Des valeurs, des droits et de l'état de droit dans l'Union européenne : rappel de quelques éléments du Traité de Lisbonne - nouvelle édition -
Dans un dossier intitulé " Libertés publiques : un état des lieux " publié dans son édition datée du
jeudi 5 février 2009, le quotidien Le Monde a proposé un ensemble d'analyses qui mettent en évidence l'existence d'un consensus politique nouveau, en France, autour de
la nécessité d'"encadrer" l'exercice des libertés publiques et privées, notamment au nom de l'anticipation, de la connaissance et de la prévention des risques, la sécurité étant qualifiée par les
dirigeants des principaux partis politiques, toutes tendances confondues, de "première des libertés" (voir également à cet égard un autre article de ce blog : De la restriction des droits et des libertés dans l'Union européenne ! - nouvelle édition - ).
Rappeler aux citoyens de l'Union les éléments les plus fondamentaux du droit primaire qui organise l'Union européenne et son fonctionnement me semble revêtir d'autant plus d'intérêt que
la pratique et le respect des valeurs comme des droits auxquels ils renvoient éprouvent indubitablement quelques difficultés à résister à l'épreuve des assauts multiples que leur infligent
des postures sécuritaires et d'autorité qui font quelque peu vaciller la démocratie et l'état de droit (cf. par exemple à cet égard l'article intitulé En Europe ... (LeMonde.fr) ).
Le présent article ne vise aucunement à l'exhaustivité du propos. Il se contente de ne citer que quelques uns des articles phares qui sont inscrits dans le traité sur l'Union européenne -
TUE - et le traité sur la fonctionnement de l'Union européenne - TFUE - qui composent le traité de Lisbonne consolidé. S'agissant des éléments tout aussi essentiels qui sont contenus dans la
Charte européenne des Droits fondamentaux, le lecteur est invité à en prendre connaissance au travers d'un autre article publié sur le présent blog (cf. La Charte européenne des droits fondamentaux).
S'agissant enfin du devoir, fondamental dans une démocratie libérale, qui consiste dans le respect le plus scrupuleux du principe de sécurité juridique, lequel établit que les destinataires
d’une norme de droit soient en mesure de la comprendre, et de bénéficier d’une certaine prévisibilité quant aux objectifs, aux conditions, aux modalités et aux effets de son application, le
lecteur est également invité à en prendre connaissance au travers d'un autre article publié sur le présent blog (cf. La sécurité
juridique : un principe démocratique au service des citoyens ! Plaidoyer en faveur de sa bonne application lors de la mise en oeuvre du traité de Lisbonne ! - nouvelle édition
-).
Traité sur l'Union européenne
Article 2 : L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des
droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités.
Ces valeurs
sont communes aux Etats membres [ci-après dénommés ÉM] dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les
femmes et les hommes.
Article
6 : L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux du 7 décembre 2000, [...], laquelle a la même valeur juridique que les
traités. Les dispositions de la Charte n'étendent en aucune manière les compétences de l'Union telles que définies dans les traités.
Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l'interprétation et l'application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions.
L'Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies dans les traités.
Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux ÉM, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux.
(cf. à cet égard Le droit international relatif aux droits de
l’homme ainsi que L'adhésion de l'Union européenne à
la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH) est une priorité ).
Article 7 : Sur proposition motivée d'un tiers des ÉM, du Parlement européen ou
de la Commission, le Conseil, ..., peut constater qu'il existe un risque clair de violation grave par un ÉM des valeurs visées à l'article 2 TUE.
Le Conseil européen,..., peut constater l'existence d'une violation grave et persistante par un ÉM des valeurs visées à l'article 2 TUE, après avoir invité cet ÉM à présenter toute observation en la matière.
Lorsque la constatation visée au paragraphe 2 a été faite, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut décider de suspendre certains des droits découlant de l'application des traités à l'ÉM en question, y compris les droits de vote du représentant du gouvernement de cet ÉM au sein du Conseil.
Ce faisant, le Conseil tient compte des conséquences éventuelles d'une telle suspension sur les droits et obligations des personnes physiques et morales.
