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Publié par Patrice Cardot

Monsieur le Premier Ministre,

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères et Européennes,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,


Le 15 septembre 2008, un an après le début de la crise des « subprimes », le monde entier a été projeté
au bord du précipice par la décision des autorités américaines de laisser tomber la banque Lehman Brothers. Une décision, je le rappelle, prise alors sans aucune concertation avec les principaux partenaires des Etats-Unis.

Ce jour-là, le monde a constaté qu’une dérégulation sans fin, aveuglément confiante dans l’esprit de responsabilité des acteurs financiers, avait conduit à une irresponsabilité généralisée devant l’appât irrésistible du gain rapide.

Ce jour-là, le monde a constaté qu’une certaine forme de capitalisme fondée sur la spéculation, sur la concurrence sans limite entre les places financières, menaçait de mort l’économie réelle.

Ce jour-là a marqué la fin d’une mondialisation où les acteurs du marché imposaient leur loi, où tout était devenu objet de spéculation, où les prix du pétrole et du blé, comme les valeurs boursières, pouvaient doubler ou tripler en quelques mois avant de s’effondrer. Pour des raisons d’ailleurs tout aussi mystérieuses que ce qui les avait fait monter.

Ce jour-là, les Etats se sont retrouvés seuls, absolument seuls, face à leurs responsabilités.

Seuls les Etats pouvaient arrêter la panique, restaurer la confiance.

Eux seuls pouvaient empêcher, par leurs interventions, que la réaction en chaîne n’emporte, d’un bout à l’autre de la planète, dans une débâcle absolument sans précédent, l’épargne et le travail de dizaines, voire de centaines de millions de femmes et d’hommes.

Ce jour-là, les Etats ont constaté qu’ils devaient impérativement travailler ensemble et qu’il n’y aurait de salut que collectif.

Je n’oublierai jamais les nuits blanches où l’on devait trouver, avant l’ouverture des marchés, des dizaines de milliards pour sauver telle banque ou tel pays de l’effondrement.

Je n’accepterai pas que ceux qui nous ont plongés dans la crise la plus grave depuis 1930 soient autorisés à recommencer comme avant. La France ne l’acceptera pas. Chacun devra prendre ses responsabilités et mettre ses actes en accord avec ses propos.

Face à la tentation du sauve-qui-peut, du chacun pour soi, à la tentation du retour, au protectionnisme, dès le 23 septembre 2008, à la tribune des Nations Unies, au nom de l’Europe, j’ai proposé la tenue d’un sommet des principaux dirigeants mondiaux. Cinq semaines plus tard, c’était le sommet de Washington ; cinq mois plus tard, c’était le sommet de Londres ; et fin septembre, ce sera Pittsburgh.

De premiers progrès, impensables il y a un an, ont été obtenus, notamment sur les paradis fiscaux, appelés « places non coopératives », puisque le mot même « paradis fiscal » était interdit dans les cercles diplomatiques internationaux. A Washington, la France avait été absolument la seule à se battre sur ce sujet ; à Londres, avec le soutien de la Chancelière MERKEL nous avons arraché la publication d’une liste ; depuis, les avancées sont spectaculaires : c’est la fin du secret bancaire !

Quand je vois l’enthousiasme d’une grande banque suisse à livrer au fisc américain plusieurs milliers de ses clients fraudeurs, je me dis que le monde à bien changé. Et naturellement la France en tirera toutes les conséquences s’agissant de ses propres fraudeurs. Ces avancées devront être complétées à Pittsburgh par l’adoption d’une liste complète de contre-mesures, à appliquer dès 2010, à l’encontre de ceux qui ne coopéreraient pas complètement.

Beaucoup reste à faire pour que la finance, qui est à l’origine de cette crise, soit désormais au service de l’investissement et de la croissance. Je veux parler du scandale des bonus. Car c’est bien d’un scandale dont il s’agit. A Londres, nous avons édicté des principes. Ces principes seront appliqués et renforcés. Que ceux qui s’imaginent qu’ils pourraient reprendre leurs affaires comme avant la crise sachent qu’ils en seront pour leurs frais ! Que les choses soient très claires, comme cela, il n’y aura pas de surprise !

