L'innovation, un concept qui participe d'une logique économique et financière qui tend à reléguer l'intervention publique à un rôle secondaire
NB : Cet article s'inscrit en prolongement de 3 autres articles de ce blog intitulés : 50 ans de stratégies publiques de la Recherche et de l’Innovation en France : les trois étapes de l’affaiblissement de la régulation politique (Up' Magazine) ; Innovation – Recherche – Education ! L'Union européenne au banc d'essai et De la prise en compte des enjeux attachés à la recherche, à l’innovation et à l’éducation dans un processus d’intégration accrue, voire de fédéralisation, de l’Union européenne .
Il est plus spécifiquement consacré à une analyse de la manière dont l'Union européenne aborde l'innovation.
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L'innovation demeure un concept complexe mal maîtrisé et un processus difficile à évaluer.
C’est la raison de l’élaboration par l’OCDE du « manuel d’Oslo » qui constitue aujourd’hui la source internationale de principes directeurs en matière de collecte et d’utilisation d’informations sur les activités d’innovation dans l’industrie.
Préoccupée par l’enjeu et la nécessité de disposer d’indicateurs permettant de situer chaque pays européen par rapport à ses partenaires, et l’Union européenne par rapport à ses concurrents internationaux, la Commission européenne a élaboré un tableau de bord de l’innovation.
Ce document constitue un élément essentiel de la stratégie Europe 2020.
Il repose sur 25 indicateurs liés à la recherche et à l’innovation et couvre les 27 Pays membres de l’Union, ainsi que la Croatie, la Serbie, la Turquie, l’Islande, l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, la Norvège et la Suisse. Ces indicateurs sont classés en trois grandes catégories :
- les ‘outils’, c'est-à-dire les éléments de base qui permettent l’innovation (ressources humaines, financements et aides, etc.) qui mesurent l’ouverture, l’excellence et l’attractivité des systèmes de recherche et d’innovation européens,
- les ‘activités des entreprises’, qui mesurent le caractère innovant des entreprises européennes (investissement des entreprises, collaborations et entrepreneuriat, actifs intellectuels),
- les ‘résultats’, qui permettent d’identifier la façon dont cela se traduit pour l’économie dans son ensemble (effets économiques, innovateurs, etc.).
Pour autant, beaucoup d’observateurs s’accordent à reconnaître que cette grille d’évaluation est très insatisfaisante.
Cette situation, qui ajoute de la complexité à de l’incertitude et à de l’insécurité juridique, tient pour une bonne part à l’absence de consensus formel sur ce que recouvre précisément le concept d’innovation lors de son usage par les institutions européennes.
Dans le projet de règlement relatif à H2020, la Commission européenne stipule qu’« une attention particulière sera prêtée à l'adoption d'une approche large de l'innovation, qui ne se limite pas au développement de nouveaux produits et services sur la base de percées scientifiques et technologiques, mais englobe également des aspects tels que l'utilisation des technologies existantes dans des applications novatrices, l'amélioration continue, l'innovation non technologique et sociale. Seule une approche holistique de l'innovation peut permettre dans le même temps de relever les défis de société et de susciter l'apparition de nouvelles entreprises et secteurs d'activité. »
Si l'on peut partager cette reconnaissance de la nécessité d’une approche holistique de l’innovation, on ne peut néanmoins que déplorer qu’aucune clarification formelle de la définition de ce concept n’ait été entreprise (par exemple, par le biais d’une déclaration interprétative) en regard de son usage par lesdites institutions. Plus précisément, on ne peut que déplorer l’absence de clarification des ressorts comme des déterminants d’une politique de l’innovation appelée à être développée dans le cadre de l’Union.
Le développement d’une telle politique au travers des initiatives de l’Union ayant trait à la compétitivité, à la croissance et à l’emploi est possible, et probablement nécessaire. A condition qu’une telle politique recouvre bien d’autres dimensions que celles qui font l’objet des dispositions du Titre XVII ‘Industrie’ et du Titre XIX ‘Recherche et Développement technologique et Espace’ du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Une telle politique, ou à défaut, une telle dynamique, doit être définie, dans ses ressorts comme dans ses déterminants, de manière aussi formelle et pragmatique que possible en s’attachant à prendre en compte, notamment (de manière non exhaustive, et sans ordre de priorité) :
- conditions et modalités de la conception, du développement, de l’appropriation, de la diffusion, de l’industrialisation, de la commercialisation et des usages des innovations comme des investissements qui y sont attachés ; etc.
