurité stricto sensu , tient en grande partie à une certaine prééminence d'objectifs économiques et commerciaux - qui sont définis en tenant compte des contraintes que fait peser sur les décisions européennes une profonde interpénétration d'intérêts économiques et financiers avec certains partenaires stratégiques de l'UE (au premier rang desquels figurent les Etats-Unis ainsi que la Russie) - vis-à-vis d'objectifs politiques et stratégiques dont la définition demeure aléatoire.
On l'observe également dans les domaines stratégique et militaire dans la mesure où, en acceptant la présence de bases militaires stratégiques ou préstratégiques américaines sur son territoire-, et en se cantonnant à n'entreprendre d'initiatives que lorsqu'elles répondent rigoureusement aux obligations de ‘non duplication' et de ‘non découplage' qu'elle a contractées avec l'OTAN, l'UE est tenue d'assumer les risques politiques et stratégiques qu'emportent de telles options .

De nombreux paramètres exogènes interviennent dans la construction des réponses que l'UE entend apporter aux enjeux de Sécurité auxquels elle est confrontée

L18 - La mondialisation des flux économiques et du Droit (y compris en matière de droit substantiel) et l'inspiration réciproque des Cours suprêmes sont devenues des données incontournables du monde d'aujourd'hui. Elles conduisent à rendre sinon inopérante, tout au moins plus complexe, toute tentative d'émancipation de systèmes de Droit qui prétendraient n'être régis que par des principes et des valeurs propres à l'espace politique et social auxquels ils sont destinés et dont ils participent.

Dans un tel contexte, l'Union se trouve en proie à une difficulté supplémentaire : privilégier une construction et une application d'un Droit interne inspiré par le travail démocratique en son sein tout en satisfaisant à ses obligations de transposer dans le même Droit interne les dispositions d'un droit international établi dans d'autres espaces juridiques que le sien, fusse-ce celui des Organisations internationales .
L19 - La fixation du cours des ressources stratégiques (monnaie, pétrole, gaz, matières premières critiques) dont l'UE et ses membres cherchent à se doter sur les marchés internationaux d'échanges relève de processus dans lesquels l'UE n'occupe qu'une place souvent mineure. Cette situation existe également au sein des enceintes internationales où s'établissement les normes internationales (qu'il s'agisse de normes juridiques, de normes techniques, de normes comptables, etc.)
L20 - La mondialisation de l'information et des réseaux de diffusion de cette information participe à alimenter une guerre des idées vis-à-vis de laquelle l'UE ne dispose que de peu d'instruments pour agir dans le sens de ses intérêts, dans le respect le plus exigeant de ses principes et de ses valeurs.

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