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Publié par Patrice Cardot

Le présent article propose une caractérisation des concepts et des fonctions de base communs à tout système de sécurité, quelle que soit la finalité sectorielle de ce système.

Système de Sécurité :

Un système de Sécurité est constitué des éléments suivants :
   - un socle de principes et de concepts qui déterminent la ‘conception de la Sécurité' propre à l'entité socio-politique qui le conçoit, qui l'adopte et/ou qui le met en œuvre, conformément aux ressorts et aux déterminants du modèle de Société auquel il est associé ; un modèle porteur à la fois d'une identité articulée sur un système de valeurs et de principes, d'une vision du monde et de son évolution, ainsi que d'un projet politique et sociétal pour elle-même (et parfois également pour le monde),

   - un cadre politique - une ‘politique de Sécurité' - qui a vocation à fixer de manière qualitative des objectifs de Sécurité (objectifs politiques, objectifs stratégiques, niveaux de sécurité ...), et à définir le cadre doctrinal à partir duquel, et les régimes de garanties sur la base desquels cette entité entend agir pour atteindre de tels objectifs, conformément à sa propre conception de la Sécurité,

  - une ‘stratégie de Sécurité' - ou tout au moins, un ‘concept stratégique pour la politique de Sécurité' - qui a pour objectif de déterminer la manière dont cette entité entend mettre en œuvre sa politique de Sécurité, en définissant des options alternatives dans l'emploi des instruments,

   - un ensemble d'architectures (institutionnelle, fonctionnelle et organique) articulées entre elles de manière cohérente, et au moyen desquelles doit se déployer la stratégie de Sécurité,

   - ainsi qu'une ‘stratégie des moyens' qui précise la nature et le volume des ressources (organisationnelles, financières, matérielles, humaines, ..) que cette entité dédie à sa politique de Sécurité.


Politique de Sécurité :
Pour un acteur régional tel que l'Union européenne, une ‘politique commune de Sécurité' constitue un élément central du ‘système de Sécurité' découlant du ‘modèle de Sécurité' que cet acteur a édifié.
Elle consiste :

   - à établir un équilibre acceptable de responsabilités et d'obligations mutuelles entre, d'une part, les détenteurs institutionnels des pouvoirs en matière de Sécurité pour le compte de l'acteur régional en tant que tel et, d'autre part, ceux de ses Etats membres, la collectivité qu'elle rassemble et leurs partenaires stratégiques,

   - à concevoir et à mettre en œuvre, tant pour son pilier interne que pour son pilier externe, un ensemble de ‘garanties positives' et de ‘garanties négatives', assorti de ‘mesures de confiance' ainsi que de ‘mesures de réassurance‘ compatibles avec le modèle de Société qu'elles sont destinées à consolider et à sauvegarder,

- et à offrir un cadre de convergences, d'harmonisations et de solidarités concrètes aux politiques de Sécurité nationales des Etats parties.

Elle vise à lui garantir :

   - son autonomie dans les champs de l'analyse stratégique, de la décision politique, de la conduite de l'action sur les registres stratégique, sécuritaire et économique en regard d'une appréciation globale des enjeux de Stabilité et de Sécurité,

   - sa cohésion politique autour de ces analyses, condition sine qua non d'un engagement opérationnel commun ultérieur,

   - ainsi que la cohérence et l'efficacité de son action en faveur de la stabilité et de la prospérité à l'intérieur de ses frontières, et de la sécurité à l'intérieur de ses frontières (dans ses volets internes et externes), du renforcement de son assise internationale au-delà de celle qui résulte, selon une combinatoire complexe, de celle que lui confère sa relation si particulière avec les organisations internationales et multilatérales dans une perspective de gouvernance mondiale, ou de l'assise internationale de certains de ses membres.

Les ‘garanties négatives de sécurité' consistent en un engagement de cet acteur régional - et de la collectivité qu'elle rassemble - à ne pas recourir ou menacer de recourir à des mesures coercitives à l'encontre de quiconque qui ne ferait courir aucun risque ou aucune menace sur la vie et les activités collectives et individuelles à l'intérieur de ses frontières (lorsqu'il s'agit de sécurité intérieure) ou à l'encontre de tiers parties à des traités, conventions, protocoles ou accords ayant trait à la Sécurité (lorsqu'il s'agit de sécurité extérieure ou de sécurité internationale).

Les ‘garanties positives de sécurité' consolident les garanties négatives en engageant cet acteur régional à prendre des mesures appropriées en cas de violation des obligations découlant de son droit interne (lorsqu'il s'agit de sécurité intérieure), ou des obligations découlant des traités, conventions, protocoles et accords ayant trait à la Sécurité (lorsqu'il s'agit de Sécurité extérieure ou de Sécurité internationale).