Les obligations qui incombent à l'ÉM en question au titre du présent traité restent en tout état de cause contraignantes pour cet État.
Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut décider par la suite de modifier les mesures qu'il a prises au
titre du paragraphe 3 ou d'y mettre fin pour répondre à des changements de la situation qui l'a conduit à imposer ces mesures.
Article 21 : L'action de l'Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement
et à son élargissement et qu'elle vise à promouvoir dans le reste du monde :
- la démocratie,
- l'État de droit,
- l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le respect de la dignité humaine,
- les principes d'égalité et de solidarité
- et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit
international.
L'Union s'efforce de développer des relations et de construire des partenariats avec les pays tiers et avec les
organisations internationales, régionales ou mondiales qui partagent les principes visés au premier alinéa.
Elle favorise des solutions multilatérales aux problèmes communs, en particulier dans le cadre des Nations
unies. L'Union définit et mène des politiques communes et des actions et oeuvre pour assurer un haut
degré de coopération dans tous les domaines des relations internationales afin :
a) de sauvegarder ses valeurs, ses intérêts fondamentaux, sa sécurité, son indépendance et son intégrité ;
b) de consolider et de soutenir la démocratie, l'État de droit, les droits de l'homme et les principes du droit international ;
c) de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale, conformément aux buts et aux principes de la charte des Nations unies, ainsi qu'aux principes de l'acte final d'Helsinki et aux objectifs de la charte de Paris, y compris ceux relatifs aux frontières extérieures ;
d) de soutenir le développement durable sur le plan économique, social et environnemental des pays en développement dans le but essentiel d'éradiquer la pauvreté ;
e) d'encourager l'intégration de tous les pays dans l'économie mondiale, y compris par la suppression progressive des obstacles au commerce international ;
f) de contribuer à l'élaboration de mesures internationales pour préserver et améliorer la qualité de l'environnement et la gestion durable des ressources naturelles mondiales, afin d'assurer un développement durable ;
g) d'aider les populations, les pays et les régions confrontés à des catastrophes naturelles ou d'origine humaine;
h) de promouvoir un système international fondé sur une coopération multilatérale renforcéeet une bonne gouvernance mondiale.
L'Union respecte les principes et poursuit les objectifs visés aux paragraphes 1 et 2 dans l'élaboration et la
mise en oeuvre de son action extérieure dans les différents domaines couverts par le présent titre et par la cinquième partie du TFUE, ainsi que de ses autres politiques dans leurs aspects
extérieurs.
L'Union veille à la cohérence entre les différents domaines de son action extérieure et entre ceux-ci et ses
autres politiques. Le Conseil et la Commission, assistés par le HRAEPS, assurent cette
cohérence et coopèrent à cet effet.
Traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne
Article 20 : Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État
membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.
Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités.
Ils ont, entre autres :
a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des ÉM ;
b) le droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu'aux élections municipales dans l'ÉM où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État ;
c) le droit de bénéficier, sur le territoire d'un pays tiers où l'EM dont ils sont ressortissants n'est pas représenté, de la protection des autorités diplomatiques et consulaires de tout ÉM dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État ;
d) le droit d'adresser des pétitions au Parlement européen, de recourir au médiateur européen, ainsi
que le droit de s'adresser aux institutions et aux organes consultatifs de l'Union dans l'une des langues des traités et de recevoir une réponse dans la même langue.
Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en
application de ceux-ci.
Sur cette base, et sans préjudice des autres dispositions des traités, le Conseil, statuant conformément à une
procédure législative spéciale, et après approbation du Parlement européen, peut arrêter des dispositions tendant à compléter les droits énumérés à l'article 20 TFUE, paragraphe
2.
Ces dispositions entrent en vigueur après leur approbation par les ÉM, conformément à leurs règles
constitutionnelles respectives.
Article 67 : L'Union constitue un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des droits fondamentaux et des différents
systèmes et traditions juridiques des ÉM.
