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Publié par Patrice Cardot

Avertissement : comme un bégaiement intellectuel, le présent article reprend une grande partie des termes d'un précédent article publié sur ce blog le 1er mars 2012.

Interrogé au sujet de l'Europe des nations et de son organisation lors d'un entretien entre le général de GAULLE et Michel DROIT entre les deux tours de l'élection présidentielle de 1965, le général de GAULLE lance sa célèbre petite phrase : "Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe ! l'Europe ! l'Europe !... mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien".

L'eurobéatitude, qu'il faut distinguer de l'euro-optimisme, et qui s'apparente aujourd'hui à un européisme technocratique aveugle et tenace, hérisse de plus en plus le poil !

Cette foi intangible et aveugle dans le bien-fondé du processus de construction européenne actuel, sans jamais en expliquer les ressorts profonds, et sans jamais remettre en cause ses dogmes fondateurs ou ses productions quotidiennes quand bien même les faits tangibles en fragilise le caractère apodictique, a quelque chose de pathétique en même temps que de révoltant.

Bien sûr, tout un chacun qui est habité par la promesse démocratique ne peut qu'adhérer au discours humaniste qui l'accompagne, un discours articulé sur les principes communs issus notamment des Lumières et sur les ressorts d'un libéralisme politique émancipateur ? Mais comment peut-on en assurer le caractère universel avec une telle arrogance ?

Bien sûr, l'Europe est notre horizon naturel, la plus belle utopie mobilisatrice et fédératrice qui soit à l'ouest du continent européen ! Mais après tout, l'Union pour la Méditerranée n'en constituait-t-elle pas une autre toute aussi mobilisatrice à maints égards pour l'ouest comme pour le sud de ce vaste continent ? Et qu'en avons-nous fait ?

Bien sûr, l'Union européenne semble offrir le cadre politique le mieux approprié à la construction démocratique des réponses régionales et globales aux grands défis de ce siècle !

Mais comment ne pas déplorer les incohérences et les faiblesses du système de gouvernance induit par le Traité de Lisbonne, en particulier pour les questions économiques et financières et pour les questions politiques et diplomatiques ? 

Comment ne pas déplorer avec Jacques Delors cette incapacité désormais chronique de décider ce qui est de toute évidence nécessaire !

Comment pourrions-nous nous satisfaire de son impuissance (cf. en particulier Retour sur images : De l'impuissance ! (nouvelle édition) - première partie - (décembre 2013) ainsi que De l'impuissance ! (nouvelle édition) - seconde partie - ) ?

Bien sûr la méthode communautaire est bien plus constructive et efficace que la méthode intergouvernementale lorsqu'il s'agit d'identifier, de promouvoir et de défendre l'intérêt général européen !

Mais les Etats et les Peuples n'ont-ils pas également droit au chapitre de manière autonome là où ils n'ont pas souhaité déléguer leur souveraineté à l'Union, ou là où ils souhaiteraient l'exercer à nouveau en pleine compétence et responsabilité ?

Bien sûr l'Acte unique a permis de libérer les énergies et de se dégager des contraintes nationales dans cet espace européen en partage ? Mais n'a-t-il pas favorisé en même temps des mouvements de capitaux et d'emplois véritablement traumatisants pour une part importante des populations ? Combien l'Union compte-t-elle d'individus vivant au niveau ou, pis encore, sous le seuil de pauvreté ?

Bien sûr les Européens avaient absolument besoin de partager et de défendre une même monnaie non seulement commune mais unique ! Mais qui peut leur reprocher de s'interroger sur la valeur, la solidité et la crédibilité d'une telle monnaie quand les institutions européennes elles-mêmes donnent l'impression de préférer s'attacher à ne pas contrarier les marchés et les partenaires stratégiques plutôt que de protéger les Européens contre leurs assauts répétés contre leur modèle si singulier d'économie sociale de marché !

Mais fallait-il permettre cet engagement tous azimuts de l'Union dans une stratégie numérique qui traverse l'ensemble des activités de la société en continuant de faire la part belle à des acteurs technocapitalistes non européens qui dessinent la plus grande part de la boussole stratégique numérique de notre Europe en la privant des ressorts de toute souveraineté technologique dans tous les registres où se joue son autonomie stratégique ?

