Au G20, en Corée du Sud, Paris espère imposer ses vues en matière de taxe bancaire
Du puissant PDG de Goldman Sachs, l'Américain Lloyd Blankfein, au président de Santander, l'Espagnol Emilio Botin, en passant par le président de BNP Paribas, le Français Michel Pébereau, tous les banquiers de la planète auront les yeux rivés sur la ville de Busan, en Corée du Sud, vendredi 4 et samedi 5 juin.
En pleine crise de la dette dans la zone euro, les ministres des finances des pays du G20 doivent s'y retrouver afin de s'entendre sur une meilleure régulation de la finance. Au coeur des débats : la mise en place d'une taxe bancaire internationale, un projet étudié depuis plusieurs mois, et redouté des établissements bancaires.
Une telle taxe, vigoureusement soutenue par le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne, vise à éviter que les Etats aient à nouveau à intervenir, lors d'une future crise bancaire, pour sauver un établissement, sur fonds publics. Elle compte, en cette veille de sommet, à peu près autant de partisans que de détracteurs.
Le camp des partisans regroupe des pays leaders comme les Etats-Unis et, en Europe, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France. Il est déterminé à faire payer les banques au nom du principe du "pollueur-payeur". Face à lui, le camp des détracteurs rassemble tous les Etats qui ont échappé à la crise financière : le Canada, l'Australie et les pays émergents.
Plutôt que de taxer les banques, ces pays préconisent de renforcer leurs fonds propres, l'option que privilégient aussi les autorités de régulation bancaire. Celles-ci estiment qu'une taxe ne renforcerait en rien la solidité du secteur, mais risquerait, par un effet pervers, de renchérir le coût des crédits aux ménages et aux entreprises.
En outre, affecter le produit d'une telle taxe au budget de l'Etat, tel que l'envisagent Londres et Paris, reviendrait à désigner la puissance publique comme l'assureur inconditionnel des banques. Une épée de Damoclès au-dessus des finances publiques ! Au contraire, les fonds propres, précise un régulateur, sont "la seule façon de constituer un matelas de sécurité face aux risques liés à l'activité bancaire".
Surenchère
Désireuse de conserver son statut moteur en matière de régulation (sur les fonds spéculatifs, les agences de notation, les produits dérivés, etc.), la France se fait fort de rallier à son point de vue de grands pays réfractaires. Le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, a prévu de rencontrer le premier ministre canadien, Stephen Harper, vendredi à Paris, afin de le convaincre du bien-fondé de la taxe. "On dispose déjà d'une masse critique de pays favorables et il y a un consensus européen, la taxe a de bonnes chances de voir le jour !", estime déjà un proche de M. Sarkozy.
Si tel était le cas, pour ne pas fragiliser les banques et risquer de freiner la distribution de crédits, Paris plaiderait pour une version allégée - "soutenable" - des projets parallèles de renforcement des fonds propres des banques préparés par le Comité des régulateurs de Bâle. "Il faut faire attention à la croissance et aux banques, qui, en Europe, assurent deux tiers du financement de l'économie", précise-t-on à l'Elysée.
Mais l'enjeu de ce G20 sera aussi de montrer une Europe soudée sur la gestion de la crise des dettes souveraines. Face à l'aggravation de la situation, les Etats semblent être entrés dans une surenchère de régulation, souvent dictée par l'émoi de leur opinion publique et menée sans concertation. A Busan, les ministres des finances devront faire taire ces divergences pour éviter que la crise ne dégénère.
La problématique des déficits publics pourrait d'ailleurs être discutée plus largement. Nombre de pays en dehors de la zone euro affichent aussi de lourds déficits et redoutent d'être à leur tour la cible d'attaques sur les marchés. "Je ne doute pas que l'on parlera d'Europe, de déficit et de dettes souveraines, mais cela ne concernera pas uniquement l'Europe", confirmait, mercredi 2 juin, la ministre française de l'économie, Christine Lagarde. Pour la locataire de Bercy, les débats porteront sur la façon de "concilier les nécessaires réductions des déficits, tout en maintenant un soutien à la croissance". "Il faut, estime-t-elle, sortir sur la pointe des pieds des plans de relance."
Cet article de Claire Gatinois et Anne Michel est paru le 2 juin 2010 sur le site LeMonde.fr