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Publié par ERASME

La dernière victime est yéménite. Le Parlement a en effet adopté, le 1er janvier, le principe d'une révision constitutionnelle qui pourrait, si elle est votée définitivement en mars, ouvrir la voie à une réélection à vie du président Ali Abdallah Saleh. Elu pour la première fois au suffrage universel en 1999, l'homme fort de Sanaa, arrivé au pouvoir dans l'ancien Yémen du Nord, en 1978, et parvenu à la tête du Yémen unifié, en 1990, souhaite faire sauter le verrou que constitue la limite de deux mandats consécutifs pour se maintenir au pouvoir après l'échéance de 2013. A 68 ans, le président Saleh nourrit, par ailleurs, de grands desseins pour son fils, Ahmed Ali, qui occupe déjà des positions importantes dans l'appareil militaire du pays après une incursion comparativement moins fructueuse au Parlement.

Le Moyen-Orient n'est certes pas la seule région au monde livrée au phénomène dynastique. Les démocraties, qu'elles soient occidentales ou asiatiques, y sont également sujettes, comme le souligne l'attention suscitée par la disparition de la lignée Kennedy dans le nouveau Congrès américain. Au Moyen-Orient cependant - à l'exception d'Israël et, d'une certaine manière, des territoires palestiniens -, ce phénomène alimente et accentue les maux politiques qui l'affectent : verrouillage des institutions, dévoiement des consultations électorales, laminage de toute forme de société civile.

Le Yémen, foyer rare dans la région d'une forme de pluralisme politique, est donc en passe de rejoindre un modèle institutionnel de monarchie héréditaire, qu'elle soit classique comme en Jordanie ou recouverte d'un vernis républicain comme en Syrie. Dans ce pays, la même famille, celle des Assad, occupe le pouvoir depuis plus de quatre décennies, après avoir notamment surmonté la rivalité d'une de ses branches conduite par le frère de l'ancien président Hafez Al-Assad, Rifaat. Ce dernier fut contraint à l'exil après une tentative de putsch, en 1983. Jouant de ses relations et de son entregent, il retenta, en vain, sa chance lors de l'arrivée au pouvoir de l'actuel président, Bachar Al-Assad, en 2000.

En Arabie saoudite, l'hospitalisation, en décembre 2010, du roi Abdallah aux Etats-Unis, pour soigner un problème de dos, a précipité les interrogations sur la pérennité de la famille royale. Interrogations superflues, compte tenu de la capacité de la première génération des descendants d'Abdel Aziz à arbitrer ses conflits internes pour préserver le bien commun : le pouvoir. Interrogations légitimes compte tenu du vieillissement inéluctable de cette génération appelée à se transmettre horizontalement le trône selon le mode de succession adelphique (de frère à frère) : le roi, le prince héritier Sultan et son successeur probable, l'actuel ministre de l'intérieur, Nayef, ont tous plus de 75 ans.

Cette incertitude pèse naturellement sur la capacité du régime à s'engager, à moyen et long terme, à l'intérieur de ses frontières comme dans son environnement régional. Plus de soixante ans après le décès du fondateur du royaume, une étape importante pour l'avenir de la maison Saoud, le passage à la troisième génération, reste donc à accomplir.

L'anticipation des successions à venir par les familles au pouvoir dans certaines principautés du Golfe, du Bahreïn au Qatar, ou le dosage subtil entre fratries dans le cas d'Abou Dhabi, le riche pilier de la Fédération des émirats arabes unis, ne réduit pas toujours l'incertitude, comme au Koweït, où deux branches alternent théoriquement au pouvoir, ou surtout à Oman. Cet Etat, placé sous la férule du sultan Qabous depuis quatre décennies, se singularise par l'absence de tout héritier direct déjà identifié.

Si le Liban échappe à ce formatage monarchique du fait de sa composition communautaire, le phénomène dynastique n'en est pas moins prégnant : le chef féodal Walid Joumblatt, dont l'outil politique, le Parti socialiste progressiste, demeure par une ruse de l'histoire membre de l'Internationale socialiste, pousse son fils Timour afin d'assurer sa succession. Le même cas de figure prévaut pour nombre de lignées chrétiennes maronites, alors que le passage de témoin entre l'ancien premier ministre assassiné, Rafic Hariri, et son fils, Saad, consacre une nouvelle maison.

L'Egypte succombera-t-elle à son tour ? Faute d'oppositions représentées au Parlement, la voie a été dégagée pour un nouveau mandat d'Hosni Moubarak lors des élections législatives de novembre 2010 pour la présidentielle de 2011. Après s'être bruyamment gaussés de la succession syrienne, les Egyptiens, une décennie plus tard, se sont résignés à cette perspective, quelle que soit la réalité du pouvoir que conserve, par ailleurs, l'institution militaire.

Dans tous les cas, le monopole dynastique étendu à l'échelle du Moyen-Orient contribue au malheur démocratique des peuples. Il n'est cependant pas définitivement acquis que ce verrouillage puisse résister, sans être contraint à des compromis, à la poussée des classes nombreuses venues au monde avant les transitions démographiques expérimentées par la région depuis une génération.

NB : Cet article a été publié une première fois sur ce blog en janvier 2011. 

 

 

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P
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S
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