- environnement juridique de l’innovation : différents volets de la codification juridique et de la normalisation ; protection des droits de propriété intellectuelle ; etc.
- environnement financier de l’innovation : conditions et modalités permettant de garantir l’accessibilité aux ressources financières et bancaires indispensables autant aux initiateurs, aux développeurs, aux producteurs et aux distributeurs / diffuseurs de ces innovations qu’à leurs usagers ; etc.
- environnement économique et commercial de l’innovation : les conditions requises pour faire apparaître un nouveau marché – qu’il soit ou non tiré par la demande - ; les usages et leur régulation ; les mesures d’accompagnement indispensables pour le créer, l’intégrer ou y demeurer ; etc.
- environnement social de l’innovation : conditions-cadres requises pour un entrepreneuriat dynamique, socialement responsable et libéré autant que nécessaire des entraves de toutes sortes qui nuisent à l’efficacité de son action ; mesures visant à la dynamisation des politiques actives du marché du travail, l’adaptation des systèmes éducatifs et de formation professionnelle pour les rendre perméables et réactifs – voire, si possible, proactifs – à l’égard des innovations qui apparaissent sur le marché ; etc.
Il importe d’éviter les écueils d’une tendance dominante en Europe à considérer l’innovation comme l’alpha et l’omega de la compétitivité, de la croissance et de l’emploi (à haute valeur ajoutée), partout et en toutes circonstances (cf. à cet égard, notamment Quelle innovation pour quelle croissance ? ainsi que Défi de la citoyenneté : "Socialiser l'innovation : un pari pour demain").
Des exemples tragiques ne cessent quotidiennement de nous rappeler à une autre réalité, en France comme ailleurs en Europe : si l’innovation participe effectivement d’une certaine dimension de la compétitivité et de la revitasliation d’une économie, elle n’est non seulement pas suffisante en soi, mais peut avoir des impacts catastrophiques, et parfois même irréversibles, sur la société humaine et l'écologie.
Comment ne pas reconnaître la responsabilité avérée par les faits à l’égard de la crise financière systémique qui a frappé la zone euro au pire moment de celle-ci, des usages délibérément déstabilisateurs des capacités de contournement des pare-feux financiers offertes par les technologies mises en œuvre lors des transactions financières opérées par ‘trading automatique à haute fréquence’ ?
Comment nier les nombreuses fractures entre différents segments de la société qu’opèrent trop souvent les technologies innovantes qui induisentt des ruptures importantes dans leurs usages, notamment domestiques ?
Prenons garde des pièges que nous tend cette nouvelle religion de l'innovation à tout crin !
Tous les enseignements n’ont pas encore été tirés au sein de l’Union européenne et de ses Etats membres à l’égard des dérives de l’économie ultrafinanciarisée qui ont conduit à l’émergence de crises systémiques dont l’Union économique et monétaire peine à se sortir.
Cette financiarisation jusqu’au-boutiste de l’économie tient pour une bonne part à la fois de la technologisation des modèles économiques comme des processus de transactions financières et de gouvernance économique, et à la financiarisation à visée spéculative des processus d’innovation.
L’Union européenne, par sa capacité à initier, à proposer, et à coordonner, a vocation à orienter les activités les politiques et actions de recherche et d’innovation qu’elle mène ainsi que ses Etats membres vers une innovation réellement 'socialement responsable'.
Elle doit également entreprendre une évolution de la philosophie générale du financement des politiques et actions qu'elle mène dans les domaines de la R&D&I.
Après avoir fait le constat qu’ils avaient failli en n’atteignant pas les objectifs fixés en la matière par la stratégie de Lisbonne, les États membres se sont déclarés favorables à l’objectif de l’UE d’investir en moyenne 3 % de son PIB dans la recherche d’ici 2020 sans pour autant arrêter la part spécifique des investissements publics dans cet effort global.