La France appliquera sans attendre les règles les plus strictes qui existent sur le domaine international en matière de bonus, sans attendre que les autres les appliquent. Le rôle de la France, c’est d’être en initiative et pas de subir. C’est trop facile, alors que tant de gens souffrent, de dire « on attend que les autres bougent pour bouger ». Et l’on fait comme d’habitude, on ne fait qu’attendre, puisque que par construction les autres ne bougeront pas si nous nous ne bougeons pas. A Pittsburgh se jouera une partie décisive. La France dira à ses partenaires: « Voilà non pas ce que nous nous apprêtons à faire, mais voilà ce que nous avons décidé de faire ». Si un partenaire est en désaccord avec nous, qu’il le

dise devant le tribunal de l’opinion publique internationale et devant le tribunal de sa propre opinion.

Et d’ici là, avec le Premier ministre, nous avons demandé à Christine LAGARDE de plaider dans la presse internationale pour que les mesures que nous avons adoptées en France soient soumises au débat devant les opinions publiques des autres pays. La France mettra sur la table une initiative internationale, à Pittsburgh, pour appliquer dans les pays du G20 les règles de transparence, de gouvernance, de responsabilité qui sont désormais les règles de la place de Paris. Nous proposerons de renforcer les sanctions à l’égard des banques qui ne joueraient pas le jeu. Et nous allons même poser la

question de la limitation du montant des bonus. Je ne vois pas au nom de quoi cette question serait taboue à Pittsburgh. S’il y a des avis opposés, je suis sûr qu’ils seront défendus avec talent. Le monde jugera et chacun en tirera les conséquences.

Nous devons également travailler à l’adaptation des normes comptables, autre sujet capital, pour qu’elles cessent de favoriser le court terme au détriment de l’investissement. Nous allons travailler à Pittsburgh à la supervision des fonds spéculatifs, qui demeurent insuffisamment régulés et peuvent désorganiser des marchés entiers. Enfin nous travaillerons à la prévention par le FMI des risques systémiques, pour que nous ne soyons plus confrontés à des situations où l’excès d’endettement de certains pays constituerait une menace pour la stabilité financière du monde entier.

Sur tous ces sujets la France sera intraitable. Il faut aller au bout des réformes. Il ne faut pas perdre l’élan qui a été donné et il faut agir. Pas demain : il faut agir maintenant.
A Pittsburgh, d'autres chantiers nous attendent.
La question du prix de l’énergie, et notamment du pétrole, qui n’est rien moins que l’autre bombe à retardement qui pèse sur la croissance de demain. Que les prix du pétrole soient trop élevés et la croissance sera étouffée. Que les prix du pétrole soient trop bas et les investissements s’arrêteront, provoquant après quelques années la pénurie et donc l’explosion des prix. Avec Gordon BROWN, nous avons proposé une relance du dialogue producteurs-consommateurs. Nous devons nous fixer deux objectifs : la lutte contre la spéculation sur les marchés et la détermination d’une fourchette de prix raisonnables, avec un peu de vision sur le moyen comme sur le long terme. C’est dès Pittsburgh qu’il faut lancer ce dialogue puisque nous aurons autour de la table les principaux pays consommateurs et des pays producteurs majeurs comme l’Arabie Saoudite, la Russie, le Mexique, le Canada.

Répondre au défi énergétique mondial, c’est aussi favoriser l’accès au nucléaire civil. Ce n’est pas un sujet tabou. Il n’y aura pas de solution aux problèmes énergétiques mondiaux sans un juste partage du nucléaire civil. Une soixantaine de nouveaux pays dans le monde ont déjà marqué leur vif intérêt pour des programmes électronucléaires. L’accès au nucléaire civil, la France l’affirme, mérite un débat de fond. Et nous n’avons rien à craindre de ce débat. C’est un choix lourd. La France organisera dans les prochains mois, en liaison avec l’AIEA, une conférence pour aider à définir ce chemin avec les acteurs internationaux du nucléaire civil. Le choix de la France, c’est de coopérer sans discrimination, et de réaliser ainsi l’un des objectifs du Traité de non-prolifération.

A Pittsburgh, nous devrons aussi réfléchir au rééquilibrage des modèles de croissance des grandes économies. La crise a signifié la fin d’une époque, celle des déséquilibres insoutenables des Etats-Unis et de la Chine, où à l’excès d’endettement des uns répond l’excès d’épargne des autres.

Le Président Barack OBAMA peut compter sur le soutien de la France dans sa volonté de transformer le modèle économique et social américain. Mais la hausse - inévitable- de l’épargne des ménages américains et la résorption -nécessaire- des gigantesques déficits américains signifient que l’Amérique importera moins et voudra exporter plus.

La Chine, et il convient de lui rendre hommage, a su réagir vite et fort en allumant un nouveau moteur de sa croissance : celui de son marché intérieur. Mais son modèle de développement restera longtemps encore fondé sur l’exportation.

