François Hollande : une position gaullienne sur la défense - nouvelle édition -
Evaluer, réfléchir, débattre… l’intervention de François Hollande sur la Défense à Paris le 11 mars 2012 était conçu comme moment clé dans l’expression du candidat à la président de la République sur un sujet « trop peu présent dans la campagne jusqu’ici » comme il l’a reconnu lui-même. Le contenu des propositions n’affiche pas vraiment de grandes et nettes différences vis-à-vis de la politique menée jusqu’ici par les gouvernements français (N. Sarkozy compris). Il se garde bien de critiquer de façon frontale le chef de l’Etat ; mais sur nombre de ses positions (Afrique, Afghanistan, équipements…), il plante quelques banderilles dans la politique du Chef de l’Etat. Il reste cependant flou, voire très flou, sur de nombreux aspects, affichant quelques principes, sans préciser les étapes ni d’objectifs précis, ni encore moins de moyens. L’approximation paraît la norme…
Mais pour les socialistes l’objectif est atteint. « C’est la cohérence du discours qu’il faut regarder » a précisé Jean-Yves Le Drian, conseiller Défense du candidat, à B2. « La réaffirmation de la primauté du politique, un rééquilibrage des pouvoirs du président de la république vers le Premier ministre et un rôle pour l’assemblée nationale », c’est ce que François Lamy voit dans cet exercice qui ressemble à un exercice obligé pour le candidat. Il faut cependant se méfier de ce brouillard savamment entretenu pour éviter de donner prise à des critiques (c’est la campagne surtout) et se concentrer sur les possibles conséquences de certaines de ses propositions. En menant quelques conversations avec divers responsables PS, après le discours de F. Hollande, j’ai pu ainsi en préciser certains aspects qui laissent imaginer une inflexion, sinon radicale, de la politique française, au moins un changement d’état d’esprit : arrêt de l’opération Epervier au Tchad, par exemple ; davantage de poids pour le Parlement ; etc… Décryptage !
La stratégie de Défense
De façon générale, la réforme militaire a été « mal pilotée ». F. Hollande veut une « évaluation des réformes en cours ».
Les valeurs, la France, une « grande et belle nation »
Ce discours est, en effet, avant tout un « message solennel à la Nation » en rendant « hommage » à ceux qui sont engagés : les marins dans la lutte anti-piraterie, les aviateurs pour la Libye, les anciens combattants, etc. La défense, pour lui, c’est la « préservation du bien commun » ; F. Hollande entend « redonner place à notre pays, aux valeurs, à la paix », sans « affaiblir la défense de nos intérêts ». La France est une « grande et belle nation, avec une voix originale, un attachement à la démocratie, à la reconnaissance des peuples, à la promotion de la paix ».
La stratégie, les menaces, un nouveau Libre blanc
La nouvelle stratégie repose sur une « appréciation claire des menaces ». Le candidat socialiste en voit trois : le terrorisme, les catastrophes (Fukushima), la prolifération.
Pour assurer la rénovation de l’armée, il entend « mener un nouveau Livre blanc rapidement » avec les militaires et les autres parties.
NB : un engagement qui ne ce trcoûte rien, puisque avail est déjà engagé. Mais sans doute sera-t-il réorienté. Et la révision entreprise plus en profondeur, que celle escomptée par Nicolas Sarkozy.
Un rééquilibrage des fonctions au sein de l’Etat
Si le président de la République reste le chef, F. Hollande entend rompre avec la pratique de concentration et de décision des pouvoirs par une seule personne et une seule institution. C’est le Premier ministre, qui est par la Constitution « responsable de la défense nationale » et il y a un ministère de la Défense qui doit assurer « la primauté du politique ».
La Défense est un « pilier de la République », mais au « service exclusif de la République ». Le candidat veut faire confiance aux personnels de la défense, grands serviteurs de l’Etat, civils et militaires, leur exigence, leur sens des responsabilités ; il entend aussi que ceux-ci préservent leur « neutralité », pourront pleinement compter sur le président pour un « débat ouvert ».
La révision des opérations extérieures
Toutes les opérations extérieures vont subir un « réexamen », « en lien avec les nations amies ». Il faut en examiner « la légitimité et l’efficacité ». Les opérations extérieures de la France seront toujours « placées sous un mandat des Nations-Unies ». Il définit le rôle d’une opération extérieur des armées ainsi : « prévenir la guerre et maintenir la paix, par le droit, par la coopération, et quand c’est nécessaire par l’action ». NB : en examinant de près les autres décisions, on peut ainsi voir que l’opération Epervier au Tchad pourrait voir ses jours comptés, tout comme certains postes en Afrique ou dans le Golfe persique.
