La renégociation du Pacte budgétaire pour une nouvelle gouvernance économique européenne, par Pervenche Bérès
Cet article reprend un extrait d'un document plus complet réalisé par Pervenche Pérès (cf. Gouvernance économique européenne : l'Union à la croisée des chemins, par Pervenche Bérès (Note du CERFA 94b) )
" L'Union est à la croisée des chemins : soit les Etats membres décident d'unir leurs efforts pour renforcer l'intégration, soit la stagnation au niveau décisionnel et les divergences sur le plan économique pourraient mener l'Union à sa désagrégation "24. Ce constat inscrit dans le rapport final sur la crise financiere, economique et sociale par le Parlement europeen est toujours d'actualite.
Deux idées doivent être retenues pour mener la discussion sur la gouvernance économique européenne à l"avenir :
- le renforcement de l'intégration économique et politique de l'UEM ne peut se limiter aux discussions plus ou moins fréquentes entre Paris et Berlin en fonction de leurs affinités politiques. L' "entre-soi " franco-allemand a montré plus d'une fois ses limites au cours de cette crise. Le caractère ostentatoire de cette relation privilégiée est de moins en moins accepté par leurs partenaires, qui n'hésitent pas à former des coalitions ad hoc pour soutenir leurs propres initiatives. Le refus exprimé par la France et l'Allemagne de s'associer à l'initiative en faveur d'une relance de la croissance par le marché intérieur, péeparée par le président du Conseil italien Mario Monti et par le Premier ministre britannique David Cameron, n'a pas empêché 12 dirigeants européens de s'y associer25 signifiant au moteur franco-allemand que d'autres voix existent ;
- l'Union européenne et la zone euro ne pourront pas retrouver le chemin d'une croissance durable créatrice d'emplois en s'enfermant dans la politique d'austérité que représente en l'état le Pacte budgétaire.
Candidat à l'élection présidentielle francaise, Francois Hollande a d'ores et déjà exprimé son souhait de renégocier le TSCG au lendemain de son élection. Certains contestent au candidat socialiste le droit de renégocier ce Traité signé par 25 des 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union, que seul le Portugal a ratifié a ce jour. Ils semblent oublier qu'ils viennent de resigner le traité relatif au MES. Ensuite, l'aggravation de la récession en Europe apporte la démonstration que le volet correctif du Pacte de stabilité repose sur une erreur de diagnostic et de réponse économique : héritée de l'ordo liberalisme, la philosophie des réponses proposées parfait le constitutionnalisme économique en partant du principe qu'il suffit aux Etats de définir une regle d'équilibre budgetaire contraignante pour que l'assainissement des finances publiques soit garanti. L'Espagne a récemment apporté le camouflet le plus sérieux à cette école de pensée : devant faire face à une contraction sans précédent de son activité économique, le gouvernement conservateur ibérique a du reconnaitre qu'il lui était impossible de réduire le déficit public de 8,5 % a 4,4 % en une année26
La renégociation du traité souhaitée par Francois Hollande ouvre la voie au rééquilibrage de la gouvernance économique européenne en proposant un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance. Cette position est partagée au sein de la famille socialiste européenne, y compris par le président du Parti socio-democrate allemand (SPD), Sigmar Gabriel. L'Espagne a obtenu partiellement gain de cause sur la réévaluation de son objectif de réduction de déficit a 5,3 % pour 2012, la Commission européenne prenant acte des carences du Pacte de stabilité revisé et de son manque de souplesse.
La discipline budgétaire est indispensable, mais un traité qui n'aurait pour finalité que de contraindre les Etats de la zone euro à la mise en oeuvre de politiques d'austerité sous la menace de sanctions financières condamne les Etats a imposer une saignée économique et sociale qui renforcera la récession en Europe. Sans retour d'une croissance durable, le retour à l'équilibre budgétaire posé comme objectif central du traité est illusoire. ; elle s'imposera à la table du Conseil dès lors que les Francais auront désigné Francois Hollande comme président de la République sur la base de ce mandat.