Dans le même temps, comme le reflètent très précisément l’esprit comme la lettre du nouveau Règlement financier applicable au budget de l’Union européenne (cf. Le Conseil a adopté de nouvelles règles financières destinées à garantir une bonne utilisation de l'argent du contribuable européen ainsi que Nouveau règlement financier applicable au budget de l'UE et règles d'application), les institutions publiques européennes, nationales et territoriales n’ont eu de cesse de promouvoir une approche trop exclusivement comptable de la dépense publique d'investissement (cf. par exemple à cet égard Conclusions du Conseil sur la qualité des dépenses publiques (Bruxelles, 25 mars 2013) ) en même temps qu'un recours accru aux nouveaux instruments de l’ingénierie financière pour assurer le financement des investissements indispensables à la croissance, à la compétitivité, à l’excellence scientifique et technologique de l’Union et à une politique d’innovation qu’il importe d’appréhender dans la variété de ses dimensions, bien au-delà des seuls aspects de développement scientifique ou technologique (cf. notamment à cet égard Du recours accru et des conditions du recours aux instruments financiers (extrait des conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février) ; Budget de l'Union européenne : retour sur l'épineuse question du 'reste à liquider' ainsi que les articles auxquels ils renvoient).
La définition ainsi que la mise en œuvre des instruments de la nouvelle ingénierie financière et des divers règlements qui gouverneront dès 2014 les politiques et actions menées au sein de l’Union européenne dans les domaines objet du présent document relèvent d’une logique nouvelle qui se caractérise par les éléments novateurs suivants :
- ces politiques et actions font appel à une utilisation accrue des mécanismes de marché et de critères reconnus par des règlements et des contraintes de droit qui se superposent (encadrement des aides, règles de concurrence, règlement financier, règlements cadres, règlements spécifiques, etc.) ;
- la ‘technicisation’ la ‘juridicisation’ (en anglais ‘juridification’, au sens d’Habermas), la ‘financiarisation’ comme la ‘territorialisation’ des processus d’innovation participent à faire intervenir dans les systèmes de recherche et d’innovation de nouvelles catégories d’acteurs (juristes, investisseurs financiers, etc.) ;
- en vertu du critère de « l’investisseur avisé en économie de marché », la puissance publique doit désormais se comporter comme un acteur privé, à égalité de droits et de devoirs ;
- la puissance publique comme les acteurs privés impliqués dans ces actions doivent désormais s’atteler à s’approprier non seulement l’environnement juridique et réglementaire et le vocabulaire juridique associé qui dessine le cadre contractuel des actions de recherche et d’innovation, mais également les subtilités des services financiers et de la technique financière ainsi que le vocabulaire financier qui y est attaché.
Cette nouvelle logique interroge en substance l’Etat et la compétence qu’il doit désormais détenir dans ces domaines. Interrogation qui renvoie immédiatement à la question de sa place et de son rôle dans le système de gouvernance de l’Union.
Elle soulève en particulier les interrogations suivantes :
- Cette logique de critères permet-elle une réalisation optimale des objectifs assignés aux différentes politiques publiques, que ce soit au niveau européen, national ou régional ?
- Fixer des critères sur la base d’objectifs structurels ou macroéconomiques suffit-il pour mener à bien une politique ?
- Une telle logique ne conduit-elle pas à une ‘granularité’ trop grosse par rapport à des exigences microéconomiques, sectorielles ou territoriales ?
- Que reste-t-il des compétences exercées jusqu’ici par l’Etat dans ces domaines ?
- Quelles compétences la puissance publique (Institutions européennes, Etat, Collectivités) doit-elle développer pour opérer dans ce nouveau contexte, et pour s’adresser à ses partenaires ?
Par ailleurs, l’Union européenne offre un cadre institutionnel et fonctionnel propice à des initiatives reposant sur le principe de la différenciation, au travers de coopérations spécialisées, y compris dans les domaines dits « stratégiques », « politiques » ou « sensibles ». Les Etats disposent par conséquent d’une grande latitude institutionnelle et juridique pour établir les formes et les cadres de coopération et/ou de coordination qu’ils souhaitent voir se développer au sein de l’Union.
Dans ce nouveau contexte, l’Etat doit indubitablement redéfinir son rôle dans l’élaboration et la conduite de l’action publique dans les domaines, cruciaux pour la compétitivité européenne, de la recherche et de l’innovation.
