Conclusions du Conseil européen sur la politique de sécurité et de défense commune (Bruxelles - 19 décembre 2013)
Partie I, points 1 à 22 des conclusions du Conseil européen (déjà adoptés)
I. POLITIQUE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE COMMUNE
1. La défense est une question importante. Une politique de sécurité et de défense commune (PSDC) efficace contribue à renforcer la sécurité des citoyens européens et concourt à la paix et à la stabilité dans notre voisinage et dans le monde en général. Toutefois, l'environnement stratégique et géopolitique de l'Europe évolue rapidement. Les budgets consacrés à la défense en Europe sont limités, ce qui a pour effet de restreindre la capacité à développer, déployer et maintenir des capacités militaires. La fragmentation des marchés européens de la défense nuit à la pérennité et à la compétitivité de l'industrie européenne de la sécurité et de la défense.
2. L'UE et ses États membres doivent assumer davantage de responsabilités face à cette situation difficile s'ils veulent contribuer au maintien de la paix et de la sécurité dans le cadre de la PSDC en coopération avec les principaux partenaires, tels que les Nations unies et l'OTAN.
La PSDC continuera à se développer en pleine complémentarité avec l'OTAN dans le cadre agréé du partenariat stratégique entre l'UE et l'OTAN et dans le respect de leur autonomie de décision et de leurs procédures respectives. Il faut pour cela disposer des moyens nécessaires et maintenir un niveau suffisant d'investissements. Aujourd'hui, le Conseil européen s'engage résolument à ce qu'une PSDC crédible et efficace continue d'être développée, conformément au traité de Lisbonne et aux possibilités qu'offre celui-ci. Le Conseil européen demande aux États membres d'approfondir la coopération en matière de défense en améliorant la capacité de mener des missions et des opérations et en tirant pleinement parti des synergies afin d'améliorer le développement et la disponibilité des capacités civiles et militaires requises, en s'appuyant sur une base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) plus intégrée, plus durable, plus innovante et plus compétitive. Cet effort aura également, pour l'industrie européenne dans son ensemble, des retombées positives sur le plan de la croissance, de l'emploi et de l'innovation.
3. Dans le prolongement des conclusions du Conseil européen de décembre 2012, un travail important a été entrepris par la Commission, la Haute Représentante, l'Agence européenne de défense et les États membres. Le 25 novembre 2013, le Conseil a adopté des conclusions substantielles, que le Conseil européen fait siennes (Council conclusions on Common Security (Brussels, 25 November 2013).
4. Sur cette base, le Conseil européen a recensé un certain nombre d'actions prioritaires qui s'articulent autour de trois axes: augmenter l'efficacité, la visibilité et l'impact de la PSDC, accroître le développement des capacités et renforcer l'industrie européenne de la défense.
a) Augmenter l'efficacité, la visibilité et l'impact de la PSDC
5. Ces dernières années, des progrès ont été accomplis dans plusieurs domaines liés à la PSDC.
Les nombreuses missions et opérations civiles et militaires de gestion de crises menées dans le monde entier témoignent concrètement de l'attachement de l'Union à la paix et la sécurité internationales. Dans le cadre de la PSDC, l'Union déploie aujourd'hui plus de sept mille personnes affectées à douze missions civiles et quatre opérations militaires. L'Union européenne et ses États membres peuvent exercer au niveau international une capacité sans équivalent à combiner de manière cohérente des politiques et des instruments se rapportant à un large éventail de domaines qui vont de la diplomatie, de la sécurité et de la défense au financement, au commerce, au développement et à la justice. Rendre cette approche globale de l'UE encore plus efficace et effective, y compris dans le cadre de son application à la gestion de crises par l'UE, constitue une priorité. Dans ce contexte, le Conseil européen accueille avec intérêt la présentation de la communication conjointe de la Commission et de la Haute Représentante.
6. L'Union reste fermement déterminée à travailler en étroite coopération avec ses partenaires mondiaux, transatlantiques et régionaux. Il conviendrait d'intensifier cette coopération, dans un esprit de renforcement mutuel et de complémentarité.
7. Le Conseil européen souligne qu'il importe d'apporter un soutien aux pays et organisations régionales partenaires, en mettant à leur disposition, selon les besoins, des actions de formation, des conseils, des équipements et des ressources, afin qu'ils puissent améliorer progressivement leur capacité à prévenir ou à gérer des crises par eux-mêmes. Le Conseil européen invite les États membres, la Haute Représentante et la Commission à assurer la plus grande cohérence possible entre les actions menées par l'Union et celles menées par les États membres à cet effet.