Alors que la nouvelle vaste crise "systémique" à l'oeuvre commence à produire ses effets les plus dévastateurs, les plus anxiogènes, les plus traumatisants, surtout  - mais pas uniquement - pour les moins favorisés dont le nombre ne cessent de croître en Europe, les "cosmogonies" de leurs protagonistes mériterait un sérieux rafraichissement dont ils semblent incapables !

En particulier, leur ambiguïté non nécessairement "constructive " - et chronique  - à l'égard d'une certaine primauté du nouvel agenda transatlantique sur l'agenda politique, économique et social européen a de quoi en inquiéter plus d'un ! (cf. notamment à ce sujet Les institutions européennes se seraient-elles mises au service d'une prophétie autoréalisatrice d'Union transatlantique ? ou encore Les 7 péchés capitaux de la PESC ! ).

Alors que cessent ces incantations sans souffle, ces fuites en avant yeux fermés telles celles des moutons de Panurge, ces prêches sans contenu pragmatique, ces discours idéologiques creux trop souvent empreints de cette arrogance des imbéciles que l'on trouve par milliers dans les cercles technocratiques, économiques et de sciences politiques !

Il y aujourd'hui dans les débats intellectuels de droite, du centre et de gauche sur l'Europe quelque chose qui interpelle tellement ils apparaissent déconnectés de la réalité quotidienne de dizaines de millions d'Européens.

Les européistes les plus déterminés peuvent-ils proposer autre chose que la manifestation ostentatoire d'une foi 'révélée' par un grand architecte omniscient qui déciderait du destin des Hommes dans les alcôves de la masse noire de son univers cosmique !

Sont-ils suffisamment lucides et politiquement responsables pour proposer que soit entrepris à l'échelle de l'Union, à la fois au niveau supranational et au niveau de chaque Etat-nation, un véritable audit des compétences attribuables par les Etats membres à l'UE comme le Royaume-Uni a osé et su entreprendre avant de s'engager dans le processus du Brexit (cf. Retour sur images : Audit sur l'impact des compétences européennes sur les objectifs et les intérêts nationaux - et européens - : la France doit imiter le gouvernement britannique mais avec d'autres objectifs !) ! Quand bien même le Traité de Lisbonne a introduit ou consolidé des dispositions qui s'emploient à clarifier les responsabilités respectives dans les différents domaines d'intervention de l'Union (cf. par exemple à cet égard Le'principe'de'subsidiarité'et'd’attribution'des'compétences), la catégorie des compétences partagées ne constituerait-elle pas, par exemple, l'une des principes sources des ambiguïtés non constructives et des échecs de la politique de l'Union ?

Nombreux sont les citoyens de l'Union qui attendent qu'ils inventent une nouvelle société européenne capable de mettre en pratique une conception nouvelle d'un codéveloppement européen articulé sur une mise en musique harmonieuse des deux principes de libertés égales et de différence si chers à ce grand libéral que fut John Rawls (cf.  Les deux principes de "liberté" et de "différence" de John Rawls).  

Combien sommes-nous à attendre de l'action politique qu'elle rende possible ce qui est nécessaire autant à la société des hommes, et aux individus qu'aux nations et aux citoyens ; c'est à dire qu'elle crée les conditions d'une transformation globale - autant que locale - de la société pour lui permettre de transmuter les risques auxquels elle se trouve confronté en opportunités constructives  et porteuses d'espoir et de progrès pour les générations actuelles et futures (cf. Ce dont l'Union européenne a le plus besoin aujourd'hui, c'est d'une vision stratégique de sa véritable place comme acteur global dans le monde ainsi que Relancer sans délai le projet d’Union politique autonome pour éviter le rétrécissement stratégique de l'Europe) ?

Dont acte !

Voir également :

Lançons un véritable audit public des responsabilités à l'égard des crises systémiques qui obscurcissent nos vies et nos horizons !     

L'Union européenne est confisquée par des cercles d'initiés qui paralysent le débat démocratique indispensable à la refondation de son projet politique !

 * Les Français demandent que l'Europe les protège ! Mais que veulent-ils vraiment qu'elle protège ? - nouvelle édition -

* L'Union européenne est-elle encore une puissance normative crédible ?

De la montée des forces extrémistes en Europe - Ou les limites démocratiques de ces alternances politiques forcées par la dictature de crises systémiques dévastatrices !

Il est plus que temps de rationaliser les dépenses d'équipements militaires des Etats européens surendettés ! - nouvelle édition -

 

 

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