Il ne s’agit pas ici d’évincer l’Etat mais plutôt de repenser son rôle dans le cadre de l’élaboration et de la conduite de l’action publique, pour en souligner toute sa centralité là où il constitue l’acteur public le plus efficace.
En temps qu’acteur collectif, l’Etat répond aux cinq critères suivants :
- Il est constitué d’un système de décisions collectives entre ses différentes composantes, dans le respect de la répartition des compétences respectives ;
- Il définit et représente des intérêts particuliers dans un ensemble plus vaste ;
- Il dispose de mécanismes d’intégration et d’arbitrage des conflits en interne ainsi que d’une représentation externe ;
- Il est capable d’innovations dans la définition de stratégies ;
- Son action a du sens par rapport à son environnement au sein duquel il saisit des opportunités et gèrent des contraintes.
Mais, comme le souligne Valérie Mérindol dans son ouvrage intitulé « Défense et stratégie – Penser autrement l’innovation » (Dalloz – 2010), l’Etat se trouve en prise aujourd’hui avec la complexification croissante des politiques publiques, laquelle repose sur trois ruptures majeures :
- La remise en cause du volontarisme politique ;
- La seconde est associé à la remise en cause de l’unicité de l’Etat en raison d’une forte spécialisation des politiques publiques, des expertises et des réseaux d’acteurs ; la distribution des responsabilités et des compétences entre les acteurs publics et privés est de plus en plus marquée ;
- La troisième rupture concerne une évolution des processus de décision publique ; ce phénomène étant probablement la conséquence de l’internationalisation des économies, de la dispersion des informations et des connaissances et de la complexité croissante des problèmes à résoudre. ; chaque acteur doit alors prendre sa part à un dialogue sur une série de problèmes ciblés de politique publique et apporter ses « briques » d’informations et de connaissances.
Il va sans dire que les processus d’intégration européenne dans les domaines de la recherche et de l’innovation participent autant de cette troisième rupture que de la première, en raison d’une ‘technicisation’ et d’une ‘juridification’ croissantes des instruments comme des processus en jeu dans ces domaines au sein des Etats comme au sein de l’Union européenne ; sans oublier l’émergence d’une ‘financiarisation’ accrue des modalités d’intervention dans ces domaines ni la ‘territorialisation’ évoquée supra. Autant de facteurs dont les rythmes et les ressorts relèvent davantage de la dynamique et des compétences communautaires (parfois comme relais de dynamiques internationales) que des dynamiques et compétences nationales ou territoriales.
Cette nouvelle donne institutionnelle est de nature à affaiblir la logique politique, économique et budgétaire qui a présidé à l’établissement de l’économie générale du cadre financier pluriannuel de l’Union européenne comme à l’élaboration de l’économie générale du nouveau Règlement financier applicable au budget général de l’Union ; et ce, bien qu’il soit conscient que les ressorts du libéralisme capitalistique prévaudront probablement encore longtemps au sein de l’Union européenne.
Prenant acte du constat largement partagé selon lequel la crise de la dette souveraine que traverse aujourd’hui l’Union économique et monétaire a pour principale origine, outre l’accumulation de déficits publics excessifs depuis 30 ans, celles de la dette privée et du crédit, on ne peut que s'interroger sur l’opportunité d’une remise en cause de la philosophie économique qui gouverne depuis plus de 20 ans, en Europe, les réformes entreprises au bénéfice de l’économie sociale de marché, de manière :
- à ne pas favoriser l’apparition des facteurs qui ont conduit à ces crises systémiques de la dette privée et du crédit,
- à pallier les handicaps qu’introduit une appréciation erronée des impacts réels sur la compétitivité effective de l’Union d’une implication insuffisamment régulée des investissements étrangers directs (IDE) dans la R&D menée en Europe[1], laquelle croît contredisant la tendance au déclin pour l'ensemble des investissements IDE, alors même que les indicateurs relatifs à la balance commerciale dans le domaine des technologies, à la qualité scientifique, au niveau d’excellence et à l’impact des résultats de la R&D montrent un recul de l’UE sur le plan mondial et un exode continu de ses talents scientifiques,
- et partant, à lever les doutes et les craintes qui pèsent sur la confiance des investisseurs, privés comme publics, dans la capacité des institutions européennes à appréhender les véritables leviers de compétitivité de l’économie européenne dans le contexte d’une globalisation en proie à la fois au retour des pratiques protectionnistes multiples comme le déplore la déclaration finale du sommet du G20 de Los Cabos, et à une financiarisation de l’économie qui participe à détériorer la performance de l’économie réelle.
