La place centrale de " l'action d'ensemble " dans l'oeuvre du Général Lyautey au Maroc : une leçon utile à tirer de l'Histoire ! - Troisième partie -
Le Maréchal Lyautey l'avait parfaitement compris, lui qui est parvenu sans trop d'effusion de sang, grâce à sa stratégie de 'l'action d'ensemble' à pacifier un Maroc alors soumis à une violence intertribale et à un déséquilibre de développement sur la très vaste étendue de son territoire austère !
Qu'il s'agisse du Mali, du Niger, de la Centre-Afrique, et de bien d'autres pays de cette zone sahélienne et sub sahélienne, c'est bien d'une stratégie analogue à celle si remarquablement menée par cet exceptionnel résidant général français au Maroc qu'il est urgent de déployer dans cette zone sensible, en l'adaptant naturellement aux spécificités de chaque pays et des enjeux qui y sont attachés.
Pour les première et deuxième parties de cet article, voir :
ainsi que
* La place centrale de " l'action d'ensemble " dans l'oeuvre du Général Lyautey au Maroc : une leçon utile à tirer de l'Histoire ! - Deuxième partie - !
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L'un des permiers actes de l'occupation fut de tracer tout autour des villes de larges routes bien empierrées. Routes stratégiques, routes économiques et pistes provisoires, sortirent du même coup sous la pioche des services du génie. le but était de relier par un réseau deplus en plus serré les centres d'échanges et de multiplier le va-et-vient de la zone commerçante, en la reliant aux zones militaires.
De Rabat à Fez et à Marrakech, la piste d'abord, puis le petit rail stratégique à voie étroite, qui précède la voie ferrée définitive, la route ensuite. Tout cela se suit ou se superpose, et l'indigène marocain prouve une fois de plus ses facultés d'adaptation en se hâtant d'adopter, chaque fois qu'il le rencontre, le dernier perfectionnement.
A peine la route établie, il quitte la piste, et défile lentement sur la voie nouvelle avec ses chameaux et ses ânes. Dès que les wagonnets crculent, il n'hésite pas à faire voyager ses produits par le rail auquel il confie également sa famille et lui-même.
Rien ne l'étonne, ou du moins, rien ne lui arrache un geste d'étonnement. Sa passion pour l'auto fut immédiate. Homme des villes et des plaines, agriculteur ou commerçant, d'habitudes pacifiques, il ne s'effraie pas aisément. le goût du danger subsiste encore en lui car, comme le dit l'adage arabe : " Le Tunisien est une femme, l'Algérien est un homme, le Marocain est un guerrier ".
Il est aussi un incorrigible curieux, de compréhension rapide, capable de soutenir l'effort prolongé du travail et, même s'il se trouve être de souche plébéienne et paisible, il garde encore en lui un peu de l'âme du conquérant. Tout ceci forme, dans son ensemble, une population très spéciale, très vivante, à cent lieues de l'éternelle lassitude qui anémie les gens de l'Orient méditerranéen et le fellah d'Egypte ; ceux-ci ne se résignent qu'au minimum de l'effort ; le Marocain a des muscles plus solides et son activité est intense.
Ce qui reste des populations décimées par une hygiène si longtemps insouciante et par les razzias périodiques forme un noyau d'hommes solides, résistants, duts à la peine, économes de leurs deniers, fort prévoyants. Pour les contenir, il fallait leur montrer du même geste la force prête à sévir maisprête aussi à protéger.
Ces laborieux à la fois audacieux et prudents, réfléchis et impulsifs, suivent attentivement la leçon des faits. Immédiatement ils comprirent les raisons d'être de la route et du dispensaire et mirent à profit ce que le maître du moment leur accordait. Tout les intéressa, ils pressèrent à la consultation médicale aussi bien qu'au marché, et ce sens si précis de l'occasion fugitive qui les porte à la saisir, avant qu'elle ne s'échappe, devint pour le Protectorat un très grand argument.
Ils n'ont pas de fanatisme sincère ; âprement jaloux de leurs coutumes et de leurs traditions, passionnément attachés à leur vie locale, ils admettront que le maître étranger relève de leurs villes, répare leurs enceintes et fasse de l'ordre dans leur désordre, mais un geste maladroit suffit à déchainer l'émeute qui, de suite, crée de l'irréparable ; la grande force du général Lyautey fut d'arrêter ce geste.
La ligne Fez, Meknès, Rabat, Casablanca, Marrakech, au long de laquelle l'oeuvre et s'enchaine, sera toujours l'armature centrale d'une construction qui s'étend déjà bien au-delà des limites de la première heure. Mais, lors même que le Maroc actuel se trouverait deux fois élargi, cette armature demeurera le centre vital de l'empire, sa grande région de richesse et d'influence. Les trois millions et demi d'indigènes qui peuplent le Maroc français sont répartis, aux trois quarts, sur ce grand foyer d'influence. Dès les premiers mois, le Protectorat concentra là son effort économique. Il y obtint ses premiers résultats, opérant par des bonds progressifs vivement menés.