Comment gérer les tensions inévitables de cette période de transition ?

Comment résister aux tentations protectionnistes qui existent partout ?

Comment surtout éviter des évolutions des parités des principales monnaies qui pourraient déboucher sur de très graves tensions ?

La Chine et la Russie ont esquissé des propositions qui montrent que la réalité politique et économique multipolaire du monde d’aujourd’hui devra tôt ou tard trouver sa traduction monétaire. Un monde multipolaire ne peut pas compter sur une seule monnaie. Une architecture internationale rénovée, un FMI renforcé, permettront de créer les lieux de débats et de concertation plus que jamais nécessaires pour éviter des fluctuations de change excessives et profondément déstabilisatrices.

La France est prête, dans le cadre de l’Euro, à participer activement à ce processus. Mais la France n’acceptera pas, je le dis clairement, que l’Euro supporte seul le poids des ajustements, comme cela a été le cas dans le passé. C’est un sujet qui est trop grave pour les emplois en France.

Dernier chantier qu‘il faut traiter et faire aboutir à New York, à Pittsburgh puis à Copenhague : le réchauffement climatique. Il nous impose d’inventer une nouvelle croissance, dé-carbonée, et d’en assurer le financement, cher Michel ROCARD. Sous présidence française, l’Europe a su répondre pleinement aux demandes établies par les scientifiques unanimes, mais nous sommes à ce jour les seuls, les seuls à avoir pris une décision. Il n’y en a pas d’autres ! Il appartiendra, et c’est essentiel, aux autres pays industrialisés, et d’abord aux Etats-Unis, de dire rapidement, en termes comparables, leurs objectifs de moyen terme. C’est nécessaire parce que si les Etats-Unis ne se mettent pas dans la partie, jamais les grands pays émergents n’accepteront un accord ambitieux. Et cela se joue entre le mois de septembre et le mois de décembre.

Conclure à Copenhague est indispensable. Chacun devra assurer ses responsabilités. Tout retard dans l’action sera irrattrapable. Il n’y a pas de session de rattrapage. Ce sera Copenhague en décembre, ou ça ne sera pas. Que ceux qui s’y opposent assument, là aussi, leurs responsabilités.


Le temps, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, n’est pas notre allié. Il est notre juge et nous
sommes déjà en sursis.

Pour préparer ces rencontres où se décidera l’avenir, la France présentera le 14 septembre, à Paris, les conclusions de la Commission que j’ai pris l’initiative, l’année dernière, de réunir sous la Présidence de deux prix Nobel d’économie, Joseph STIGLITZ et Amartya SEN, pour réfléchir sur la mesure de nos performances économiques. Nnous ne changerons pas nos comportements si nous ne changeons pas la manière de mesurer nos résultats. Je vous demande de donner à cette réunion le plus grand retentissement afin qu’à travers le monde entier, responsables et experts s’approprient cette réflexion qui contribuera à la mutation économique et écologique devenue indispensable. Si l’on garde les mêmes éléments de mesure de l’économie, comment voulez-vous que nous changions le processus de production dans l’économie ?


Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,


Ces sommets qui se succèdent à un rythme sans précédent doivent solder les comptes d’une époque
révolue et jeter les bases d’une économie nouvelle et d’un monde nouveau.

La crise nous libère du carcan de la pensée unique. La crise nous oblige à penser autrement. C’est une chance qu’il nous faut saisir à bras le corps.

Bien sûr il ne faut pas sous estimer le poids des acteurs économiques et financiers dans le monde.

Mais l’Etat a retrouvé toute sa place et il doit la conserver en montrant le chemin d’une nouvelle régulation mondiale.

Nous ne réussirons dans la durée que si nous nous fixons des objectifs ambitieux. Lorsque l’objectif fixé est médiocre, personne ne s’engage pour faire des sacrifices. C’est cette conviction qui a conduit la France, lorsque nous assurions la présidence de l’Europe.

Une évidence s’impose : lorsque le monde sortira de la crise, la hiérarchie des puissances ne sera plus ce qu’elle était lorsqu’elle a éclaté. Et la France doit voir le monde tel qu’il sera et non pas simplement tel qu’il a été. La Chine, l’Inde, le Brésil en sortiront plus haut et plus forts.

A chaque instant, au moment de prendre chaque décision, je me pose la même question : le choix que je suis en train de proposer aidera-t-il la France et les Français à sortir de la crise plus forts ? C’est la seule grille de lecture qui vaille.