Ces dernières consistent en un grand nombre de ‘mesures dédiées' qui sont conçues et mises en œuvre de manière à permettre à cet acteur régional d'accomplir les grandes fonctions opérationnelles (anticipation et connaissance, prévention, dissuasion, protection, intervention), lesquelles se déclinent comme suit :
  - ‘détecter' et ‘identifier' les risques et les menaces, potentiels ou avérés, ainsi que leurs causes et leurs protagonistes ; en identifiant et en hiérarchisant les différentes occurrences ; 
  - ‘préparer' la collectivité à faire face à ces risques et menaces ;
  - ‘identifier' et ‘réduire' les vulnérabilités de la collectivité en regard de ces risques et menaces ; 
  - ‘dissuader' les protagonistes de menaces potentielles (par des mesures destinées à décourager un éventuel adversaire d'entreprendre contre la collectivité un acte d'agression, en lui prouvant que la valeur de l'enjeu qu'il convoite est inférieure à celle des dommages que la collectivité menacée est déterminée à lui infligée) ;
  - ‘prévenir' ces risques et menaces, notamment en ‘décevant' les protagonistes de menaces potentielles (par des mesures destinées à empêcher l'évènement redouté de se produire) ;
  - ‘protéger' la collectivité, la vie de ses membres et ses activités collectives et individuelles contre des risques ou menaces avérés, par la voie de la ‘parade' ou de la ‘riposte' (par des mesures destinées à répondre à la menace, le cas échéant de façon graduée, en adaptant la riposte à la nature et à la puissance de la menace exercée) ;
- ‘poursuivre' (en engageant des procédures auprès de juridictions compétentes), ‘juger' et ‘sanctionner' (par des mesures rendant exécutoire les arrêts pris par les juridictions saisies (gels d'avoir, confiscations de biens, élargissements de personnes, ....) les protagonistes des menaces avérées' ;
  - ‘stabiliser' l'espace affecté, notamment en ‘réparant' les dégâts occasionnés et/ou en ‘reconstruisant' (maintien de la paix, maintien de l'ordre, reconstruction ),
  - ‘superviser', ‘évaluer' et ‘contrôler' chacune des opérations précédentes.

Les ‘mesures de confiance' attachées à une politique de Sécurité consistent principalement en des actions pacifiques de contrôle ou de vérification du respect d'obligations découlant de traités, conventions ou accords, qui sont entreprises dans le cadre d'un mandat international et qui sont régies par des codes de procédure définis et adoptés par la Communauté internationale.
Les ‘mesures de réassurance' consistent en la conclusion d'alliances, d'accords de Sécurité et/ou de Défense, et en l'établissement de Conventions et de Traités ayant pour objet la consolidation d'une dynamique de ‘Sécurité collective' (ONU), de ‘Défense collective' (OTAN), et/ou de ‘Sécurité coopérative' (OSCE).
La ‘cohérence' de ces différents ensembles de garanties et mesures procède pour une part essentielle, de l'existence d'une assise analytique, d'une assise conceptuelle, d'une assise éthique, d'une assise juridique et d'une assise doctrinale, qui soient non seulement communes mais uniques, qui reflètent les grandes orientations, les grands objectifs et les grands principes du projet politique porté par cette collectivité, et qui ne contreviennent pas aux dispositions juridiques des traités, conventions, ou accords internationaux auxquels ladite collectivité est partie.
Leur ‘crédibilité', leur ‘efficacité' comme leur ‘efficience' résident dans une appréciation aussi fine que possible des ressorts et des déterminants du paradigme sécuritaire pour la période concernée, dans la cohésion de ceux qui en sont les dépositaires, les auteurs et/ou les acteurs, dans l'adhésion de la collectivité et de ses membres aux objectifs, principes et modes d'action retenus, dans la disponibilité effective de ces ressources (compétences, capacités) nécessaires, et dans l'adéquation du niveau de performance de ces ressources au niveau de Sécurité visé.
Leur ‘légitimité' tient à l'adhésion de la collectivité et de ses membres aux objectifs, principes et modes d'action retenus, ce qui ne peut être vérifié qu'au travers un processus démocratique.
Ces conditions ne sont satisfaites, en pratique, que lorsqu'une telle politique repose à la fois sur :
  - un socle politique (qui établit le niveau d'ambition et détermine la posture de la collectivité : passive/neutre, offensive, défensive, assouplie, durcie /affermie, rigidifiée/radicalisée),

 - un socle démocratique (qui détermine les principes et modalités qui président à tout exercice de leur souveraineté par les citoyens, notamment lorsqu'il s'agit de vérifier leur adhésion à une telle politique, ainsi que ceux qui gouvernent les processus de contrôle démocratique),

  - un socle institutionnel (qui détermine les pouvoirs et les compétences, les répartit entre les différents niveaux d'exercice des responsabilités publiques, tout en assurant les équilibres),

  - un socle juridique et juridictionnel (constitué par les codes de procédures et les régimes de sanction relevant du droit international et du droit interne de cet espace, ainsi que par l'ensemble des juridictions compétentes et leurs arrêts) qui corrige, compense et/ou réduise les distorsions et incohérences entre les socles juridiques nationaux de même portée,

  - un socle éthique commun (ensemble de principes et de valeurs),

  - un socle analytique (analyse prospective, analyse stratégique, analyse politique, ...),

  - un socle conceptuel et doctrinal (concepts, principes et modes d'action),

  - un socle opérationnel et capacitaire en adéquation avec les socles précédents,

  - un socle monétaire, économique et financier, sur lequel le socle précédent se consolide,

  - et un socle social (les membres de la collectivité ainsi que ceux qui, parce qu'ils circulent, opèrent des transactions ou résident de façon permanente ou occasionnelle dans le territoire concerné, sont, de facto ou de jure, assujettis à ladite politique).

PS : Cet article a été publié une première fois sur ce blog en février 2009, peu de temps après sa création.

 

 

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