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Publié par Patrice Cardot

Après les USA, porteur et moteur historiques de la rénovation du concept de " sécurité nationale ", le Royaume-Uni, la France, la Chine  et, plus récemment, la Russie ainsi que d'autres Etats dans le monde s'emploient à penser, à définir, à organiser et à mettre en oeuvre leur propre stratégie, leur propre doctrine, leur propre architecture sur ce registre essentiel à tout Etat soucieux de se maintenir, de se constituer ou de se reconstituer en 'acteur global' et/ou en 'puissance globale'.
A l'heure où les crises et les conflits majeurs se multiplient avec leur cortège d'espoirs déçus, d'échecs et de désillusions quant à la pérennité - et à l'efficacité - des réponses d'antan, souvent brutales, sans graduations, dans un contexte de globalisation stratégique où s'entrechoquent et/ou se superposent plusieurs dizaines de risques globaux qui exigent de penser et d'agir en mettant en perspective dans l'analyse, dans la décision et dans l'action l'ensemble des dimensions globales et locales de leurs causes, de leurs dynamiques et de leurs conséquences -  individuelles et croisées -, seule une conception extensive, englobante, systémique, de la "Sécurité nationale" parait faire sens tant en regard des enjeux politiques, stratégiques et sécuritaires qu'en regard des enjeux de gouvernance internationale, de prospérité, de développement économique et social et des enjeux démocratiques ; une conception qui lui confère les ressorts et les déterminants d'une véritable "sécurité globale" !

C'est dans ce nouveau contexte particulièrement crisogène, et de plus en plus polémogène, que l'Union européenne est entrain d'opérer sa mue politique à l'égard tant des affaires économiques, commerciales et monétaires, que des affaires intérieures, des affaires étrangères et de la sécurité, en se dotant des ingrédients indispensables au statut d' 'acteur global' - pour elle-même et pour le monde - qu'elle ambitionne d'acquérir à la fois sur les scènes régionale et internationale ; et ce, notamment, à la faveur de la mise en oeuvre de dispositions nouvelles que les Etats membres ont décidé d'introduire dans le Traité de Lisbonne sur les registres correspondants, en conscience et en responsabilité.

Cette mue est d'autant plus douloureuse qu'elle n'est pas spontanée ! Elle s'opère sous la double contrainte de l'agenda international (révision du concept stratégique de l'Otan, débat autour du projet russe de traité de sécurité européenne, avancée du processus de Corfou au sein de l'OSCE, etc.) et de la concrétisation de formes de menaces et de risques vis-à-vis desquels sa dynamique fondatrice, trop exclusivement économique et libérale, comme les leviers d'action dont disposent ses Etats membres, ne permettent pas d'apporter les réponses nécessaires pour garantir la permanence de ses grands équilibres internes autant que celle des grands équilibres stratégiques et internationaux.

