Les Palestiniens déplorent la timidité du Quartet, par Laurent Zecchini (Le Monde)
Les Palestiniens n'ont pas caché leur déception leur déception, dimanche 6 février, après la réunion du Quartet la veille, à Münich. Il était pourtant improbable, à plus forte raison en pleine crise égyptienne, que ce forum sur le Proche-Orient, associant les Etats-Unis, la Russie, les Nations-Unies et l'Union européenne, " prenne la décision historique " de reconnaître un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967 (cf. Proche Orient : De quoi parle-t-on lorsque l'on évoque 'les frontières d'avant 1967' ? ), comme l'avait souhaité le principal négociateur palestinien, Saëb Erakat.
Mais l'absence de référence à un tel objectif, tout comme celle d'une condamnation explicite de la politique israélienne de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, représente, du point de vue palestinien, une sérieuse déconvenue. le Quartet se contente de " regretter " l'arrêt du moratoire de la construction dans les territoires occupés, tout en renvoyant dos à dos Palestiniens et Israéliens.
" Les actions unilatérales de l'une ou l'autre partie ne peuvent préjuger du résultat des négociations et ne seront pas reconnues par la communauté internationale " est-il indiqué. Cette condamnation indirecte des efforts poursuivis par l'Autorité palestinienne pour convaincre un Etat palestinien représente une autre déception. Le Quartet souligne le caractère " impératif " d'une reprise des négociations israélo-palestiniennes et souhaite qu'elles aboutissent à un accord d'ici à septembre 2011.
Les pourparlers étant suspendus depuis fin septembre 2010, et les Palestiniens exigeant pour les reprendre un arrêt total de la colonisation, cette date butoir relève du voeu pieux. Le Quartet, a commenté Saëb Erakat, " ne s'est pas hissé au niveau que nous attendions de lui, ni à celui des évènements que traverse la région ".
La direction palestinienne s'efforce de convaincre qu'ils sont une conséquence du blocage de processus de paix même si rien dans les slogans entendus en Egypte ne confirme une telle corrélation. " Le Quartet n'a pas raté une occasion de se taire ", se félicite un haut diplomate israélien. Les Israéliens voient dans la pusillanimité de la position du Quartet un succès de leur diplomatie.
Vendredi, veille de la rencontre de Münich, le gouvernement du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, avait annoncé, en concertation avec Tony Blair, représentant du Quartet, une série de " mesures de confiance " (cf. à cet égard Essai de caractérisation conceptuelle et fonctionnelle de tout système de sécurité - nouvelle édition -) destinées à convaincre les Palestiniens de reprendre le chemin des néogociations. Dans un premier temps, il s'agissait d'inciter le Quartet à renoncer à une condamnation de la politique de colonisation poursuivie par l'Etat juif.
" Supercherie"
M. Erakat a immédiatement jugé que ces dispositions relèvent de la " supercherie ". Israël se propose notamment d'autoriser des constructions à Jérusalem-Est (cf. à cet égard Jérusalem-Est : la mairie approuve un plan de logements pour des colons ), de confier la sécurité de plusieurs villes de Cisjordanie à l'Autorité palestinienne (cf. Nétanyahou réitère le caractère impératif des arrangements sécuritaires avec les Palestiniens), de régulariser la situation de 5000 Palestiniens originaires de Gaza vivant en Cisjordanie, et de permettre l'exploitation de gisements de gaz naturel au large de Gaza.
Ces mesures sont, à ce stade, imprécises et aléatoires. Pour les Palestiniens, elles relèvent de gestes dérisoires au regard de l'enjeu que constitue l'arrêt de la colonisation. Elles vont dans le sens de la stratégie de " paix économique " de M. Nétanyahou, laquelle, dans les faits, se substitue aux avancées politiques nécessaires pour réaliser l'objectif des deux Etats (cf. à cet égard Quartette: l'Autorité palestinienne rejette le "paquet" économique israélien (Le Monde.fr) ). Mais elles ne sont pas contradictoires avec l'action concrète que mène Salam Fayyad, le Premier ministre palestinien, en Cisjordanie.
" Mahmoud Abbas [président de l'Autorité palestinienne] et Salam Fayyad sont devenus les gardiens de la prison dans laquelle l'occupation israélienne enferme les Palestiniens " assure Mahdi Abdul Hadi, directeur de Passia, un centre de recherche palestinien. Le contexte régional ne leur est pas favorable et l'absence de soutien politique du Quartet les conforte dans une stratégie consistant à court-circuiter le processus de paix.
Le premier stade est d'obtenir du Conseil de sécurité de l'ONU le vote d'une résolution condamnant la colonisation israélienne. Parallèlement, il s'agit détendre le nombre des pays qui ont reconnu officiellement l'Etat palestinien. Cette offensive diplomatique tient de la fuite en avant, mais résume M. Abdul Hadi : " Si les négociations ne mènent nulle part, et que la violence n'est pas une option, que reste-t-il ? "
Voir également à cet égard :
* L'Occident amené à repenser son lien avec le monde arabe ;
* Engaging Hamas : rethinking the Quartet Principles, by Carolin Goerzig ;
* Les Etats-Unis déçoivent les espoirs des Palestiniens
* Les Palestiniens pourraient renoncer à leur Etat, dit Erekat (Reuters)
* Israéliens, Palestiniens, il faut bouger !
* Palestine : Le peuple réduit au silence, par Amira Hass (Ha'Aretz - extraits-)
* Les Egyptiens demandent qu'on ne leur 'vole' pas leur révolution !