Christine Lagarde veut aller plus loin dans la régulation des agences de notation (Les Echos)
Hier (lundi 3 mai 2010), la ministre de l'Economie n'a pas manqué de critiquer les conditions de la dégradation des notes des Etats souverains de l'Europe du Sud. Bercy réfléchit à renforcer la régulation à venir sur les agences de notation.
Hier, la ministre française de l'Economie, Christine Lagarde, n'a pas mâché ses mots pour qualifier l'attitude de Standard & Poor's de « pousse au crime » dans une interview accordée au « Monde ». Elle reproche à la première agence de notation au monde d'avoir annoncé les dégradations des notes de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal, la semaine dernière dans les dernières minutes des séances, n'offrant aux investisseurs pour seule perspective que de couper illico des positions qui ne répondent plus à leurs critères de gestion.
Du coup, la réglementation européenne qui entre en vigueur le 7 juin ne lui suffit plus. A cette date, les agences de notation pourront demander leur enregistrement auprès des autorités des Etats membres. Normalement, les trois grandes agences, Standard & Poor's, Moody's et Fitch, devraient passer par les fourches Caudines de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Le gendarme de la Bourse française aura jusqu'au 7 septembre pour examiner les dossiers selon des lignes directrices fournies par le CESR, le comité des régulateurs européens. Ensuite, l'AMF les surveillera et les contrôlera. A compter du 1 er janvier 2011, la nouvelle institution, l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), prendra la relève.
Désormais, Christine Lagarde souhaite que les régulateurs soient plus précis dans leur examen. Selon l'entourage de la ministre, les réflexions tournent autour de quatre thèmes. Le premier concerne les modalités de diffusion des notations. Le timing de l'annonce revêt une importance capitale à la lumière de ce qui s'est passé la semaine dernière. Le second point s'attarde sur la transparence des méthodologies. Là, il est question d'améliorer la prévisibilité des changements. D'une certaine manière, les agences auraient à livrer leurs recettes de cuisine. Tertio, le marché devrait s'ouvrir plus largement à la concurrence. Un thème récurrent sur lequel butent, depuis des années, les gouvernements et les régulateurs. Les trois grands de la profession ont atteint un tel niveau de maîtrise technologique, et surtout disposent d'une base de données historiques sans égale, que les barrières à l'entrée de ce microsecteur ont découragé plus d'un prétendant. Enfin, Bercy envisage d'étudier la pertinence de l'utilisation des notations dans les réglementations, notamment sur l'adéquation des fonds propres des banques. La question est de savoir quel outil sera le plus approprié pour répondre à ces questions. Dans son interview, la ministre évoque une piste : « Les agences de notation doivent réfléchir à des codes de bonne conduite qui soient opérationnels. » L'entourage de Christine Lagarde espère que ces réflexions trouveront un large écho au niveau européen, car il n'est pas question pour la France de faire cavalier seul.
Parallèlement, l'idée d'une agence de notation européenne lancée par le président de l'Eurogroupe et ministre des Finances luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, puis reprise par le commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, Michel Barnier (« Les Echos » du 30 avril), fait son chemin. Hier, la chancelière allemande, Angela Merkel, peu avare en critiques contre les acteurs traditionnels de la note, a estimé lors d'un point presse qu' « elle pourrait être utile » et qu'elle pourrait apporter « une compréhension de base » des mécanismes économiques différente de celle des agences existantes, plus orientée vers « la pérennité » de l'économie et moins vers le court terme. Elle en appelle ainsi à plus de concurrence.
Source : http://www.lesechos.fr/