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Publié par ERASME

Le monde traverse une zone de turbulence alimentée par des déséquilibres économiques et financiers qui touchent en particulier l'Europe, continent historiquement dominant, en perte de vitesse. Au niveau national, cela se traduit par une perte de confiance de nos concitoyens, un repli sur soi et une montée des populismes et autres nationalismes.

Ceux-ci ont beau jeu d'incriminer l'Europe et l'un de ses principaux symboles, l'euro, devenu bouc émissaire de tous nos maux. Pourtant, compte-tenu des enjeux actuels et à venir pour nos sociétés et de la dynamique croissante et complexe de mondialisation, il n'y a pas d'autre alternative qu'un projet européen réaffirmé et renouvelé, qui en plus d'apporter des solutions concrètes, sera porteur de sens.

Depuis la fin de la guerre froide, le monde a connu une évolution d'une rapidité et d'une ampleur époustouflantes, qui a profondément modifié nos modes de vie : la façon dont nous travaillons, notre mode de consommation, notre manière de voyager, les relations entre les gens… La crise financière mondiale n'est que l'épisode le plus récent d'une série d'événements qui ont ébranlé nos certitudes et nos systèmes de valeurs. Pour la première fois dans l'histoire récente de l'Europe, on craint que nos enfants soient moins bien lotis que nous. Et c'est vrai que la situation de nos économies n'est pas brillante : croissance faible, chômage en hausse, endettement massif des états… D'autant plus que malgré les plans de relance, puis les plans d'austérité de la plupart des Etats européens, on ne voit pas bien comment ces mesures pourront améliorer autre chose que la confiance des marchés financiers.

Les responsables politiques semblent impuissants à trouver des solutions, plus concernés par les prochains enjeux électoraux que par la nécessité de répondre aux préoccupations des citoyens. C'est en tout cas ce qui ressort du dernier baromètre annuel du Centre de recherche politique de Sciences po (Cevipof) sur la confiance des Français : pas moins de 83 % des personnes sondées par OpinionWay considèrent que "les responsables politiques, en général, se préoccupent peu ou pas du tout" des gens comme eux.

Et c'est là que les partis nationalistes et autres extrémistes attaquent ! Le Front National pour la France, les Vrais Finlandais, (19% aux élections législatives du 17 avril dernier en Finlande), ou les autres partis extrémistes européens n'ont pas cessé d'enregistrer des succès depuis le tournant du siècle. Quelles sont leurs recettes ? Des réponses simplistes à des problèmes complexes, un rejet de l'immigration responsable selon eux du chômage croissant et enfin un euroscepticisme violent : l'Europe est en effet accusée d'être le "cheval de Troie" de la mondialisation et incapable d'apporter des solutions. Or si l'on y regarde d'un peu plus près, il apparaît vite que les réponses apportées par ces partis sont facilement contestables et surtout d'un autre temps !

Concernant la sortie de l'euro par exemple, au-delà des conséquences politiques difficilement prévisibles d'un pays à l'autre, la plupart des économistes estiment que cela serait catastrophique. La banque ING a chiffré l'impact de l'éclatement de la zone euro dans une étude publiée en juillet 2010 : pour la France, cela provoquerait une dévaluation de près de 20 % de notre monnaie, l'effet positif sur les exportations serait neutralisé par l'effet négatif sur les importations, notre économie connaitrait une récession avec baisse de 10 % du PIB sur trois ans, une hausse du chômage à 13,8 %… De plus l'inflation aurait un impact négatif sur le pouvoir d'achat des Français. Enfin la charge de la dette de l'Etat détenue par des investisseurs étrangers (70 % du total) serait renchérie et il faudrait doubler l'impôt sur le revenu des Français pour ne pas déclarer l'Etat en faillite !