Elle s'opère en même temps que s'opèrent au sein de ses grands Etats membres des transformations de leur propre doctrine de sécurité qui placent désormais en leur centre les enjeux attachés à la Sécurité nationale.
Des inquiétudes se sont longtemps manifestées en Europe quant à la capacité effective des institutions ou organes communautaires à prendre en compte les impératifs de Sécurité nationale ; la multiplication de comportements erratiques en leur sein dans la gestion de certains programmes 'sensibles' participe à susciter de telles inquiétudes !
Il était urgent d'y remédier sauf à laisser - en reponsabilité - des failles s'introduire dans certains instruments clé de la politique de Sécurité de l'Union, à laisser alimenter une polémique fortement préjudiciable à l'économie politique de ces programmes au moment même où le Traité de Lisbonne offre des alternatives quant à la conception, à la négociation, et à la gestion opérationnelle de tels programmes, et à laisser se fragiliser les efforts de consolidation de la base technologique et industrielle de défense européenne que l'Union peine à déployer dans l'optique du renforcement de son autonomie compétitive (Union européenne : du renforcement de la base industrielle et technologique de défense).
Et d'autant plus urgent que l'Union est particulièrement fragile sur ces différents registres (cf. A la recherche d'une protection efficace des technologies ! ainsi que Candide au pays de la BITDE, par Olivier Jehin (Agence Europe - Europe Diplomatie & Defense)).
Afin de pallier les difficultés majeures qui ne manqueront pas de survenir à l'occasion de vélléités d'affirmation, d'autonomisation et de consolidation de son projet politique en matière d'affaires étrangères et de sécurité (y inclus, naturellement, en matière de PESC et de PSDC) dans un contexte rendu encore plus " inconfortable " par les impacts profondément déstabilisateurs des crises de plus en plus globales, et parfois systémiques, qui secouent le monde d'aujourd'hui (cf. La crise économique sape l'Europe de la défense, par Nathalie Guibert (Le Monde.fr) ou encore Politique de sécurité et de défense commune : la crise nous impose de dépenser mieux ensemble ), l'Union européenne s'emploie activement, bien que discrètement, à définir sa propre doctrine de coopération et de coordination en matière de Sécurité nationale conformément à l'esprit des dispositions novatrices du Traité de Lisbonne sur ce registre particulier (cf. la série d'articles consacrée à la prise en compte de la Sécurité nationale dans le Traité de Lisbonne : De la Sécurité nationale dans le Traité de Lisbonne - première partie - (nouvelle édition)  et suivants ainsi que http://www.defnat.com/site_fr/tribune/fs-article.php?ctribune=18). La base juridique existe désormais : les rédacteurs du traité ont fait le choix de l'inscrire dans l'arsenal du droit primaire relatif à l'espace européen de liberté, de sécurité et de justice ! Tirons en toutes les conséquences !
Ce qui exige évidemment comme préalables :
 1) d'une part, que les autorités compétentes s'accordent sur ce que recouvre véritablement en terme de défis communs, d'intérêts communs (cf. PENSER L'INTERET EUROPEEN : Du compromis entre intérêts nationaux à l’intérêt général européen), de fonction stratégiques et de réponses solidaires y compris dans les domaines des capacités et de l'armement, ce concept de 'Sécurité nationale' qui, paradoxalement, n'a pas encore trouvé place dans les Constitutions et Lois fondamentales des Etats qui y recourent aujourd'hui en Europe alors qu'il figure dans le Traité de Lisbonne ; concept que l'on confond trop souvent, ici ou là, avec celui de 'sécurité intérieure' ;

 2) d'autre part, que soient définitivement clarifiées les conceptions respectives de cette notion d' 'approche globale' qui est évoquée de manière trop souvent confuse ici ou là  au point de susciter des craintes quant aux intentions réelles de ses protagonistes dans les différentes enceintes qui traitent de sécurité en Europe, qu'il s'agisse de 'sécurité collective', de 'sécurité coopérative', de 'sécurité commune', 'de sécurité et défense', de 'sécurité européenne', de 'sécurité globale', etc . (voir notamment à cet égard l'article suivant Que doit-on entendre par 'approche globale' de la sécurité en Europe ? - nouvelle édition - ; Des ambiguïtés de la notion de "sécurité globale" et de ses usages ! ainsi que http://www.defnat.com/site_fr/tribune/fs-article.php?ctribune=19),
 3) et, enfin, 
que se fasse jour au sein de l'Union européenne une très forte volonté politique partagée au plus haut niveau des Etats membres pour agir en clarifiant sa propre gouvernance en matière de coordination et de coopération sur le registre de la Sécurité nationale (cf. à cet égard l'article intitulé Le Comité permanent de coopération opérationnelle en matière de sécurité intérieure (COSI) et les questions qui y sont soulevées).

Force est de constater que la version 2008 de la stratégie européenne de sécurité (cf. le rapport du Conseil sur la mise en œuvre de la stratégie européenne de sécurité intitulé « Assurer la sécurité dans un monde en mutation » SES 104632 SES 104632) et la toute nouvelle stratégie de sécurité intérieure de l'Union européenne (cf. La stratégie de sécurité intérieure de l'Union européenne : "Vers un modèle européen de sécurité") et les plans qui y sont attachés (cf. en particulier L'Union européenne progresse dans la mise en place d'un plan européen de sécurité intérieure) participent à esquisser les grandes lignes de ce corps de doctrine tant attendu, quand bien même ce dernier ne couvre pas encore la totalité des défis pour la sécurité et la stabilité auxquels les européens doivent apporter leurs propres réponses à l'intérieur de leurs frontières selon une conception de la sécurité qui soit pleinement compatible avec le modèle de civilisation si singulier qu'ils veulent préserver, développer et promouvoir (cf. à cet égard l'article intitulé A la recherche d'une pensée et d'une action politiques à la hauteur des défis globaux ! (Nouvelle édition) ainsi que les deux séries d'articles intitulées Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la nécessité et de l'urgence (1) et Où en est l'Union européenne face aux défis globaux ? - première partie - et suivants). 