Les opportunités nouvelles pour un recours plus massif, bien que sous forte contrainte, à l’investissement public créées par l’entrée en vigueur du Pacte de l’Euro +, du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, des dispositions inscrites dans les Six-pack et Two-pack, le développement du processus de semestre européen (qui vise à créer les conditions d’une union budgétaire où les Etats membres seront conduits à coordonner leurs programmations budgétaires - annuelles et pluri-annuelles - sous la supervision de la Commission européenne - (cf. à cet égard les travaux qui se poursuivent autour du développement du processus du semestre européen - Comprendre mieux ce qu'est le 'semestre européen' ! ; Le "semestre européen", nouvel outil de coordination des politiques économiques et budgétaires (Europaforum.lu) ; Semestre européen 2012 / Politiques économiques : Le Conseil publie des recommandations par pays (Bruxelles, le 10 juillet 2012) (réédition) ainsi que Retour sur le semestre européen : objectifs, atouts, questions en suspend), ou encore la mise en place du Mécanisme européen de stabilité (dont les ressources considérables seront disponibles à des taux particulièrement performants et aux conditions fixées par le nouvel cadre juridique européen, pour les Etats sous programme qui en solliciteront le recours - voir également à son égard Accordons la licence bancaire au MES pour redonner à la puissance publique la souveraineté qu'elle a perdue ! - ), modifient considérablement la donne en la matière dans la mesure, notamment, où ces différents actes contribuent à assainir les finances publiques des Etats membres tout en leur garantissant un accès à l’emprunt à un coût moindre pour financer par l’endettement tout ou partie de leurs investissements les plus stratégiques.
Les conditions macroéconomiques et structurelles requises pour favoriser la réhabilitation de l’intervention financière d’origine publique en faveur des investissements consacrés au financement des biens publics européens visés par les politiques et actions en jeu ici étant en passe d’être remplies, le budget général de l’Union comme les budgets nationaux doivent pouvoir être mobilisés autant que de besoin pour financer au niveau approprié des investissements publics ciblés, dans le respect des règles de discipline et des contraintes budgétaires en vigueur au sein de l’Union économique et budgétaire. (voir notamment à cet égard L'investissement public : malgré les difficultés, une nécessité (avis du Conseil économique, social et environnemental) ; Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi : les BOFIP, par Patrick Michaud (Etudes fiscales internationales) ainsi que G 20 / Austérité budgétaire : les grands argentiers mettent la pédale douce)
Bien que les obligations auxquelles elles sont désormais soumises en vertu des actes évoqués ci-avant les conduisent à soumettre leur programmation budgétaire à des exigences particulièrement strictes visant à une plus grande efficacité et à un plus grand encadrement du volume de la dépense publique, les institutions publiques, européennes, nationales et infranationales, pourraient être simultanément invitées à envisager un recours accru aux subventions et autres mesures compensatoires comme un palliatif stratégique indispensable aux distorsions de concurrence qui se multiplient sur les marchés internationaux comme à des difficultés d’accès des acteurs économiques, technologiques et scientifiques aux ressources d’un marché financier et d’un système bancaire dont les dysfonctionnements obèrent gravement la performance de l’économie réelle en Europe ; ces différentes formes de l’intervention publique devant être assorties d’un cadre de gouvernance permettant d’en évaluer et d’en contrôler l’efficacité réelle en termes économiques, technologiques et sociaux, comme en regard des objectifs qui sont attachés à la constitution et à la protection des biens publics (mondiaux, européens, nationaux, régionaux).
Dans ce contexte, la valeur ajoutée effective du budget général de l’Union ne doit pas être entamée par une appréciation erronée consistant à sous estimer les effets bénéfiques, parce que structurants, de sa double fonction intégrative et redistributive sur la concrétisation des objectifs européens assignés aux initiatives collectives visant à la fois à la stimulation de la compétitivité, à la relance de la croissance et de l’emploi, à la consolidation budgétaire et à la stabilité financière au sein de l’UEM. Le montant affecté au cadre financier pluriannuel de l’Union doit être à la mesure d’un tel constat (et les institutions européennes devront prendre les mesures correctrices des errements de la procédure budgétaire qui paralysent la dynamique européenne - cf. à cet égard, notamment : Budget de l'Union européenne : retour sur l'épineuse question du 'reste à liquider' ).
