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Publié par Jean Poche

Cet article reprend l'essentiel d'un article de Cécile Chevré  intitulé 'Les banques européennes, un champ de mines et de ruine(s)' et publiée en juillet 2013 dans la revue quotidienne en ligne du site agora  - See more at: http://quotidienne-agora.fr/.  

 

.... le véritable risque reste toujours et encore les banques européennes. En 2012, les 15 premières d’entre elles ont vu leurs profits baisser de 29%, à 41 milliards d’euros contre 61 milliards en 2011 et même 84 milliards en 2010.

Principale raison à cela : les infinies conséquences de la crise des subprime et surtout de la crise de l’euro qui les ont obligées à réévaluer (à la baisse évidemment) la valeur de leurs actifs.

Comme l’explique Français Vidal dans Les Echos, ce sont 1 000 milliards d’euros d’actifs pourris qui sont détenus par les bad bank européennes.

1 000 milliards d’euros auxquels il faut ajouter les actifs détenus par les banques et qui ne sont pas considérés comme des actifs pourris mais dont la véritable valeur est cependant bien inférieure à celle affichée.

Le problème est que les banques sont censées se préparer à appliquer les règles de Bâle III qui – en résumant à traits grossiers – renforcent les fonds propres qu’elles doivent posséder pour prêter de l’argent. Par exemple, avec la précédente réglementation (Bâle II), les banques devaient immobiliser 2,5 euros de fonds propres pour en prêter 100. Avec l’augmentation de ce ratio à 8%, les banques ont besoin de se recapitaliser, d’augmenter leur réserve de fonds propres pour continuer leurs activités de prêts.

Depuis 2009, cette recapitalisation a déjà atteint 230 milliards d’euros. Or d’après Goldman Sachs, les banques européennes auraient encore besoin de 298 milliards. Une estimation qui tient compte de la situation actuelle aussi bien sur les marchés actions que sur les marchés obligataires.

Selon une étude révélée par le Center for Risk Management de Lausanne, une chute de 40% des marchés actions en un trimestre serait fatale pour de nombreuses banques. Les plus exposées sont françaises. Crédit Agricole perdrait 89 milliards d’euros, BNP Paribas 74 milliards, Société Générale 54 milliards, AXA 23 milliards et Natixis 22 milliards.

Les règles de Bâle III peuvent-elles assurer la solidité des banques ? Une première réponse à cela : le hors-bilan (essentiellement les créances douteuses liées à la crise des subprime) ne sont pas pris en compte dans le calcul des fonds propres nécessaires pour satisfaire à Bâle III.

Deuxième réponse : les actifs sont "pondérés des risques". Qu’est-ce à dire ? Mory Doré, dans son rapport Banques, vos vrais risques, vous expliquera tout cela bien mieux que moi, mais voici une définition rapide de cette étrange pratique.

Chaque actif, ou prêt, ne représente pas la même valeur dans le calcul de votre bilan. Cette pondération se fait selon le risque que ce prêt est censé faire encourir à la banque. Ainsi la plupart des obligations souveraines sont considérées comme absolument sûres. Si bien que dans le calcul de fonds propres lié au cadre de Bâle III, une obligation d’Etat n’immobilisera pas de fonds propres. Ce calcul des risques est en outre propre à chaque banque applique ses propres règles.

Tout ceci permet aux banques de prêter bien plus qu’elles ne le pourraient si les prêts aux particuliers ou aux Etats étaient considérés de la même façon.

Or c’est justement ces obligations d’Etat qui menacent aujourd’hui les banques européennes, des actifs qui échappent en grande partie à la règlementation de Bâle III. Je vous laisse admirer le graphe ci-dessous représentant l’exposition des banques françaises et allemandes aux dettes de pays périphériques de la zone euro.

Exposition des banques allemandes et françaises aux PIIGS

Comme vous pouvez le constater, les banques françaises risquent beaucoup (avec une exposition totale de 520 milliards) et la principale menace est la dette italienne. Or la Botte vient de se voir une nouvelle fois dégradée par Standard & Poor’s, de BBB+ à BBB. Encore un cran, et l’Italie se retrouvera dans la catégorie peu enviable des investissements spéculatifs. Une nouvelle qui ne devrait pas faire revenir sur les marchés obligataires alors que les rendements des obligations italiennes s’envolent depuis quelques semaines.

Nous l’avons vu, grâce au tour de passe-passe qu’est le calcul des risques, les obligations souveraines ne sont pas entièrement prises en compte dans les calculs de fonds propres des banques, ce qui limite leurs besoins en recapitalisation. Car dans les faits, l’effet de levier (fonds propres / total des encours non pondérés des risques) est bien supérieur aux 8% fixé par Bâle III. Un effet de levier correspond en effet à un ratio de 2%.

Voici le classement des banques européennes a plus fort effet de levier, publié par Goldman Sachs.

Effet de levier des principales banques européennes

Victoire à la Pyrrhus, deux banques françaises, Crédit Agricole et Natixis, s’arrogent les deux premières places du podium. Deutsche Bank est elle aussi en première ligne. Ce que cela veut dire ? Que si les remous obligataires se poursuivent un peu trop longtemps, les banques françaises (et allemandes) vont avoir un problème. Un gros problème même.

Sans vouloir jouer les Cassandres, entre leurs problèmes actuels et ceux à venir, la situation des banques européennes est plus qu’explosive. Et je ne suis évidemment pas la seule à le dire. Le vice-président de l’Agence fédérale de garantie des dépôts FDIC, Thomas Hoenig, a jeté un énorme pavé dans la mare en juin dernier dans une interview accordée à Reuters dans laquelle il dénonçait la sous-capitalisation criante de la Deutsche Bank : "C’est horrible, je veux dire qu’ils sont horriblement sous-capitalisés" (citation traduite par Les Echos). Et ce qui est vrai la Deutsche Bank est vrai pour Crédit Agricole, Natixis ou encore la Société générale.

Que va-t-il se passer ?
Bonne question, comme toujours. A laquelle il est difficile de répondre, comme toujours.

L’hypothèse la plus probable est que dans les mois qui viennent, les banques vont devoir encaisser de nouvelles pertes, très importantes. Des pertes qui viendront aussi bien de nouvelles faillites organisées, comme celle qui a déjà eu lieu en Grèce, mais aussi de la remontée des rendements obligataires liée à la crise de l’euro comme aux perspectives d’arrêt du QE aux Etats-Unis.

Au vu de l’ampleur du risque systémique que représentent des banques comme Deutsche Bank, le Crédit Agricole et ses consorts françaises, les autorités européennes n’ont pas l’intention de les laisser faire faillite. Reste à savoir où l’on trouvera l’argent qui va servir à les renflouer…

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