Le désordre des monnaies au menu du G20 des Finances (Le Figaro)
Les grands argentiers du monde souhaitent dénoncer les dévaluations compétitives avant le G20 de Séoul le mois prochain.
Les grands argentiers du monde se préparent à une passe d'armes cruciale ce week-end en Corée du Sud sur la brûlante question des taux de change. À moins d'un mois du sommet du G20 de Séoul, les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales des vingt plus grosses économies de la planète se retrouvent à Gyeongju pour tenter de décréter une trêve à la guerre des changes qui sévit depuis septembre, et menace la reprise mondiale, selon l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Les États-Unis et l'Europe souhaitent imposer à la Chine et aux pays émergents le principe d'un mécanisme de régulation des taux de change. «Nous voulons que les pays avancent en direction d'un ensemble de normes simples», a prévenu Timothy Geithner, secrétaire au Trésor américain, avant de s'envoler pour le pays du Matin-Calme.
Pékin et Séoul, notamment, sont accusés de maintenir artificiellement bas leurs devises pour protéger leurs exportations, en dépit de la vigueur de leurs économies respectives. Et «aujourd'hui, la dévaluation compétitive est devenue une arme de choix», juge Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'économie.
Séoul entre deux chaises
Flairant le piège, la Chine a pris les devants mardi dernier en relevant pour la première fois depuis 2007 ses taux d'intérêt. Une décision justifiée officiellement par la lutte contre l'inflation, mais qui permet à Pékin de dévier les critiques auxquelles elle s'attend au G20 du 11 novembre. La présidence sud-coréenne de ce sommet n'est pas facile. Séoul devra jouer le médiateur pour assurer le succès de «son» sommet, tout en maintenant au plus bas sa propre monnaie, le won, dont l'appréciation menace ses exportations.
Face à Washington et à l'Union européenne, le Brésil, qui a été le premier pays à s'alarmer de «la guerre des monnaies», a choisi quant à lui la politique de la chaise vide. Son ministre de l'Économie, Guido Mantega, et le gouverneur de la banque centrale, Henrique Meirelles, resteront à Brasilia ce week-end pour une réunion visant à contenir la flambée du real…
Cela montre le fossé qui sépare les poids lourds du G20. «Un accord à Gyeongju est irréaliste. Il y aura des explications franches qui prépareront le terrain pour un compromis entre les chefs d'État à Séoul», prédit Chan-guk Huh, professeur à l'Université nationale de Chungnam. D'ailleurs, un communiqué appelant le G20 à briser la spirale de la dévaluation compétitive est déjà sur la table.
La bataille est décisive pour l'Europe, qui subit les effets de la politique de la planche à billet adoptée par Washington et les manipulations à la baisse des devises des pays émergents. L'envolée de l'euro « est un obstacle à notre reprise économique » , juge un conseiller d'Olli Rehn, le commissaire européen aux Affaires monétaires. Christine Lagarde, Jean-Claude Trichet et les autres représentants de la zone euro vont devoir se serrer les coudes pour éviter un «G2» monétaire Pékin-Washington.