8. L'UE et ses États membres doivent être en mesure de planifier et de déployer les moyens civils et militaires appropriés rapidement et efficacement. Le Conseil européen souligne qu'il faut améliorer les capacités de réaction rapide de l'UE, notamment en accroissant la flexibilité et la déployabilité des groupements tactiques de l'UE, en fonction de ce que décident les États membres. Il y a lieu d'examiner sans tarder les aspects financiers des missions et opérations de l'UE, y compris dans le cadre de la révision du mécanisme Athena, en vue d'en améliorer le système de financement, sur la base d'un rapport de la Haute Représentante. Le Conseil européen invite la Commission, la Haute Représentante et les États membres à veiller à ce que les procédures et les règles applicables aux missions civiles offrent plus de souplesse à l'Union et lui permettent d'accélérer le déploiement de ces missions.
9. De nouveaux défis en matière de sécurité continuent de voir le jour. La dimension intérieure et la dimension extérieure de la sécurité de l'Europe sont de plus en plus imbriquées. Pour que l'UE et ses États membres puissent faire face, en concordance avec les efforts de l'OTAN, le Conseil européen préconise:
• de définir en 2014 un cadre d'action de l'UE en matière de cyberdéfense, sur la base d'une proposition élaborée par la Haute Représentante, en coopération avec la Commission et l'Agence européenne de défense;
• d'élaborer d'ici juin 2014 une stratégie de l'UE en matière de sécurité maritime, sur la base d'une communication conjointe de la Commission et de la Haute Représentante et compte tenu des avis des États membres, et d'élaborer ensuite des plans d'action pour relever les défis qui se posent dans le domaine maritime;
• de multiplier les synergies entre la PSDC et les acteurs du domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice pour s'attaquer aux problèmes horizontaux tels que la migration illégale, la criminalité organisée et le terrorisme;
• de continuer à développer le soutien qu'apporte la PSDC aux États et régions tiers afin de les aider à mieux gérer leurs frontières;
• de renforcer davantage la coopération pour relever les défis en matière de sécurité énergétique.
Le Conseil européen invite la Haute Représentante à évaluer, en coopération étroite avec la Commission, les conséquences des changements intervenus sur la scène internationale et à rendre compte au Conseil, dans le courant de 2015 et après consultation des États membres, des défis qui attendent l'Union et des possibilités qui s'offriront à elle.
b) Accroître le développement des capacités
10. La coopération dans le domaine du développement des capacités militaires est cruciale si l'on veut maintenir les capacités essentielles, remédier aux lacunes et éviter les doublons.
La mutualisation de la demande, la consolidation des exigences et la réalisation d'économies d'échelle permettront aux États membres d'utiliser plus efficacement les ressources disponibles et de garantir l'interopérabilité, y compris avec les principales organisations partenaires telles que l'OTAN. Des approches coopératives, dans le cadre desquelles les États membres ou les groupes d'États membres qui le souhaitent développent des capacités sur la base de normes communes ou arrêtent des modalités d'utilisation, de maintenance ou de formation communes, tout en ayant accès aux capacités en question, permettront aux participants de bénéficier d'économies d'échelle et d'une efficacité militaire accrue.
11. Le Conseil européen reste déterminé à assurer la disponibilité des capacités essentielles et à combler des insuffisances critiques grâce à des projets concrets élaborés par les États membres avec l'appui de l'Agence européenne de défense. Gardant présent à l'esprit que les capacités sont détenues et exploitées par les États membres, il relève avec satisfaction les éléments suivants:
• mise au point de systèmes d'aéronefs télépilotés (RPAS) à l'horizon 2020-2025: travaux préparatoires en vue d'un programme relatif à une nouvelle génération de RPAS européens de moyenne altitude et longue endurance; mise en place d'une communauté d'utilisateurs de RPAS entre les États membres participants qui possèdent et exploitent ces RPAS; synergies étroites avec la Commission européenne dans le domaine réglementaire (en vue d'une première intégration des RPAS dans le système aéronautique européen d'ici 2016); financement approprié des activités de R&D à partir de 2014;
• développement de la capacité de ravitaillement en vol: réalisation de progrès en vue d'accroître la capacité globale et de réduire la fragmentation, en particulier dans le cadre de la création d'une capacité d'avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport, s'accompagnant de synergies dans les domaines de la certification, de la qualification, du soutien en service et de la formation;
• télécommunications par satellite: travaux préparatoires en vue de la prochaine génération de télécommunications gouvernementales par satellite, dans le cadre d'une étroite coopération entre les États membres, la Commission et l'Agence spatiale européenne; création d'un groupe d'utilisateurs en 2014;
• cyberespace: élaboration d'une feuille de route et de projets concrets axés sur la formation et les exercices, amélioration de la coopération civilo-militaire sur la base de la stratégie de cybersécurité de l'UE, ainsi que protection des moyens dans le cadre des missions et opérations de l'UE.