Avec le Premier ministre, François FILLON, nous avons adopté un ensemble de mesures pour stabiliser notre système financier, pour soutenir l’activité, pour protéger ceux qui sont le plus touchés par la crise. Voir, qu’aujourd’hui la France repasser au cinquième rang des économies du monde, c’est une satisfaction, même si nous ne sommes pas sortis de la crise. La France est de nouveau, entre l’Allemagne et le Royaume-Uni, la cinquième puissance du monde. Mais ce n’est pas suffisant.

Chaque décision doit aussi nous aider à préparer l’avenir. Elle doit nous permettre d’entrer mieux armés dans le monde nouveau que ces sommets successifs mettent en place. C’est tout le sens de l’emprunt national qui fera l’objet d’un vaste débat, cet automne, débat, organisé, préparé par la commission présidée par Michel ROCARD et Alain JUPPE.


Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,


Ce sujet de la hiérarchie des puissances à la sortie de la crise interpelle aussi l’Europe. Il n’est pas
scandaleux de poser la question : l’Union européenne veut-elle être une puissance ? L’Union européenne veut-elle être l’un des principaux acteurs du XXIème siècle ? Est-ce qu’elle veut faire le XXIème siècle ou est-ce qu’elle veut le subir ?

La question ne se pose pas aux adversaires ou aux concurrents de l’Union européenne ; la question se pose aux Européens.

La présidence française avait apporté sa part de réponse. A chaque fois que l’Europe veut, l’Europe peut. Le problème, c’est que l’Europe ne veut pas toujours.

L’Union doit se doter des institutions qui faciliteront la prise de décisions. C’est tout l’enjeu du référendum irlandais du 2 octobre. Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne proposé par la France et le choix du premier Président stable du Conseil européen, comme du Haut Représentant, ce sont dix années de débats institutionnels qui pourraient s’achever sur un succès.

Tout sera alors affaire de pratique et je voudrais ici tirer les leçons de l’expérience que nous avons acquise et parler du rôle de chaque Etat. Tous les Etats en Europe sont égaux en droits, mais ils ne sont pas égaux en devoirs. Quand une crise éclate et qu’il faut trouver une solution, les devoirs de la France et de l’Allemagne sont plus grands que ceux d’autres pays parce que la France et l’Allemagne, ce sont les deux plus grands pays de l’Union européenne. Les responsabilités qui pèsent sur les Etats sont directement fonction de leur poids. Ce constat n’appelle la mise en place d’aucune structure particulière. Ce constat implique simplement un état d’esprit, un engagement, qui sont plus que jamais, me semble-t-il, la marque de l’entente franco-allemande.

Je veux parler très clairement : pourquoi y a-t-il eu une panne en Europe pendant si longtemps ? Ce n’est pas simplement une question d’institutions, c’est une question d’état d’esprit : un certain nombre de grands pays n’ont pas voulu mettre dans le moteur de la voiture européenne, suffisamment de carburant pour avancer. Et c’est trop facile de dire : les autres ne sont pas d’accord, donc on n’avance pas. On attend que tout le monde soit d’accord et, encore une fois, comme personne n’est toujours d’accord, on ne fait qu’attendre. Attendre n’est pas une ambition !

Dans chaque crise et sur chaque grand dossier, l’entente franco-allemande, l’amitié qui me lie à Angela MERKEL, ont aidé l’Europe à assumer toutes ses responsabilités. Cette entente n’a rien d’exclusif. Le Royaume-Uni avec Gordon BROWN en a fait la démonstration. Gordon BROWN s’est comporté en grand européen. Il ne m’appartient pas de porter un jugement sur la politique intérieure anglaise naturellement, mais lorsqu’il a fallu prendre ses responsabilités pour le traité de Lisbonne, les Anglais ont assumé leurs responsabilités. L’Italie, l’Espagne, la Pologne peuvent apporter une contribution majeure pour peu qu’ils adoptent le même état d’esprit : au delà des droits de chacun, quels sont les devoirs, les responsabilités que chaque Etat est prêt à assumer pour que l’Union européenne devienne, au XXIème siècle, un acteur de premier rang ?

Pour que l’Europe fasse à nouveau l’Histoire au lieu de la subir, il faut qu’elle assume ses valeurs, qu’elle les défende sans agressivité mais avec fermeté. Pour cela les grands pays ne doivent pas attendre ; ils doivent aussi montrer le chemin. J’étais fier de l’Europe lorsque, à notre initiative, à Genève, l’Europe a quitté la salle au moment où le Président AHMEDINEDJAD a prononcé un discours inacceptable. Les générations qui nous ont précédées n’ont pas construit l’Europe pour entendre aujourd’hui que l’on doit rayer de la carte Israël. Il y a des valeurs, il y a une identité et il y a des choses qui sont inacceptables. J’étais fier aussi, lorsque que l’Europe a décidé de renforcer ses sanctions contre la junte au pouvoir en Birmanie. La condamnation inique de Madame AUNG SAN SUU KYI est un véritable scandale.