Quant à l'immigration, il devient urgent d'expliquer simplement qu'elle n'est pas la raison du chômage et que les emplois occupés par les immigrés ne sont pas ceux que veulent les chômeurs français car ils sont plus pénibles, moins bien payés et ne correspondent pas aux aspirations d'un certain nombre de nos concitoyens. Par ailleurs, compte-tenu de l'effondrement démographique en Europe, l'immigration va être de plus en plus nécessaire. A partir de 2015, l'évolution démographique de l'ensemble de l'Union européenne sera négative. Or pour les économistes, le premier facteur de décroissance est la baisse de la population. L'immigration est donc le premier moteur de la future croissance européenne.

"UNE NOUVELLE VISION COLLECTIVE"

Les responsables politiques nationaux et européens doivent avoir le courage de répondre clairement à ces arguments idéologiques et démontrer que l'avenir de nos nations passe par une renaissance du projet européen. Dans un monde globalisé où s'affirment de nouvelles grandes puissances comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, comment penser qu'une nation européenne puisse s'en sortir seule ? Pour ce qui concerne la dynamique de croissance par exemple, au cœur du "réacteur" de nos sociétés, il s'agit en priorité de rendre plus efficient le marché intérieur européen. Lever les obstacles au bon fonctionnement du "plus grand marché du monde" fort de 550 millions de consommateurs, est en effet une source de croissance endogène à moindre coût qu'il faut privilégier dans cette période de restriction budgétaire.

Les marges financières restreintes pour la plupart des nations européennes sont un argument de plus pour une mise en commun de nos moyens au niveau européen. C'est notamment vrai pour les investissements en recherche et innovation qui pourraient permettre de créer les industries du futur, porteuses de croissance et pourvoyeuses d'emplois qualifiés qui seuls permettront de faire baisser le chômage. Enfin, concernant l'immigration, au-delà de l'argument sur la force de travail nécessaire, il est urgent d'instaurer entre l'Europe et ses voisins du Sud une véritable politique de mobilité et d'intégration, avec, à la clé, des visas de travail, des coopérations universitaires, l'harmonisation des formations professionnelles et des programmes spécifiques pour les migrants à leur retour dans leur pays. C'est notre devoir et c'est aussi la meilleure solution pour développer des relations équilibrées et pacifiées autour de la Méditerranée.

Mais l'Europe doit aussi répondre aux aspirations plus immatérielles des citoyens. L'évolution du monde et sa complexité, les bouleversements des repères traditionnels comme la famille, le travail, la place de l'Eglise, contribuent à créer un sentiment de perte de repères pour l'individu, qui s'exprime notamment dans les différentes enquêtes d'opinion, en particulier chez les jeunes. Ainsi selon l'indice 2011 de l'Observatoire de la confiance de la poste, 83 % des jeunes français entre 15 et 25 ans pensent que le monde va mal et 71 % ne font pas confiance à l'Etat !

Face aux nationalistes qui jouent sur ces craintes, la peur de l'autre et du déclassement, qui prônent un repli sur soi et la fermeture des frontières, il faut oser réaffirmer que l'Europe, c'est aussi un projet de civilisation basé sur des valeurs fortes telles que la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité. Que c'est un projet humaniste porteur de progrès pour l'individu, une dynamique où la relation à l'autre est clé, qui favorise le développement de la confiance en soi, donc en l'autre. Un peu idéaliste certes, mais il faut l'être également pour proposer une nouvelle vision collective à notre société : une renaissance du projet européen.

L'Europe que l'on a construite a de vraies déficiences. Il faut les corriger et cela passe par des politiques plus offensives, moins de naïveté et une dynamique politique renouvelée qui fasse écho chez les citoyens. Jean Monnet disait : "nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes." Aujourd'hui, il ne semble pas y avoir d'alternative à une union plus étroite des Européens autour d'un projet commun.

 

Thomas Houdaille est secrétaire général du think-tank EuropaNova

 Créé en 2003, Europanova est un collectif de citoyens qui s'est donné pour mission de "promouvoir une Europe politique, puissante et généreuse, en mobilisant les nouvelles générations". Europanova participera à la Fête de l'Europe qui se tiendra du 7 au 9 mai sur le parvis de l'Hôtel de Ville de Paris.



 

 

 

 

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