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Publié par Patrice Cardot

Le 9 mars dernier, lors de la traditionnelle séance de questions / réponses (" question time ") en session plénière du Parlement européen, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso a exprimé son point de vue sur les produits dérivés de crédit (" Credit Default Swaps ").

Même si " les problèmes grecs n'ont pas été causés par la spéculation sur les marchés financiers, il est clair que la spéculation a été un facteur aggravant ", a affirmé M. Barroso. Il faut donc une " réforme fondamentale " du marché des produits dérivés. Un réflexion " ad hoc " sera notamment nécessaire sur les CDS.

Ces produits s'apparentent à des contrats de couverture à travers lesquels un acheteur, moyennant paiemet d'une prime, se protège contre le risque de défaut d'un émetteur de dette auprès d'un vendeur, cet émetteur pouvant être un Etat ou une entreprise.

La proposition de directive sur les produits dérivés que la Commission présentera en la matière " avant l'été " ainsi que celle sur les abus de marché financier qui sera présentée " avant la fin de l'année " devraient considérablement " augmenter la transparence sur les marchés et limiter les risques ", estime-t-il tout en précisant : " La Commission examinera étroitement la pertinence d'interdire les ventes à découvert purement spéculatives sur les produits dérivés de crédit visant la dette souveraine ". Elle plaidera aussi pour une coorination internationale contre ce phénomène, notamment au niveau du G20, a-t-il annoncé !

La veille, les députés de la commission des affaires économiques et monétaires ont examiné le projet de rapport de Werner Langen (PPE, allemand) sur la future politique européenne encadrant les marchés de produits financiers dérivés. Notre objetif doit être de " réduire les risques, d'accroître la transparaence et l'intégrité " de ces marchés qui, malgré l'absence de statistiques précises, avoisinaient en 2009, les " 600 000 milliards de dollars ", dont 450 000 milliards sont négociés en bourse, a déclaré M. Langen. En règle générale, les députés soutiennent cette approche. Une audition publique aura lieu le 27 avril, l'adoption du projet de rapport étant prévue le 4 mai.

Actualité oblige, les discussions ont porté sur les CDS. La spéculation sur ces marchés est montrée du doigt acr elle aurait accru artificiellement les coûts de financement de la dette publique grecque, mettant ainsi en danger la stabilité de la zone euro. M. Langen a évoqué les " cinq grands opérateurs " bancaires actifs sur ces marchés représentant 80 % des volumes échangés : JP Morgan gérerait 7,5 milliards de dollars de CDS, Goldman Sachs, 6,6 milliards, Morgan Stanley, 6,3 milliards, Deutsche Bank, 6,3 milliards et Barclays Bank, 6 milliards.

Selon le député européen, la crise budgétaire grecque ne plaide pas en faveur d'une interdiction des CDS car les difficultés budgétaires grecques étaient connues avant l'adhésion de la Grèce à l'euro et résultent d'un échec du Pacte de stabilité et de croissance.

Que faire avec les dérivés de crédit utilisés par les institutions financières qui ne détiennent pas de titres de dette, s'est demandé Leonardo Domenici (S&D, italien).

Evoquant un système où les banques censées vendre le plus de dérivés sont aussi celles qui snt les plus exposées, Pascal Canfin (Verts/ALE, français) a plaidé pour " l'interdiction des CDS souverains en Europe " qui constituent uniquement  " un facteur de complexité supplémentaire ".

Interdire ces produits libellés en dollars conduirait à un transfert de ces marchés hors d'Europe, a rétorqué le travailliste britannique Peter Skinner.

Soutenue par sa compatriote conservtrice Kay Swinburne, la libérale britannique Sharon Bowles a estimé nécessaire d'obtenir des informations fiables avant de s'engager dans un exercice réglementaire. " On parle de 8 milliards de CDS contre 300 milliards de titres de dette grecque " et " ces chiffres n'ont pas bougé depuis septembre ", a-t-elle souligné afin de minimiser l'impact des marchés des CDS sur les coûts de financement de la dette grecque. Estimation que ne partage pas M Lange, qui estime que les volumes des CDS ont été multipliés par deux.

Le rapporteur a par ailleurs plaidé pour que la future Autorité européenne de supervision des valeurs mobilières (ESMA), prévue dans le paquet législatif sur la supervision financière, soit habilitée à octroyer l'agrément imposé aux chambres centrales (" central clearing houses ") chargées de compenser les produits dérivés standardisés. De l'avis de Mme Swinburne, cette responsabilité doit au contraire revenir aux autorités nationales. A l'égard des chambres de compensation, Mme Bowles a mis en garde contre la création de  " monopoles, même partiels ", tandis que M. Skinner a averti contre " une concentration des risques ". M. Canfin a estimé qu'il doit être du ressort de l'ESMA, en collaboration avec les autorités nationales, de décider quel produit dérivé peut être standardisé, sinon il y aura des différences entre les différentes approches des chambres de compensation.

Les députés ont également évoqué la question de la supervision des registres dans lesquels seront consignées les transactions portant sur les produits drivés non satndardisés qui continueront d'être échangés de gré à gré. Ils ont également débattu de la différenciation, nécessaire pour la plupart d'entre eux, entre le recours aux produits dérivés par les acteurs financiers et par les sociétés non financières. Certains ont plaidé en faveur de règles limitant la spéculation sur les marchés de matières premières et agro-alimentaires, une spéculation qui affecte la sécurité d'approvisionnement dans des secteurs ô combien stratégiques.

" Protéger " les dettes souveraines, plus largement les économies comme les budgets des Etats membres de l'Union économique et monétaire contre les risques globaux qui pèsent sur la stabilité et la sécurité monétaires de l'euro et/ou sur la stabilité et la sécurité économique et financière de l'eurozone : voilà un sujet qui justifierait en soi une révision - au fond - de la stratégie européenne de sécurité sur les bases suggérées sur ce blog (cf. Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la nécessité et de l'urgence (1) ainsi que Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la nécessité et de l'urgence (2)).

Mais qui en prendra -enfin - l'initiative ?

Source : Agence Europe

Voir également :
 * «Il y a eu des paroles sur la régulation, pas d’actes» (Entretien avec Jean-Pierre Jouyet - Libération) ;
 * Que peuvent les Etats contre la spéculation ? Adrien de Tricornot - 1- (Dossier - Le Monde Economie) ;
 * Que peuvent les Etats contre la spéculation ? par Adrien de Tricornot - 2- (Dossier - Le Monde Economie) ;
 * L'idée de créer un Fonds monétaire européen pour secourir un pays de la zone euro fait débat ;
 * Financial stability and the reform of regulation & supervision of financial markets – a focus on NMS ;
 * Où en serait aujourd'hui la Grèce si .... ;
 * Debt Dynamite Dominoes: The Coming Financial Catastrophe / Assessing the Illusion of Recovery, by Andrew Gavin Marshall ;
 * A quel moment va-t-on renforcer la sécurité monétaire de l'euro et la sécurité économique et financière de la zone euro ? )
 * Les trois phases de l'Union économique et monétaire.




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