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Publié par De La Boisserie

« Il fut un temps où l’on n’osait pas prononcer le mot « D » en Europe », a dit Philippe Busquin, commissaire européen à la Recherche, en 2003, en faisant référence au mot « défense ». Les temps ont bien changé. Peut-on dire que l’AED [NDLR : l'Agence européenne de défense] enrichit la « défense » en Europe ?


Depuis lors, et en peu de temps, l’empreinte de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) n’a cessé de s’étendre, notamment par le lancement de plus de 20 opérations à travers quatre continents différents. L’agence européenne de défense (AED), qui a contribué à cet effort visant à assurer la paix et la sécurité en apportant son soutien aux États membres par l’amélioration de leurs capacités, est devenue  le creuset d’une Europe plus capable.


L’AED est l’une des plus jeunes agences européennes. Mais partir de zéro signifie aussi être en mesure de travailler sur la base d’une nouvelle approche, conçue pour les besoins militaires de demain, et qui peut fournir des solutions différentes et souvent innovantes. Je crois fermement que les États membres ont à leur disposition une agence unique, qui a déjà commencé à produire les premiers résultats. L’AED a été chargée par ses États membres participants de lancer des projets importants concernant la disponibilité des hélicoptères, la flotte européenne de transport aérien ou l’insertion des drones dans l’espace aérien, pour n’en citer que quelques-uns. L’AED apporte ainsi la preuve qu’elle est le lieu idéal pour la coopération européenne de défense. Mais le succès initial n’est pas une garantie de succès durable. Quels sont nos facteurs décisifs ?


Je commencerai par la configuration unique de l’agence : l’AED rassemble les quatre communautés de la chaîne, des planificateurs aux chercheurs, des développeurs de programmes à la production, c’est-à-dire l’industrie. La nouveauté de l’agence réside dans sa manière intégrée de travailler, pas seulement au sein de l’AED, mais aussi dans les États membres participants. Ce changement de paradigme dans la façon de travailler modifie en profondeur le développement des capacités en Europe, en réunissant tous les acteurs importants dès le début du processus. Nous devons nous tenir à cette approche. Sans elle, nous retournerions aux approches trop étroites du passé, qui se sont souvent soldées  par des retards pour les programmes coopératifs et par une augmentation des coûts.


L’implication directe des États membres est cruciale. Ils investissent dans leurs capacités - l’agence est l’instrument pour les réunir et lancer des projets avec les autres. De plus en plus, il y a une conscience commune et plus de volonté - et « penser européen » est un facteur décisif de succès. L’agence est le lieu où faire se rencontrer les intérêts, connecter les priorités et concilier les opportunités, en se fondant, bien sûr, sur notre cadre stratégique (le plan de développement des capacités, la stratégie européenne de recherche et technologie de défense, la coopération européenne en matière d’armement et la base industrielle et technologique de défense européenne), avec le soutien de technologies de l’information avancées (comme le bulletin électronique et les portails concernant les offsets ou l’externalisation du soutien logistique).


La capacité de générer des solutions pour combler les lacunes capacitaires et une production à haute valeur ajoutée pour un investissement relativement modéré est une des caractéristiques principales de l’AED. Les programmes d’investissement conjoint en R&T de défense en sont des exemples. En mettant quelques millions, voire même moins dans le pot commun, les pays contributeurs peuvent obtenir un retour - le résultat des projets de recherche - cinq à vingt fois plus grand. Un autre point important est la capacité d’établir des synergies non seulement parmi les actionnaires (les États membres participant à l’AED), mais aussi avec d’autres acteurs intéressés, suivant le principe de complémentarité et de non duplication. Je pense plus particulièrement à l’OTAN. Les activités et les projets concernant les hélicoptères font ainsi l’objet d’une bonne coordination. De même avec l’agence spatiale européenne et la Commission européenne, nous avons établi des contacts quotidiens pour assurer la synchronisation de l’investissement dans la sécurité civile et le secteur de la défense.


On m’interroge souvent sur la crise financière actuelle et son impact sur les budgets de défense. Bien sûr, les États membres sont dans une situation très difficile avec des contraintes financières et des coupures budgétaires. Mais ceci ne devrait pas être une raison de réduire la coopération internationale. C’est au contraire un incitant à développer la coopération de défense en Europe, afin de dépenser de façon optimale le peu d’argent disponible et d’accroître la standardisation et l’interopérabilité, qui font si cruellement défaut aux forces armées européennes. Aussi, la coopération européenne au travers de l’AED fait-elle partie de la solution : l’agence permet aux États membres d’économiser et d’optimaliser leurs investissements. La navigabilité en est un bon exemple. En développant des normes de navigabilité et des règles de certification communes européennes, nous pouvons économiser des milliards. Aussi, je vois la crise financière comme une opportunité pour plus d’efficacité par la collaboration et la réduction des coûts pour des budgets exsangues.

           
Je dois reconnaître qu’au cours des cinq années écoulées, on aurait pu faire les choses différemment - mais je doute que nous eussions pu faire mieux. Les premiers résultats permettent de grands espoirs pour l’avenir. Dans les prochaines années, l’AED va se concentrer sur la consolidation des projets en cours, le développement de mécanismes innovants de coopération et le lancement de nouvelles initiatives portant sur le renforcement des capacités des États membres participants. Je suis confiant que l’agence continuera à démontrer qu’une amélioration cohérente des capacités est un facteur déterminant pour le succès de la PESD.

Alexander Weiss est l'actuel Directeur exécutif de l’AED.

Nb : Cet article a été publié sous la forme d'une carte blanche dans l'édition d'EUROPE DIPLOMATIE et DEFENSE (EDD) n° 255 en date du 24 septembre 2009. Il vient à l'appui d'un interview exclusif  d'Alexander Weiss par l'Agence Europe qui a donné lieu à une publication dans la rubrique EUROPE Documents de l'édition n° 255 du Bulletin Quotidien Europe (BQE) en date du 22 septembre 2009.

Pour en savoir plus sur l'Agence européenne de défense, le lecteur pourra également se reporter :

 * à l'action commune 2004/551/PESC du Conseil du 12 juillet 2004 concernant la création de l'Agence européenne de défense : action_commune_agence_defense.pdf action_commune_agence_defense.pdf 

 * à la décision 2007/643/PESC du Conseil  du 18 septembre 2007 concernant le règlement financier de l'Agence européenne de défense, les règles de passation de marchés et les règles relatives aux contributions financières provenant du budget opérationnel de l'Agence européenne de défense : AED-reglement_financier.pdf AED-reglement_financier.pdf 

 * à l'excellent article d'Hélène Masson (Fondation pour la Recherche Stratégique - FRS) relatif à cette agence : http://www.frstrategie.org/barreCompetences/DEFind/AED.pdf

 * à l'action commune 2008/299/PESC du Conseil du 7 avril 2008 modifiant l'action commune 2004/551/PESC concernant la création de l'Agence européenne de défense : Modification_action_commune_AED.pdf Modification_action_commune_AED.pdf


 * ainsi qu'à l'article de ce blog intitulé : Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) : L'Agence européenne de défense (AED) & la Politique européenne des capacités et de l'armement (PECA)

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