12. Il y a lieu de faciliter la coopération en renforçant la transparence et le partage d'informations dans le domaine de la planification de la défense, afin de permettre aux responsables de la planification et de la prise de décisions au niveau national d'envisager une plus grande convergence des besoins capacitaires et des calendriers. Afin de favoriser une coopération plus systématique et s'inscrivant dans le long terme, le Conseil européen invite la Haute Représentante et l'Agence européenne de défense à présenter d'ici la fin de 2014 un cadre d'action approprié, en parfaite cohérence avec les processus de planification existants de l'OTAN.
13. Le Conseil européen se félicite des modèles coopératifs existants, tels que le commandement européen du transport aérien (EATC), et encourage les États membres à étudier les moyens de reproduire le modèle de l'EATC dans d'autres domaines.
14. Le Conseil européen se félicite des progrès accomplis en matière de coopération grâce au code de conduite de l'Agence européenne de défense relatif à la mutualisation et au partage.
Il préconise de concevoir de nouvelles mesures incitatives et approches novatrices en faveur de la coopération, y compris par l'examen de mesures fiscales ne créant pas de distorsions sur le marché, en conformité avec la législation européenne existante. Il invite l'Agence européenne de défense à étudier des moyens permettant aux États membres de coopérer de façon plus efficace et rationnelle dans le cadre de projets de passation de marchés mutualisés, et à faire rapport au Conseil d'ici la fin de 2014.
15. Compte tenu du recours fréquent aux missions, qui par nature sont civiles, le Conseil européen demande que le développement des capacités civiles s'intensifie et souligne qu'il importe de mettre pleinement en oeuvre le plan de développement des capacités civiles.
c) Renforcer l'industrie européenne de la défense
16. L'Europe doit disposer d'une base industrielle et technologique de défense (BITDE) plus intégrée, plus durable, plus innovante et plus compétitive pour pouvoir assurer le développement et le soutien de ses capacités de défense, ce qui pourra aussi lui permettre d'accroître son autonomie stratégique et sa capacité à agir avec des partenaires. La BITDE devrait être renforcée afin de garantir l'efficacité opérationnelle et la sécurité d'approvisionnement, tout en préservant sa compétitivité à l'échelle mondiale et en stimulant la création d'emplois, l'innovation et la croissance dans l'ensemble de l'UE. Ces efforts devraient associer toutes les parties prenantes, ouvrir des possibilités pour l'industrie de la défense au sein de l'UE, être équilibrés et respecter pleinement le droit de l'UE. Le Conseil européen souligne qu'il convient de continuer à développer les compétences nécessaires considérées comme essentielles pour l'avenir de l'industrie européenne de la défense.
17. Un marché de la défense qui fonctionne bien et qui repose sur l'ouverture, l'égalité de traitement et de chances et la transparence pour tous les fournisseurs européens revêt une importance cruciale. Le Conseil européen accueille avec intérêt la communication de la Commission intitulée "Vers un secteur de la défense et de la sécurité plus compétitif et plus efficace". Il note que la Commission entend élaborer, en étroite coopération avec la Haute Représentante et l'Agence européenne de défense, une feuille de route concernant la mise en oeuvre. Il souligne qu'il importe de mettre en oeuvre et d'appliquer correctement et dans leur intégralité les deux directives de 2009 dans le domaine de la défense, l'objectif étant entre autres d'ouvrir le marché pour les sous-traitants de toute l'Europe, de réaliser des économies d'échelle et de permettre une meilleure circulation des produits liés à la défense.