C'est la raison pour laquelle Francois Hollande propose de doter l'Union européenne des outils nécessaires au retour de la croissance par la relance de l'investissement. Cinq propositions devraient animer une telle renégociation :
- les sommets de la zone euro devraient avoir pour objet de définir des politiques favorables à un développement durable et à la création d'emplois, comme préalables indispensables à la réduction effective des déficits publics ;
- les sujets couverts par le paquet de gouvernance économique devraient être traités sur un pied d'égalité, ce qui suppose d'accorder la même attention aux déséquilibres macroéconomiques internes à l'Union et à la poursuite de la consolidation budgétaire ;
- l'objectif de stabilité des marchés financiers doit être clairement établi, en particulier dans l'Eurozone ainsi que la nécessite d'assurer une allocation optimum des capitaux ;
- la création d'euro-obligations organisant la solidarité en contrepartie d'une approche budgétaire plus intégrée. En ce sens, les représentants du Parlement européen, lors de la négociation du projet de traité international, avaient proposé un article : " Exprimant leur disponibilité à explorer en temps voulu les prochaines étapes en faveur d'une intégration économique plus étroite au sein de l'UE, notamment par le développement progressif d'obligations communes de la zone euro28 "
- l'établissement d'un Trésor européen articulé avec le futur MES sous l'égide d'un vice-president de la Commission en charge de l'euro et de la croissance, responsable devant le Parlement europeen ;
Sur ce dernier point, il est significatif que Jacques Delors, longtemps partisan de la coordination des politiques economiques comme point d'equilibre à l'Union monetaire, considère désormais que l'équilibre ne sera pas possible sans un minimum de fédéralisme29 .
Au-dela de cette renégociation, les mesures d'urgence destinées à apaiser les tensions exercées sur les Etats en difficulté financière supposent de renforcer les moyens d'intervention du MES en lui octroyant une licence bancaire qui lui permettrait d'acceder aux liquidites de la BCE. Cela rapprocherait la zone euro des conditions de financement des économies americaine ou britannique qui, avec un déficit ou une dette publics plus degradés que la plupart des Etats membres de la zone euro, ont jusqu'ici peu inquiété les marchés quant aux conditions de financement de leur dette. La crise a fait avancer un débat sur la gouvernance économique ou sur le gouvernement economique qui ne décollait pas depuis l'adoption du traité de Maastricht. Des actions ont été entreprises sans parvenir à résoudre la question fondamentale posée : il reste beaucoup à faire pour que l'euro soit au service du projet que les citoyens veulent bâtir ensemble et qu'il les arme dans la compétition mondiale tout en leur permettant de porter leur message démocratique et social dans le monde. Les progrès dans le domaine de la gouvernance économique de la zone euro passent par davantage d'exercice de la responsabilité conjointe et solidaire, ce qui relance le débat sur le degré de fédéralisme souhaitable.
Cependant, cette question ne peut pas et ne doit pas être ouverte indépendamment de celle des choix politiques, économiques et sociaux, ainsi que du contrôle democratique au plan européen et national.
Dans ce débat, la relation franco-allemande joue un rôle majeur, mais le rapport entre Etats ne doit pas faire oublier la aussi la question encore plus importante du contenu des orientations portées qui, elle, est de nature politique.
24 Parlement europeen, Resolution sur la crise financiere, economique et sociale : recommandations concernant les mesures et initiatives a prendre, (2010/2242(INI)), 6 juillet 2011, disponible sur : <http://tinyurl.com/d52sohy>.
25 A Plan for Growth in Europe, 20 fevrier 2012, disponible sur : <http://tinyurl.com/d8pdjsg>. Cette lettre a ete signee par les Premiers ministres David Cameron, Mark Rutte, Mario Monti, Andrus Ansip, Valdis Dombrovskis, Jyrki Katainen, Taoiseach Enda Kenny, Petr Ne.as, Iveta Radi.ova, Mariano Rajoy, Fredrik Reinfeldt et Donald Tusk.
26 á L'Espagne reste determinee a reduire son deficit public â, Lemonde.fr, 2 avril 2012, disponible sur : <http://tinyurl.com/cnj8u8>.
27 Entretien de Francois Hollande et de Sigmar Gabriel par M. Semo, et al., á Ensemble nous pouvons faire bouger les choses â, Liberation, 26 mars 2012, disponible sur : <http://tinyurl.com/dyvwqvk>.
28 Document interne a la representation du Parlement europeen dans le cadre de la negociation du TSCG.
29 J. Delors, á Pour un renouveau de lfEurope â, Notre Europe, 11 avril 2012, disponible sur : http://tinyurl.com/br8ne5 .
Voir également sur ce blog :
* Jacques Delors salue "l'offensive sociale démocrate
pour une renaissance de l'Europe »
* Trois évolutions - parmi d'autres - de l'UEM qu'il aurait fallu opérer !
* Candidats, encore un effort pour refonder le capitalisme ! par Paul Jorion (Le Monde)