Projeter la stabilité et propager la sécurité : deux éléments clé de la doctrine européenne qui font de plus en plus débat !
Depuis que l'Union européenne s'est dotée d'un pilier politique externe, au début des années 90, 'projeter la stabilité' et 'propager la sécurité' constituent deux éléments clé de la doctrine européenne qui figurent au coeur même de sa politique étrangère, et notamment de sa politique de voisinage. Des éléments de doctrine qui font de plus en plus débat au moment où la colère populaire menace la stabilité des régimes 'stables' et 'sûrs' du voisinage de l'UE.
Lorsque 'projeter la stabilité' consiste d'abord à maintenir un statu quo politique quelque soit la nature du régime politique en place, au nom de la "real politik", et ensuite à la conforter en lui offrant l'accès à des garanties de sécurité, des mesures de confiance et des mesures de réassurance supplémentaires pour que rien ne vienne perturber le difficile équilibre conjoncturel des relations internationales, et surtout les bénéficices qu'on en tire ou qu'on pense pouvoir en tirer, on peut s'attendre, lorsque cet équilibre est mis à mal par la seule volonté de peuples oppressés, à l'ouverture d'un vaste débat intellectuel et démocratique sur le bien-fondé de l'inscription de tels éléments dans le corps de doctrine d'une entité politique européenne qui se pense et se veut pourtant à ce point exemplaire sur l'échiquier international qu'elle va même jusqu'à revendiquer le droit à agir non seulement au service du droit international mais en son nom !
Il ne s'agit pas ici de remettre en cause la pertinence de tels éléments de doctrine, en soi, mais leur pertinence en regard de la manière où, dans les faits, la projection de la stabilité et de la sécurité à l'oeuvre aujourd'hui participe à renforcer des régimes et des dynamiques transnationales qui sont en totale contradiction avec les principes et les valeurs qui fondent l'Union elle-même !
Il suffit de prendre connaissance de la manière dont l'UE assure la promotion de son modèle de sécurité sur le continent africain, et notamment au Maghreb, pour comprendre les difficultés qui pèsent sur sa capacité à être réellement digne, dans l'action, de l'image idéelle qu'elle dégage partout où les peuples attendent d'elle qu'elle les aide à gagner les droits et les libertés qu'elle garantit à ses propres citoyens en même temps qu'elle les promet au reste du monde (cf. à cet égard les articles suivants : La propagation de la sécurité : l’Europe et la schengenisation de la Politique de voisinage, par Ruben Zaïoti (Revue Cultures & Conflits) ; De la sécurité durable au Maghreb : un autre regard ! - première partie - (nouvelle édition) ainsi que De la sécurité durable au Maghreb : un autre regard ! - seconde partie - (nouvelle édition) )
Ce n'est naturellement pas en faisant appel à des personnalités liées à des intérêts douteux de ce point de vue que l'Union sortira de cette contradiction .... Le retour très médiatique à Haïti du dictateur sanguinaire Duvallier, exilé en France, est à cet égard des plus malheureusement éloquent !
L'heure est vraiment venue de (re)penser ces éléments de doctrine, avec responsabilité et en ne refusant pas de les confronter démocratiquement à l'intelligence collective des nations et des peuples constitutifs de l'Union ! (cf. Les politiques étrangère et de sécurité de l'UE n'en sont qu'à leurs balbutiements. Il faut encore en définir les lignes directrices - nouvelle édition -)