Si des questions demeurent (cf. notamment L'Union européenne en quête de partenariats réellement stratégiques, par Thomas Renard (IRRI) ; Dans le contexte actuel des finances publiques de ses Etats membres, l'UE peut-elle assurer un développement approprié des capacités requises par celui de la PSDC ? ; Dans quel cadre, civil ou militaire, faut-il développer les technologies à double usage ? ; “Do we need a White Book for Security and Defence ?” - The way towards a European White Book on Security and Defence - (Kangaroo Group - European Parliament) ; Sécurité internationale : L'Union européenne n'est-elle pas entrain de se laisser entraîner dans une dynamique susceptible d'en briser l'élan ? - nouvelle édition - ou encore Dans quel cadre, civil ou militaire, faut-il développer les technologies à double usage ? - nouvelle édition - ) et si des grands chantiers nous attendent qui touchent en profondeur à la transformation des outils et des méthodes (cf. Coopération structurée permanente / politique européenne des capacités et de l'armement : de l'urgence de dépasser concrètement les déclamations et les incantations), force est de reconnaître que les progrès sont considérables !

Reste à les concrétiser dans des politiques actives et des instruments appropriés. C'est en cours !

Il fallait le souligner ! Et le saluer !  

 

NB : Cet article actualise trois articles analogues publiés sur ce même blog le 31 janvier, le 5 juin et le 23 septembre 2010.

 

Sur ce sujet, le lecteur peut trouver également sur ce blog des articles utiles à son analyse, notamment dans les rubriques suivantes : 
 * La sécurité dans tous ses états ;

 * Union européenne et sécurité 
 * Le traité de Lisbonne dans tous ses états ;
 * Réfléchir à l'Europe que nous voulons ;

 * Stratégie et stratégies ;
 * Jeux, enjeux et défis globaux ;
 * Jeux et enjeux nucléaires ;

 * Le partenariat transatlantique dans tous ses états ;
 * Technologies et entreprises en action et en débat. 

 

A propos de l'OSCE et de la sécurité européenne :

 * It’s time the EU stopped undermining the OSCE, by Marc Perrin de Brichambaut

 * OSCE : Dialogue sur la sécurité européenne - Thèmes directeurs des réunions du Processus de Corfou

 * Declaration adopted at OSCE Ministerial Council in Athens charts way ahead for dialogue on European security

 * M. A. Moratinos a exposé à Münich avec brio les grandes lignes de la stratégie globale de l'UE en matière de sécurité

 * La boîte à outils de l’OSCE offre la possibilité d’innover, par Marc Perrin de Brichambaut

 * L’UE et la Russie créent un groupe de travail sur la sécurité (Bruxelles2)

 * Que doit-on entendre par 'approche globale' de la sécurité en Europe ? - nouvelle édition -

 * Le Parlement européen pourrait réclamer un rôle plus actif de l'UE au sein de l'OSCE

 

A propos de l'AIEA et de la non prolifération :

 * L'UE est particulièrement active dans son soutien à l’AEIA en matière de sécurité et de vérification nucléaires

 * Accord général du TNP sur le nucléaire au Proche-Orient

 * Renforcement des garanties internationales de non-prolifération nucléaire : la Commission européenne va de l'avant

 * Position de l'Union européenne en vue de la conférence d'examen de 2010 des parties au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires

 * UE / Ligue arabe : conférence pour une culture commune de la sécurité et contre la détention d'armes nucléaires, chimiques, bactériologiques et radiologiques

 

A propos des transferts et exportations de produits, technologies et équipements critiques du point de vue de la sécurité :

* Evolutions récentes du cadre juridique européen en matière de transferts et d'exportations de produits, technologies et équipements critiques du point de vue de la sécurité

 

 

 

 





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