L’Europe doit renforcer ses capacités militaires parce que l’Europe n’est pas une immense Croix Rouge ! Loin de moi l’idée de critiquer la Croix Rouge qui fait un travail international considérable et remarquable, mais l’Europe n’est pas une immense ONG. L’Europe est une puissance commerciale, politique, économique, monétaire et militaire. L’Europe doit défendre ses intérêts comme elle le fait dans les Balkans, en Géorgie, au Tchad ou au large des côtes somaliennes.

C’est dans cet esprit également que la France a rejoint les structures militaires de l’Alliance atlantique.

Avec une France qui prend toute sa place dans l’OTAN, ce sont les Européens qui sont plus forts dans l’Alliance. Dans quelques jours je recevrai le nouveau Secrétaire général de l’OTAN; et le général ABRIAL prendra la tête de l’un des deux grands Commandements stratégiques alliés, celui de la Transformation de l’Alliance. L’enjeu est majeur : il s’agit de construire l’Alliance transatlantique dont nous aurons besoin pour les prochaines décennies. Le débat est engagé. Il doit aboutir d’ici un an.

La France a maintenant les moyens de peser de tout son poids dans ce débat central pour notre sécurité. Qui pourrait comprendre qu’au moment où l’on rénove l’Alliance, la France n’y occupe pas toute sa place ? Et qui peut penser qu’une France en dehors aurait plus d’influence qu’une France à l’intérieur ? Et qui peut penser que l’on peut renforcer le pilier européen de l’Alliance sans la France ?

Au cours des prochains mois, j’aurai l’occasion de préciser nos vues sur un autre vaste chantier dont je souhaite qu’il progresse en 2010. Je veux parler des relations entre l’Union Européenne et la Russie, un chantier considérable. Nous avons beaucoup à nous dire, Union européenne et Russie, en matière économique pour faire un vaste espace économique, et en matière de sécurité. Prenons le Président Medvedev au mot, essayons de construire des relations !


Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,


Autant de droits mais plus de devoirs car davantage de responsabilités, tel doit être aussi le principe
directeur de la réforme de la gouvernance mondiale.

Depuis le temps que l’on en parle, maintenant il faut la faire ! C’est un sujet essentiel. Dès mon élection j’ai plaidé pour une adaptation des organisations internationales aux réalités du XXIème siècle. La crise, me semble-t-il, a donné à mon plaidoyer la force de l’évidence. Mais nous ne sommes qu’au début du chemin. Avec le Président Lula, nous avons proposé à nos pairs du G14 une « Alliance pour le changement de la gouvernance mondiale ».La France fera tout pour que les réformes soient conduites à leur terme.

J’observe avec plaisir que la transformation du G8 en G14 a franchi un pas décisif. Je souhaite que la présidence canadienne en 2010 organise l’essentiel du prochain sommet en format G14. Mon intention, c’est d’achever totalement cette transformation sous présidence française en 2011. Imaginez parler des grands sujets du monde sans la Chine, sans l’Inde, sans le Brésil, sans le Mexique, sans un seul pays arabe, sans un seul pays africain, c’est vraiment une idée étrange quand on est diplomate, stupide quand on est politique. Après le G14, un mot sur le G20 qui n’a pas si mal marché ? Je le dis d’autant mieux que lorsqu’il a fallu convaincre le Président BUSH de tenir la première réunion de Washington, la France demandait un G14 et c’est lui qui a eu l’idée du G20. Va pour le G20 ! Le G20 est assez légitime : 85 % de la richesse mondiale. Il est légitime sur les questions économiques et financières. La réforme du FMI doit être conduite à son terme, son Comité Monétaire ministériel et son conseil d’administration doivent devenir plus politiques, mieux articulés avec le G20.

Le Forum des Economies Majeures joue un rôle utile mais il faut que toutes ces instances améliorent les conditions de leur collaboration. Il n’y a pas simplement à modifier la gouvernance mondiale, il y a à donner de la cohérence. On crée trop d’instances qui se concurrencent.

... / ...

(Pour la seconde partie de ce discours : Discours de M. le Président de la République, Nicolas Sarkozy, lors de la XVIIème Conférence des Ambassadeurs (Palais de l'Elysée – 26 août 2009) - Seconde partie - )
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