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Publié par ERASME

Pensez-vous que la crise actuelle peut provoquer un éclatement de la zone euro ?

Je ne crois pas que la zone euro soit menacée. La Californie, dont le poids est bien plus important dans les Etats-Unis que celui de la Grèce dans la zone euro, a fait faillite deux fois déjà ! L'hypothèse d'un défaut de la Grèce n'est pas à exclure mais elle n'aurait pas à sortir pour autant. Quant à l'euro, c'est une bonne nouvelle.

Que pensez-vous de la manière dont les dirigeants européens ont géré la crise grecque ?

Je leur fais deux reproches. D'avoir perdu beaucoup de temps alors que la crise financière avait montré l'importance cruciale de la réactivité quand les marchés perdent confiance. Et d'avoir frénétiquement privilégié une solution non communautaire alors que le traité prévoit la possibilité d'une aide européenne dans des circonstances exceptionnelles. C'est l'article 122 du traité. Les dirigeants ont fait trop longtemps une interprétation restrictive de ce texte pour des raisons politiques.

La crise a révélé de profonds dysfonctionnements dans la zone euro ?

Elle a surtout révélé la faillite des modèles économiques de vingt pays sur vingt-sept ! Les trois tempêtes - la crise financière, la crise économique et la crise de l'endettement public -ont frappé des économies déjà gravement malades. Il y a d'abord les cigales, comme la Grèce ou la Hongrie, qui ont vécu au-dessus de leurs moyens. Il y a ensuite les escargots, comme l'Allemagne, l'Italie ou la France, qui ont connu une croissance anémiée entre 1998 et 2008. Car le modèle allemand est un échec. Le moteur surpuissant de l'exportation n'a pas compensé l'arrêt complet de la consommation intérieure. Ces dix dernières années, l'Allemagne n'a crû que de 1 % en moyenne et le bien-être économique et social de sa population n'a pas progressé. Il y a enfin les dopés qui, comme l'Irlande, le Royaume-Uni ou l'Espagne, étaient les bons élèves mais suivaient un modèle qui n'était pas soutenable. La plupart des pays européens ont perdu le secret de la croissance.

Comment sortir de ce marasme ?

Nous devons réinventer nos modèles économiques. Nous ne devons plus nous contenter de contrôler a posteriori les soldes et les endettements. Nous devons nous pencher sur le contenu même de nos politiques budgétaires et rechercher en quoi le modèle économique de chacun contribue à la santé de tous. Ce serait un saut qualitatif important dans la coopération européenne.

L'heure est plutôt au repli sur soi…

Je veux mettre les dirigeants européens devant leurs responsabilités. Ils tiennent aujourd'hui un double langage : d'un côté, l'ambition affichée de la « stratégie 2020 » qui vise à investir massivement dans les secteurs d'avenir et de l'autre la frilosité budgétaire des Etats membres. Si l'on considère qu'il est crucial d'investir pour sortir l'Europe de sa langueur, alors donnons au budget européen les financements nécessaires. Nous ne disposons déjà plus d'aucune marge de manoeuvre pour les financements de projets aussi fondamentaux que Galileo, Iter ou le projet Cleansky.

Comment vous y prendrez-vous concrètement ?

Mettons-nous autour de la table et regardons comment nos budgets peuvent financer les projets de « l'Europe 2020 ». On va rapidement découvrir que la voie européenne est le seul moyen de sortir par le haut de nos crises budgétaires nationales.

Avez-vous des exemples ?

Certaines politiques européennes sont entièrement financées par le budget communautaire comme la PAC. Mais pour d'autres, l'Europe apporte des fonds importants en complément des budgets nationaux. C'est le cas en matière de recherche : le programme pluriannuel représente 8 milliards d'euros par an (au profit des énergies nouvelles, des nanotechnologies, des biotechnologies) tandis que les 27 Etats membres financent leurs propres programmes de recherche à hauteur de dix fois les montants européens sans la moindre coordination. Un grand nombre de ces programmes font double emploi ou sont mal utilisés. A nous de dégager un rendement économique de la recherche très supérieur.

Vous citez aussi le cas de la politique de coopération et de développement…

Oui, ce sont les mêmes ordres du grandeur. Prenez la Palestine : tous les pays européens l'aident dans l'ignorance totale de ce que prêtent leurs voisins. La crise va nous permettre enfin d'être sérieux. Nous devrions aussi cesser le gaspillage énorme que nous faisons dans le domaine militaire. Nous n'avons plus d'ennemis, mais nous finançons 27 armées et 2 millions d'hommes sous l'uniforme. L'Afghanistan est cependant un symbole éclairant de nos faiblesses militaires. Nous ne pouvons plus nous permettre d'avoir des ambitions au-dessus de nos moyens.

 

Alain Lamassoure est membre du Parlement européen (PPE). Il y occupe notamment les fonctions de président de la commission des budgets.

 

NB : Cet article a été publié dans le quotidien Les Echos en date du 10 mai 2010.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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