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Publié par Patrice Cardot

Cet article présente la synthèse d'une réflexion menée au début de l'année 2010 par Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen, sur la complexité du financement des politiques européennes.

" Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le budget de l’Union est loin d’être le seul instrument permettant de financer les politiques européennes et, au-delà, les actions liées à des objectifs communs européens. En fait, il n’y a pas moins de 7 catégories de sources, obéissant chacune à des règles différentes.

 1. Le budget européen proprement dit. Depuis le traité de Lisbonne, il est adopté par accord entre le Conseil et le Parlement, selon une procédure particulière de codécision. En 2010 il se monte à 123 Md d'euros. Depuis 1988, le budget annuel est enserré dans un cadre pluriannuel qui plafonne les dépenses en 5 catégories. Le cadre en cours porte sur les années 2007-2013 et doit faire l’objet d’une révision à mi-parcours en 2010.

 2. Le FED, Fonds européen de développement, finance l’aide aux pays ACP. C’est un fonds interétatique, mais il est géré sous un contrôle politique assez étroit du Parlement européen. Tout le monde convient qu’à terme il a vocation à rejoindre le budget communautaire, mais chaque présidence tournante successive y renonce vite: la clef de répartition du financement entre les Etats membres est différente de la clef communautaire, et sa renégociation n'est envisageable que dans le cadre d'une refonte globale des finances européennes.

Les gouvernements sont tentés de reproduire ce type de formule : ils y ont recouru, presque en catimini, lors du Conseil européen de mars 2010, pour financer l’aide promise par l’UE aux pays en développement pour lutter contre l’effet de serre. Mais à la différence du FED, pour l’instant il ne s’agit pas d’un fonds doté d’un statut, de règles de fonctionnement et d’un contrôle démocratique. Les gouvernements se sont simplement mis d’accord sur le principe et le montant de l’aide, et sa répartition entre les Etats membres – sans recourir au budget communautaire.

 3. Les contributions officielles des Etats membres au financement de politiques ou d’institutions européennes. C’est une rubrique assez vaste et hétérogène. On y trouve à la fois :

Les cofinancements nationaux des programmes communautaires qui les requièrent : fonds structurels, politique de cohésion, programme-cadre recherche notamment.

Les financements nationaux complétant des programmes communautaires ou complétés par eux : les financements des programmes spatiaux de l’ESA, ceux du fonctionnement d’une majorité d’agences européennes en sont des illustrations.

Les dépenses engagées par les Etats pour des actions parallèles à celles de l’Union sont une variante de cette catégorie : ainsi pour les opérations de maintien de la paix, dont les dépenses civiles sont prises en charge par le budget européen, selon des procédures appropriées, alors que chaque Etat garde la responsabilité de ses dépenses militaires opérationnelles. Notons au passage que les Etats qui acceptent de participer à de telles opérations payent deux fois (sur leur budget national et dans leur participation au budget commun), à quoi s’ajoutent les pertes humaines : c’est un domaine où il existe une marge de progression dans la solidarité communautaire.

Les coopérations renforcées et coopération structurée permanente prévues par le traité de Lisbonne pourront donner lieu aussi à la recherche de financements dont la répartition devra être débattue entre les participants.

 4. Les dépenses nationales qui contribuent à la réalisation d’objectifs communs européens.

C’est la catégorie sans doute la plus importante en volume, mais aussi celle qu’il est le plus difficile de cerner de manière précise. Par « objectifs communs européens », il faut entendre les domaines dans lesquels la compétence juridique et financière reste essentiellement nationale, mais pour lesquels les Etats membres se donnent ensemble les mêmes objectifs : la stratégie de Lisbonne, le plan énergie-climat, la stratégie de sécurité de l’Union en sont les meilleurs exemples.

Identifier ces dépenses et les évaluer est très important pour deux raisons. D’une part, face aux difficultés extrêmes d’accroître le budget européen, c’est le seul moyen de vérifier que pourront être financés ces objectifs majeurs ; d’autre part, le bon usage de ces fonds pose un problème de contrôle démocratique, donc de coordination entre les parlements nationaux, qui en disposent, et le parlement européen, chargé de suivre la réalisation des objectifs.

 5. Les dépenses engagées par les Etats membres au profit de citoyens de l’Union venus bénéficier de leurs services publics.

Ce problème radicalement nouveau n’a jamais donné lieu à examen dans un cadre communautaire. Pourtant, il y a déjà cinq ans, l’arrêt Watts de la Cour de Justice a joué le rôle de détonateur : la Cour a contraint le N.H.S. britannique à payer à un hôpital français les frais de chirurgie liés au traitement d’une ressortissante britannique qui n’avait pu obtenir des soins appropriés dans son pays. Cette validation juridictionnelle du « droit au tourisme sanitaire » a une portée telle que l’Espagne, dont les services hospitaliers sont particulièrement prisés de ses voisins, s’est opposée au projet de directive destiné à y donner suite. Mais le problème ne pourra pas être éternellement éludé. D’autant qu’il ne se limite pas au domaine de la santé : le droit communautaire supprimant désormais les conditions de ressources dont un citoyen européen devait justifier pour séjourner dans un autre pays de l’Union, le partage de la prise en charge de l’aide sociale devra bien être négocié entre les Etats, bilatéralement, multilatéralement, ou au niveau communautaire. Une forme de chambre de compensation sera sans doute nécessaire. Mieux vaut y réfléchir et s'accorder avant d’être débordé par le nombre de cas.

 6. Les prêts de la B.E.I. qui financent des projets communautaires, souvent en complément de fonds européens. Institution originale, créée par le traité de Rome mais dont les seuls actionnaires sont les Etats membres, la B.E.I. est un puissant financeur des investissements décidés à Bruxelles. Son rôle ne pourra que s’accroître en période de très basses eaux budgétaires.

 7. Il existe maintenant une autre catégorie de prêts, consentis par certains Etats membres à d’autres Etats membres en difficulté financière. Le traité a prévu un mécanisme d’aide de l’Union aux Etats connaissant des difficultés exceptionnelles (article 122). Depuis la crise grecque s’ajoute maintenant la possibilité de prêts publics accordés par certains gouvernements, même à un pays de l’euro, selon une clef de répartition au cas par cas. Les parlements nationaux sont saisis de la validation juridique et politique de la décision mais, s’agissant de l’exercice de la solidarité européenne et du fonctionnement de la zone euro, leur intervention ne doit pas être exclusive de celle du parlement européen. Encore un domaine nouveau pour la coopération interparlementaire. "

 

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