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Publié par Nicolas Gros-Verheyde

La question de la sécurité du Sahel préoccupe grandement plusieurs Etats européens. Et elle devrait finalement faire l’objet de conclusions au prochain Conseil des ministres des Affaires étrangères, lundi 25 octobre.

Une lettre de 8 pays

Une discussion a eu lieu récemment au COPS, le Comité politique et de sécurité. Et 8 Etats avaient déjà montrés leur détermination à agir : Allemagne, Danemark, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Portugal, Suède (1). Ils avaient adressé une lettre de trois pages à la Haute représentante en septembre donnant l’alerte et réclamant une action déterminée et concertée au niveau européen. Celle-ci a apparemment bien été entendue. Et les trois paragraphes de conclusions, plutôt laconiques, qui pourraient être adoptés lundi sont chargés de sens quand on a lu la lettre originale. Ils y renvoient, en effet, tant dans la terminologie des menaces reprises que des instruments proposés.

Etudier une stratégie

Les 27 pourraient ainsi demander à la Commission et la Haute représentant d’étudier une « stratégie pour le Sahel ». Une stratégie qui devrait ressortir d’une approche globale car l’échelle du risque est large : de la pauvreté au terrorisme, en passant par la criminalité organisée ou le trafic de drogues et des Etats quasi faillis (Mauritanie surtout) - voir à cet égard De la sécurité durable au Maghreb : un autre regard ! - première partie - (nouvelle édition) ainsi que De la sécurité durable au Maghreb : un autre regard ! - seconde partie - (nouvelle édition) -. Trois pays sont principalement concernés : le Niger, le Mali et la Mauritanie. Apparemment, ce n’est pas une simple clause de style, comme c’est parfois le cas pour les dossiers délicats. Mais d’une réelle commande qui devrait déboucher sur des propositions concrètes rapidement. Car ce que craignent les 8 notamment c’est un phénomène tâche d’huile vers des pays comme le Tchad, voire le Soudan à l’est qui en feraient un immense territoire totalement incontrôlé et incontrôlable.

Allier le court au moyen terme

En pratique, il s’agit de voir parmi les instruments européens lesquels seraient les plus utiles afin de mettre en place un renforcement de l’action sur place. Une action qui couplerait : développement, bonne gouvernance (avec renforcement des autorités de l’Etat, aide à la justice), et sécurité (lutte contre les réseaux criminels et lutte anti-terroriste) ; qui allierait le court (expertise et assistance) et le moyen terme (formation de personnel, mise en place d’un système judiciaire). Une nécessité. « L’assassinat d’un Britannique n’a même pas donné lieu à ouverture d’une enquête judiciaire » commente un spécialiste.

Une mission robuste

Une mission d’expertise « robuste » pourrait  être déployée. Il ne s’agirait donc pas, dans l’esprit des auteurs de l’initiative, d’une ou deux personnes qui iraient renforcer les ambassades de l’UE dans ces pays. Mais d’une mission plus étoffée comprenant à la fois des spécialistes de la lutte anti-terroriste, des experts de la criminalité, de la lutte contre le trafic de drogues… Elle pourrait comporter au moins une cinquantaine de personnes (policiers, douaniers, juges, experts du développement…), avec divers moyens techniques. En gros, le format d’une mini-mission Eulex mais sans l’abriter sous le parapluie de l’Europe de la Défense. Elle bénéficierait du concours, au niveau européen, du service diplomatique, du SitCen et du coordinateur de la lutte anti-terroriste.

Pas de mission PeSDC

Apparemment, les ambassadeurs semblent d’accord, au moins une majorité d’entre eux, pour ne pas déclencher de mission PeSDC. Du moins dans l’immédiat. Processus trop lourd et pas tout à fait adapté à la situation dans ces pays m’a-t-on expliqué. Un peu trop voyant également, donc contre-productif. Car en l’espèce, il ne s’agit (comme dans une mission PeSDC) d’avoir un maximum de visibilité. Mais au contraire, d’avoir un maximum de discrétion. Et, aussi, d’agir vite. Une mission PeSDC nécessiterait trop de discussions, éventuellement une résolution de l’ONU, et le consensus ne semble pas atteint sur cette nécessité.

Première application du couple JAI Relex et du dispositif Traité de Lisbonne

A cette notion pratique s’ajoute une dimension politique. On va tester pour la première fois le dispositif issu du Traité de Lisbonne ; l’intégration du Haut représentant de l’UE dans la Commission européenne et la mise en place d’un service diplomatique, renforcé. Cela devrait permettre également de tester différents concepts, restés jusqu’alors à l’heure de la théorie. L’intégration des questions de sécurité et de de développement tout comme les relations entre Justice Affaires Intérieures et Relations extérieures (JAI – RELEX pour les intimes). On peut noter que depuis plusieurs années, on étudie dans les instances du Conseil et du COPS, il serait temps de passer à la pratique. Avec le Sahel, il y a là le cas d’école parfait. « Si on ne le fait pas là, on ne le fera jamais » m’a expliqué un spécialiste de la question.

(1) On peut observer le format intéressant de cette initiative : les pays nordiques (souvent favorables à une action sur le développement), le trio franco-allemand-espagnol (déjà à la « manoeuvre » pour la Somalie), ainsi que le Portugal et les Pays-Bas. Dans presque tous ces pays, la dimension anti-terroriste est très présente, voire une réalité quasi-quotidienne. Un seul absent : le Royaume-Uni.

 

Cet article a été également publié sur le site www.bruxelles2.eu/

 

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