Elle assure l'absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures et développe une politique commune en matière d'asile, d'immigration et de contrôle des frontières extérieures qui est
fondée sur la solidarité entre ÉM et qui est équitable à l'égard des ressortissants des pays tiers.
Aux fins du présent titre, les apatrides sont assimilés aux ressortissants des pays
tiers.
L'Union oeuvre pour assurer un niveau élevé de sécurité :
- par des mesures de prévention de la criminalité, du racisme et de la xénophobie, ainsi que de lutte contre ceux-ci,
- par des mesures de coordination et de coopération entre autorités
policières et judiciaires et autres autorités compétentes,
- ainsi que par la reconnaissance mutuelle des décisions
judiciaires en matière pénale
- et, si nécessaire, par le rapprochement des législations
pénales.
L'Union facilite l'accès à la justice, notamment par le principe de reconnaissance
mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires en matière civile.
Article 258 : Si la Commission estime qu'un ÉM a manqué à une des obligations qui lui
incombent en vertu des traités, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations.
Si l'État en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice de l'UE.
Article 259 :
Chacun des ÉM peut saisir la Cour de justice de l'UE s'il estime qu'un autre ÉM a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des
traités.
Avant qu'un ÉM n'introduise, contre un autre ÉM, un recours fondé sur une prétendue violation des obligations qui
lui incombent en vertu des traités, il doit en saisir la Commission.
La Commission émet un avis motivé après que les États intéressés ont été mis en mesure de présenter
contradictoirement leurs observations écrites et orales.
Si la Commission n'a pas émis l'avis dans un délai de trois mois à compter de la demande, l'absence d'avis ne fait
pas obstacle à la saisine de la Cour de justice.
Article
260 : Si la Cour de justice de l'UE reconnaît qu'un ÉM a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, cet État est tenu de prendre les mesures
que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour de justice de l'UE.
Si la Commission estime que l'ÉM concerné n'a pas pris les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour,
elle peut saisir la Cour de justice de l'UE, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations. Elle indique le montant de la somme forfaitaire ou de l'astreinte à payer par l'ÉM
concerné qu'elle estime adapté aux circonstances.
Si la Cour reconnaît que l'ÉM concerné ne s'est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d'une
somme forfaitaire ou d'une astreinte.
Cette procédure est sans préjudice de l'article 259 TFUE.
Article
269 : La Cour de justice n'est compétente pour se prononcer sur la légalité d'un acte adopté par le Conseil européen ou par le Conseil en vertu de l'article 7 TUE que
sur demande de l'ÉM qui fait l'objet d'une constatation du Conseil européen ou du Conseil, et qu'en ce qui concerne le respect des seules prescriptions de procédure prévues par ledit article.
Cette demande doit être faite dans un délai d'un mois à compter de ladite constatation.
La Cour statue dans un délai d'un mois à compter de la date de la demande.
Article
354 : Aux fins de l'article 7 TUE relatif à la suspension de certains droits résultant de l'appartenance à l'Union, le membre du Conseil européen ou du Conseil
représentant l'ÉM en cause ne prend pas part au vote et l'ÉM en cause n'est pas pris en compte dans le calcul du tiers ou des quatre cinquièmes des ÉM prévu aux paragraphe 1 et 2 dudit article.
[...]
Dans la situation chaotique que traversent aujourd'hui l'Union européenne comme la citoyenneté qui y est attachée, il va sans dire qu'être tenté de prendre quelque distance par
rapport à ces principes juridiques fondamentaux qui sont inscrits dans le marbre des traités ne procèderait évidemment pas d'une démarche cherchant à faire émerger cette "smart
power" - bien plus exigeante encore que la "soft power"- dont l'Union a l'impérieuse obligation de se doter dans les meilleurs délais pour ne pas imploser ! D'où l'appel
appuyé du Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe (cf. Le Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe appelle à veiller à la prise en compte des Droits de l'Homme dans les
budgets publics - nouvelle édition - ).
Figurent également sur ce blog des liens qui permettent d'accéder aux textes officiels des deux traités évoqués supra, des déclarations et
protocoles qui y sont attachés ainsi que de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.