Un rôle accru pour le Parlement
Il faut impliquer davantage Parlement sur les opérations extérieures (les Opex) qui devra conduire une évaluation « globale des
engagements » régulièrement (NB : a priori chaque année) ainsi qu’un débat sur chaque opération pour déterminer si elle est conforme aux objectifs ou s’il faut l’arrêter.
NB : on peut voir dans cette décision ni plus ni moins la traduction de l’existant. Mais selon un responsable au parti
socialiste, l’objectif est de donner plus de poids au Parlement avec, d’une part, un examen global de toutes les missions, et, d’autre part, par mission, de ne pas faire un examen au bout de 4
mois, et c’est tout, mais plus rapidement, et au besoin plus souvent. Traduction : cela aurait éviter ainsi de laisser perdurer une mission en Afghanistan dont tout le monde a perdu depuis
longtemps les objectifs en même temps que les repères.
Refonder le partenariat avec l’Afrique, travailler avec l’Union africaine
L’Afrique c’est « un continent plein de puissance, économique, plein de gisements, économiques et humains. C’est là se joue
l’avenir du monde » pour François Hollande qui entend rétablir une « coopération débarrassée des formes anciennes, héritées de la période post-coloniale (…) et changer certaines relations ». Plus
précisément, il veut « refonder la politique de coopération de défense avec l’Afrique », notamment veut mettre en oeuvre un partenariat global avec l’Union africaine, qui s’est affirmé comme un
acteur majeur de maintien de la paix, en veillant à associer les Européens ».
NB : C’est en quelque sorte le redémarrage de l’opération Amani Africa, qui a un peu sombré depuis qu’elle est passée dans les
mains européennes. N’aurait-il pas été plus simple de citer cette coopération ?
Afghanistan : le retrait est confirmé avant 2013
En Afghanistan, la situation est grave et confuse ». Rendant hommage aux 82 soldats morts et aux blessés, il affirme « Nous ne
les abandonnerons pas, nous ne l’oublierons pas ». Mais il réitère son engagement : le retrait des troupes combattants d’ici la fin 2012 ». C’est la conclusion logique de la fin des
opérations.
NB : on a beaucoup glosé sur l’impossibilité technique d’opérer un retrait aussi rapide. Il s’agit du retrait des troupes
combattantes, au contact. Non de toutes les troupes. Devront donc rester sur place, nombre de soldats chargés de démonter les bases, du soutien médical ou logistique le cas échéant, et de la
protection de ces soldats. Ce qui devrait prendre encore quelques long mois. Et on arrive ainsi pas loin de l’objectif de 2013 qui semble désormais tenir la corde coté UMP.
L'armée de demain
Le personnel militaire mieux considéré
Il est « temps de reconnaître les militaires qu’ils sont des citoyens à part entière » souligne-t-il s’engageant à « améliorer la représentation professionnelle des militaires » tout comme leur « participation à la vie citoyenne ». Nb : le mot syndicats n’est en aucun cas prononcé, contrairement à 1981.
F. Hollande exprime son attachement au statut des militaires « n’acceptera plus que le versement des soldes des militaires arrivent en retard. C’est inacceptable » annonce-t-il, désignant du doigt un coupable « le logiciel ». Il souhaite aussi engager une « réflexion » sur la « judiciarisation des opérations ».
Le lien Armée nation
Il faut aussi renforcer la cohésion entre nation et armée, notamment en « recentrant » la journée défense et citoyenneté (l’ancienne JAPD), en « l’allongeant au besoin ».
Baisse du budget de la défense limitée à la baisse générale du budget
L’effort de la défense sera en fait indexé sur l’effort général, ni plus ni moins. Le candidat a tenu à rassurer les militaires qui avaient peur de coupes drastiques. « La défense n’aura pas à subir plus d’économies que l’effort général de l’Etat ». Mais il y aura certainement des réorientations. Il y a des « choix à faire ». Quant aux réductions budgétaires, s’il y en a elles devront être « transparentes » et non pas comme aujourd’hui par différents artifices ou en retardant certains équipements.
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Voir la suite de cette analyse sur mon blog : http://www.bruxelles2.eu/defense-ue/defense-ue-droit-doctrine-politique/hollande-une-position-gaullienne-sur-la-defense-et-quelques-flechettes-a-sarkozy.html