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Publié par Patrice Cardot

En quelques semaines, le monde s'est trouvé placé devant une réalité dramatique : les risques écologiques et technologiques peuvent se combiner pour produire à la fois l'inimaginable et l'irréparable !

Il y a quelques mois, le Japon a subi en quelques jours la combinaison catastrophique de plusieurs occurrences majeures de trois natures de risques globaux : le risque sismique, le risque tsunamique et le risque nucléaire, lesquels ont été ensuite la source du déclenchement de nouvelles occurrences d'autres natures de risques : le risque sanitaire, le risque alimentaire, etc.

Comme le souligne Denis Kessler, Président de la Fédération française des sociétés d'assurances, dans une intervention consacrée au sociologue allemand Ulrich Beck, auteur en 1986 de La Société du risque, la société moderne est devenue d'abord la société du risque.

C'est à cette période où la notion de risque a vraiment été prise au sérieux par la sociologie, la sociologie politique.

 " La sociologie du risque s'est développée grâce à l'économie du risque. Depuis la fameuse théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, la question du risque a fait l'objet de très importants travaux d'économistes, ceux d'Arrow, de Stiglitz et Rothschild, etc. On a assisté à la naissance de toute une économie du risque, d'une théorie de la décision en incertitude, d'une théorie des comportements face à l'incertain - et d'une théorie des marchés d'assurance. Il s'agit d'une théorie extrêmement importante, foisonnante, parce qu'elle est apparue comme un schéma d'explication générale des comportements des individus. Une science des comportements, qui serait vraiment scientifique, parce qu'axiomatisée. On a bel et bien vu naître une science du risque et de l'incertain. Et l'on s'est efforcé de vérifier ses résultats sur des observations, d'où une science souvent très formalisée. Pourtant, cette science débouche sur une théorie de l'action, qui ouvre sur toute une politique, une science du gouvernement avec, par exemple, la théorie des incitations. Je tiens d'ailleurs à citer les contributions fondamentales de Jean-Jacques Laffont et de Jean Tirole. Il s'agit de gouverner non pas par la contrainte, mais par une gestion avisée des risques ou, plus exactement, du rapport que les individus entretiennent avec le risque.

Quittons la science économique. On pourrait dire que, avec Ulrich Beck, la théorie du risque entre en sociologie, devient une catégorie qui peut prétendre révolutionner la sociologie, comme elle a révolutionné l'économie quarante ans auparavant. Disons d'emblée que la notion de risque est plus floue – par nature – en sociologie qu'elle ne l'est en économie. Autre différence entre économistes et sociologues : en économie, le processus de connaissance est souvent cumulatif, au sein d'un même paradigme. En sociologie, il faut bien constater que la prise en compte du risque donne lieu à deux thèses qui peuvent paraître contradictoires, tout au moins de prime abord. François Ewald décrit la naissance d'une « société assurancielle » – sous la forme de l'État-providence –, quand Ulrich Beck, au nom de la société du risque, annonce plutôt sa fin, son dépassement. C'est un peu le paradoxe pour les assureurs, la société du risque, si l'on croit la thèse d'Ulrich Beck, conduisant à terme à la marginalisation de l'assurance dans la gestion des risques.

Ulrich Beck illustre sa vision des risques par les menaces globales, écologiques, les catastrophes nucléaires, climatiques, la « vache folle », les OGM... La « société du risque », c'est un peu la théorie du principe de précaution, du Vorsorgeprinzip, une notion qui vient d'Allemagne. On a beaucoup dit en France que le philosophe du principe de précaution était Hans Jonas, avec son principe responsabilité. Cela n'est pas si sûr. C'est chez Ulrich Beck que l'on trouve la sociologie politique du principe de précaution, une description du contexte dudit principe, de ses conditions de possibilité."