Recherche - double usage
18. Afin de garantir la compétitivité à long terme de l'industrie européenne de la défense et de se doter des capacités modernes nécessaires, il est essentiel de conserver l'expertise en recherche et technologie (R&T) dans le domaine de la défense, en particulier en matière de technologies critiques. Le Conseil européen invite les États membres à accroître leurs investissements dans des programmes de recherche en coopération, en particulier les investissements communs, et à développer au maximum les synergies entre la recherche au niveau national et celle qui est menée au niveau de l'UE. Les activités de recherche dans le domaine civil et dans le domaine militaire sont complémentaires, y compris en ce qui concerne les technologies clés génériques et les technologies en matière d'efficacité énergétique. Le Conseil européen se félicite par conséquent que la Commission ait l'intention d'évaluer de quelle manière les résultats obtenus dans le cadre du programme "Horizon 2020" pourraient aussi bénéficier aux capacités industrielles de défense et de sécurité. Il invite la Commission et l'Agence européenne de défense à coopérer étroitement avec les États membres afin d'élaborer des propositions visant à stimuler davantage la recherche portant sur les applications à double usage. Une action préparatoire sur la recherche liée à la PSDC sera mise en place; parallèlement, et dans toute la mesure du possible, des synergies avec les programmes de recherche nationaux seront recherchées.
Certification et normalisation
19. La mise au point de normes et de procédures de certification pour les équipements de défense permet de réduire les coûts, d'harmoniser la demande et d'accroître l'interopérabilité.
L'Agence européenne de défense et la Commission établiront d'ici la mi-2014 une feuille de route pour l'élaboration de normes industrielles dans le domaine de la défense, sans double emploi avec les normes existantes, en particulier les normes de l'OTAN. En liaison avec la Commission et les États membres, l'Agence européenne de défense élaborera également des options pour réduire le coût de la certification militaire, y compris en améliorant la reconnaissance mutuelle entre les États membres de l'UE. Elle devrait faire rapport au Conseil sur ces deux questions d'ici la mi-2014.
PME
20. Les PME sont un maillon important de la chaîne d'approvisionnement dans le secteur de la défense, et elles constituent une source d'innovation et un catalyseur essentiel de la compétitivité. Le Conseil européen insiste sur l'importance que revêt pour les PME l'accès transfrontière aux marchés et souligne qu'il convient d'exploiter pleinement les possibilités qu'offre la législation de l'UE en matière de sous-traitance et de délivrance de licences générales de transfert; il invite la Commission à étudier les possibilités de mesures additionnelles en vue d'ouvrir les chaînes d'approvisionnement aux PME de tous les États membres. Le soutien aux réseaux régionaux de PME et aux groupements ("clusters") stratégiques revêt également une importance primordiale. Le Conseil européen accueilleavec satisfaction les propositions de la Commission visant à promouvoir un meilleur accès des PME aux marchés de la défense et de la sécurité et à encourager une forte participation de celles-ci aux futurs programmes de financement de l'UE.
Sécurité d'approvisionnement
21. Le Conseil européen souligne l'importance que revêtent les arrangements sur la sécurité d'approvisionnement pour le développement de la planification et de la coopération à long terme ainsi que pour le fonctionnement du marché intérieur de la défense. Il se félicite de l'adoption récente, au sein de l'Agence européenne de défense, d'un arrangement-cadre amélioré sur la sécurité d'approvisionnement et invite la Commission à élaborer, avec les États membres et en coopération avec la Haute Représentante et l'Agence européenne de défense, une feuille de route pour un régime global en matière de sécurité d'approvisionnement applicable dans l'ensemble de l'UE, qui prenne en compte la mondialisation des chaînes d'approvisionnement critiques.
d) Prochaines étapes
22. Le Conseil européen invite le Conseil, la Commission, la Haute Représentante, l'Agence européenne de défense et les États membres, dans leurs domaines de compétence respectifs, à prendre des mesures résolues et vérifiables pour mettre en oeuvre les orientations présentées ci-dessus. Le Conseil européen évaluera en juin 2015 les progrès concrets accomplis sur toutes ces questions et fournira de nouvelles orientations, sur la base d'un rapport du Conseil fondé sur des contributions de la Commission, de la Haute Représentante et de l'Agence européenne de défense.
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Version anglaise : European Council conclusions on Common Security and Defence Policy - 19 December 2013:
http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/pressdata/en/ec/140214.pdf