Dans l’hypothèse où une telle option serait in fine retenue par les institutions compétentes, les négociations relatives à l’établissement d’un nouveau système de ressources propres comme celles relatives à l’établissement du prochain cadre financier pluriannuel de l’Union doivent refléter cette réorientation en substance de la logique financière qui présidera dès 2014 au financement de la mise en œuvre des politiques et actions que l’Union déploie dans le cadre et/ou au service de sa stratégie Europe 2020. Et ce bien au-delà de dispositions générales stipulant par exemple : « Toutes les formes de financement seront utilisées avec souplesse pour tous les objectifs tant généraux que spécifiques d'Horizon 2020, le choix de la forme étant opéré sur la base des besoins et des particularités de chaque objectif spécifique. »
Si de tels aménagements devaient être apportés à la philosophie générale du financement des politiques et actions que l’Union mène dans les domaines de la recherche et de l’innovation, cela devra se traduire également dans les nombreux programmes de travail au sein desquels la Commission aura tout loisir de préciser les paramètres techniques du financement, en raison des nouvelles dispositions de la comitologie, sans que le Parlement européen et le Conseil puissent réellement les contester et, le cas échéant, les aménager.
Il en va en de même de la révision de l’encadrement des régimes d’aides d’Etat, de l’achèvement du processus de création de l’Espace européen de la recherche (qui doit agir comme véritable ‘pilier politique’ d’H2020), du développement de partenariats européens d’innovation et d’initiatives de programmation conjointe ou encore des règles de participation et de diffusion applicables à Horizon 2020, mais également, de l’établissement par les Etats membres de leur nouvelle loi de programmation budgétaire pluriannuelle, dont les négociations en cours constituent des opportunités remarquables pour mettre en cohérence les diverses formes d’intervention de la puissance publique sur les différents registres auxquels elles s’appliquent (R&D, aides régionales, etc.) avec la réorientation de l’Union économique et monétaire sur des bases nouvelles qui placent l’intervention publique nationale et territoriale sous contrainte.
Simultanément, toutes les formes de financements publics européens qui sont à la disposition de l’Union doivent être mobilisés, et notamment trois d’entre eux, évoqués notamment par le Commissaire Michel Barnier en ces termes : « l'action déterminée de la Banque centrale européenne, qui contribue à ramener peu à peu la confiance sur les marchés financiers ; les prêts de la Banque européenne d'investissement, qui ont représenté 72 milliards d'euros en 2010, qui pourraient être augmentés et qui doivent être encore mieux dirigés vers le financement des PME innovantes ; et notre proposition de project bonds, ces emprunts obligataires visant à financer des projets d'infrastructures de transport, d'énergie ou de télécommunications. »
Enfin, sur un plan plus général, les politiques et actions que mène l’Union dans les domaines de la recherche et de l’innovation ne peuvent pas être vécues et développées comme isolées en soi. Elles présentent des complémentarités avec d’autres politiques et ces complémentarités semblent insuffisamment exploitées.
Parmi les bonnes nouvelles concernant les dépenses d'investissement dans la R&D et l'innovation figure incontestablement celle relative au classement de ces dépenses comme investissement - et non plus comme dépenses - dans le nouveau système européen des comptes (cf. Une nouvelle norme comptable augmente le PIB des États européens (Euractiv.fr) ) ! Celà devrait avoir des incidences importantes sur la relance de l'investissement public en faveur de l'innovation en Europe !
La lucidité n'interdit pas l'optimisme !
Voir également :
* Nouveau règlement financier applicable au budget de l'UE et règles d'application
* Options for strenghening Responsible Research and Innovation (EU Report)
* « Le financement public de la recherche, un enjeu national » : rapport de la Cour des Comptes
* Guide pour la préparation des stratégies de spécialisation intelligente des régions françaises
* La Banque publique d'investissement
* La politique générale de l'Union européenne à l'égard des services financiers
NB : Cet article a été publié à plusieurs reprises sur ce blog en 2012 et 2013.