A Rabat, centre des services, le Bureau des Etudes Economiques élargissait rapidement les baraquements des premières heures, le public s'y pressait de plus en plus nombreux ; tout un personnel spécial était formé sur place pour organiser dans chacun des grands centres marocains un bureau semblable qui devait centraliser les questions économiques particulières à la région. Toutes ces décisions urgentes qui s'imposaient entrainaient une série d'études : ouverture d'un port sur le Sebou, rendement commercial des ports de Rabat et de Casablanca, utilisation de Fedalah comme port de débarquement ; cette mise au point des questions économiques appelait une réorganisation administrative et financière immédiate ; la révision des domaines, des biens maghzen ne pouvait plus être différée. Il s'agissait de répartir à nouveau et de consolider un tiers du Maroc pacifié. Les biens habous, ces fondations pieuses si nombreuses sur terre islamique, étaient également en détresse ; il fallait en surveiller la gérance, tout en sauvegardant les intentions des donateurs. Ces divers contrôles entrainaient un remaniement complet du cadastre, une réforme profonde de la justice indigène.
Avant tout, il importait d'organiser la justice française, ce qui seul pouvait permettre la suppression des capitulations et des juridictions consulaires dont les fréquents abus étaient intolérables. Les " protégés ", ces parasites des consultats et des légations, se recrutaient dans les pires éléments des populations citadines, parmi ces bandes d' " outlaws " que les régimes en décadence laissent se former autour d'eux. La plupart des clients de ces juridictions consulaires avaient un lourd passé, des appétits énormes. L'Allemagne recrutait dans leurs rangs ses partisans et ses intermédiaires les plus résolus. Neutraliser leurs intrigue était fort difficile ; la confusion de luttes diplomatiques les abritant toujours en temps voulu. Il fallait opposer à ces éléments flottants une juridiction française qui devait s'adapter au pays, se plier à ses exigences et s'assouplir aux nécessités des différentes régions tout en gardant sa claire ordonnance.
Cette organisation judiciaire apparaissait, dès la première accalmie, comme une part essentielle de l'action protectrice, peut-être la plus pressante. L'accord franco-allemand de 1911 admettait la suppression des juridictions consulaires, mais sous cette réserve que le Protectorat fût en état dde les remplacer par des tribunaux assurant aux étrangers toutes les garanties nécessaires.
Le Résident Général se trouvait aux prises avec les difficultés d'une triple législation : capitulations, Protectorat, autorités chérifiennes, chacune ayant son code particulier. Un pareil état de fait ne pouvait se prolonger sans interrompre à tout moment la marche de l'organisation. L'antinomie intolérable entre le régime des capitulations et celui du Protectorat s'aggravait à mesure que l'essor économique s'amplifiait. Un statut judiciaire, applicable à tous, pouvait seul amener les puisances à renoncer aux droits de juridiction qui étaient la négation même du Protectorat qu'elles avaient accepté.
Il s'agissait encore d'organiser les tribunaux de telle daçon que les étrangers fussent désireux d'en devenir justiciables.
Le code Napoléon, légèrement modifié et adpaté, fut mis en pratique avec une procédure relativement simplifiée. Il devint ainsi, dirent les jurisconsultes français et étrangrs, un modèle de clarté et de législation rapide. Sous cette forme renouvelée, il apparaissait comme le plus souple et le plus moderne des instruments de juridiction. Des juges de paix à pouvoirs très étendus, doublés de secrétaires-greffiers, supprimaient les notaires, les huissiers et toute la coûteuse procédure des tribunaux européens. La grande réduction des frais judiciaires fut appréciée de tous, bientôt les juridictions consulaires tombèrent d'elles-mêmes.
Ce monument historique, très hardi, contenait une série de codes établis par les premier juristes de France, sur des traditions essentiellement françaises mais tenant compte, dans la plus large mesure, des progrès accomplis à l'étranger et des conditions particulières du Maroc.
Ces codes étaient d'une netteté, d'une équité indiscutables, les solutions se rapprochaient presque toujours des dernières formules adoptées par la Convention internationale de la Haye.
Le Maroc français, sitôt doté de sa législation nouvelle, mit à létude le remaniement complet de la justice indigène, question des plus délicates pour laquelle tout le tact et la science des spécialiste en droit mulsuman n'était pas de trop. Le vieux Maroc cruel et fermé s'adaptait cependant avec une docilité inattendue (cf. Dépêche marocaine, 22 mai 1913). Son excellente mémoire enregistrait les leçons reçues, il n'en gardait pas rancune. Les tribus rudement châtiées la veille venaient le lendemain participer à la vie courante. Nous avions éveillé ce grands corps engourdi, il acceptait le présent et ses bénéfices.
On lui avait murmuré : " vous serez comme le fellah réduit en esclavage ", mais les évènements démentaient ces fâcheux propos ; l'indigène marocain ne croit guère qu'aux faits palpables. Il voyait, autour de lui, chaque maître de ses profits, et le mouvement laborieux dont il était l'un des rouages convenait à son esprit pratique. Il profitait des travaux municipaux activement conduits dans les villes, de l'outillage agricole, et s'intéressait aux expériences tentées dans les jardins d'essais ; rien ne lui échappait dans cette mise nen valeur méthodique du pays.
Se serait-il désintéressé de l'effort, lui opposant son hostilité, que la conception du Protectorat s'effondrait comme tant d'autres tentatives. Le mot du Général au début des grands travaux : " J'aime les guerres coloniales parce qu'elles ne sont pas destructives mais constructives "acquérait déjà sa signification complète. L'oeuvre pacifique se propageait à travers tout l'empire.
Le Protectorat entrait en possesssion de outes ses directions : travaux militaires, travaux urbains, postes et télégraphes, voies ferrées, transports automobiles sillonnaient le Maroc. Jamais de promesses, des réalisations.
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