L'incapacité à apporter des anticipations et des réponses appropriées aux effets systémiques des défis multiples auxquels le monde entier est désormais confronté condamne sans appel les différentes instances multilatérales de régulation à une réforme en profondeur.
Pour autant, leur surdité aux signaux multiples, faibles et moins faibles, qui les avertissaient depuis plusieurs années des dérives et des manquements des politiques qu'elles ont déployées tous azimuts fortes des certitudes établies à l'aune de leurs modèles économiques, économétriques et statistiques des plus approximatifs, comme le modus operandi de leur système de gouvernance et les aléas et sources de blocages que présuppose par nature le choix d'un modèle intergouvernemental rigide, ne sauraient exonérer de leurs responsabilités, voire même parfois, de leur culpabilité, ni les différents agents monétaires, économiques et financiers concernés, ni les autorités politiques nationales dans la montée aussi rapide que brutale des tensions et des chocs qui paralysent les dynamiques de production et d'échanges si indispensables à la prospérité économique, à la justice sociale et au développement, et mettent en péril la stabilité stratégique et la sécurité internationale.
Car en prenant le parti d'un recours à des conflits régionaux motivés par des objectifs qui s'avèrent relativement dérisoires en regard des effets bien plus dramatiques et structurels des défis planétaires auxquels la collectivité internationale doit apporter des réponses urgentes (lutter contre le terrorisme et/ou contre la prolifération des armes de destruction massive, en sacrifiant au passage des centaines de milliers de victimes), ainsi qu'à des partenariats stratégiques présentés ici ou là comme constitutifs du cadre de nouveaux modes de régulation multilatérale, plus globaux, ils plongent le monde, de facto, dans une fuite en avant profondément préjuciable aux objectifs qu'ils affirment servir en occultant les obstacles à de tels paris qu'oppose la robustesse du système international à l'oeuvre, ne serait-ce qu'eu égard au caractère irréversible des interdépendances planétaires (notamment sur les registres monétaires, financiers et commerciaux) qui constituent aujourd'hui les ressorts les plus essentiels des dynamiques de croissance économique (tant au niveau national qu'aux niveaux régional et international) et des systèmes de garanties qui y sont attachés.

Comment le monde parviendra-t-il à ne pas réitérer sans cesse les erreurs et les autes du passé sans qu'une pensée et une action politique renouvelées émergent au niveau international ?
Les instances 'paritaires' d'envergure mondiale telles que la Commission Trilatérale (http://www.trilateral.org/), le Forum économique mondial de Davos (http://www.weforum.org/en/index.htm), le Forum social mondial de Porto-Allègre, le Groupe de Bilderberg (cf. à leur égard l'article intitulé Controlling the Global Economy: Bilderberg, the Trilateral Commission and the Federal Reserve / Global Power and Global Government : Part 3, by Andrew Gavin Marshall ) ou encore les différents fora qui se sont constitués autour des différents objectifs du cycle de Doha,
 sont convoquées par l'Histoire plus encore qu'elles ne l'ont jamais été, pour dégager, dans leur sagesse, les analyses qui permettront d'esquisser les voies nouvelles dont pourront débattre ensuite au sein des instances formelles de régulation multilatérale les autorités compétentes démocratiquement élues. Dans une moindre mesure, tel est également le cas du 'groupe des sages' mandaté par le Conseil européen en décembre 2007 pour réfléchir à l'avenir de l'Europe à l'horizon 2020-2030.
Contrairement à ce que pensent les opposants les plus farouches à tout projet de gouvernance mondiale, ce n'est ni comploter ni conspirer que de recourir à des fora d'échanges internationaux afin de rechercher les voies que l'ensemble des dirigeants politiques, économiques et financiers de la planète Terre doivent emprunter pour gouverner avec sagesse 7 milliards d'individus.
Vouloir agir de manière collective au service d'une vision partagée de l'avenir du monde n'est-il pas le seul remède aux souffrances que connaissent les peuples et les individus les plus fragiles en même temps que la seule voie de salut pour les idéaux universels que font vaciller tant de chocs et de tensions dont les effets annonciateurs n'ont pas mobilisé l'intelligence coillective autant que la situation internationale l'exigeait !
Un tel constat ne doit en rien occulter la nécessité de revisiter les fondamentaux idéologiques qui ont jusqu'ici animé ces différents cercles (cf. à cet égard certains discours du Président Sarkozy, notamment les suivants : Discours de Nicolas Sarkozy lors de la Conférence internationale de présentation des conclusions du rapport de la Commission de mesure de la performance économique et du progrès social  ainsi que Discours du Président N. Sarkozy lors de la 98ème session de la Conférence Internationale du Travail (Genève, 15 Juin 2009) ) !
Il y va de la paix, de la prospérité, de la sécurité internationale et de la stabilité stratégique.
Les travaux que la Commission Trilatérale a consacrés en 2008 au dossier iranien (Engaging Iran and Building Peace in the Persian Gulf Region) sont particulièrement rassurants à cet égard.
Ceux que le Groupe de Bilderberg a consacrés à la refondation de l'économie politique globale mondiale (cf. l'article intitulé The Bilderberg Plan for 2009 : Remaking the Global Political Economy, by Andrew Gavin Marshall ) le sont tout autant.
Quant à ceux du G20, pour utiles qu'ils soient, il est encore trop tôt pour en apprécier et la portée réelle et l'efficacité sur le système financier international à long terme.

.../...

Cet article est suivi d'un second relatif à l'Union européenne : Pour faire face aux risques globaux majeurs, l'Union européenne doit poursuivre ses réformes doctrinales et institutionnelles ! - seconde partie -

 



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