Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la méthode (1)
NB : cet article (en deux parties) fait suite à l'article en deux parties intitulé : Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la nécessité et de l'urgence (1) ainsi que Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la nécessité et de l'urgence (2)
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Pour agir comme « acteur global », l’Union européenne n’a pas d’autre choix que d’établir une « european comprehensive and smart strategy » qui ne mettrait la barre ni trop haut (comme elle l'a fait sur le registre de la lutte contre le réchauffement climatique, où ses efforts et son anticipation sont restés relativement vains lors de la conférence de Copenhague), ni trop bas (comme on le déplore sur le registre des affaires étrangères, par exemple), mais « au juste niveau ». Et en imaginant une sécurité « solidaire » que seule une Europe « stratège » peut concevoir et faire vivre au travers de ses différentes politiques les Européens montreraient à leurs partenaires internationaux le chemin vers une autre conception de la sécurité collective et/ou de la sécurité coopérative ; lesquelles ne peuvent plus se réduire aux schémas qui ont dominé la seconde moitié du XXème siècle et les dix premières années du XXIème siècle où le militaire a toujours été convoqué pour conclure toujours soit par la guerre, dans le pire des cas - et avec quel succès ?! -, soit par la coercition armée les processus diplomatiques dédiés aux réglements pacifiques des différends que ni les organisations internationales ou multilatérales et ni la dissuasion nucléaire n’avaient permis d’éviter.
Le processus engagé dans le cadre de l'OSCE offre à cet égard un cadre stratégique de référence car il est régi par des principes et des objectifs mieux à même d'embrasser une conception globale et indivisible de la sécurité (cf. notamment à cet égard La boîte à outils de l’OSCE offre la possibilité d’innover, par Marc Perrin de Brichambaut) ainsi que Consensus des 27 - au COPS - sur un débat sur la sécurité européenne à l'OSCE ; NB : Ce qui ne signifie pas pour autant que l'OSCE soit appelée à devenir le cadre institutionnel support de la politique de sécurité de l'Union.) Sans oublier toutefois d'y intégrer, sinon dans la lettre, tout au moins dans l'esprit et la méthode, les éléments d'analyse proposés par le Global Risk Network ainsi que ceux proposés dans deux articles de ce blog intitulés Essai de caractérisation conceptuelle et fonctionnelle de tout système de sécurité - nouvelle édition - et Mettre la sécurité au service du développement en la repensant de manière systémique (nouvelle édition).
Ainsi l’administration Obama trouverait en cette Union européenne qui ne se résoudrait pas - enfin ! - à n’être qu’une " puissance normative molle " le partenaire – pour le coup, « stratégique » - qui lui est indispensable à la fois pour réussir les réformes doctrinales internes sans lesquelles sa voix, son statut, sa crédibilité, son efficacité sur la scène internationale connaîtront des soubresauts dont nul ne pourra se satisfaire, et pour accompagner à sa place le mouvement de réforme du système de régulation internationale.
La Russie y trouverait alors une motivation supplémentaire pour s’engager plus avant dans ses réformes doctrinales et structurelles dans le sens - et dans l’esprit – de ce qu’esquisse l’initiative du président Medvedev à l’égard de la sécurité européenne.
La Chine, l’Inde, le Brésil, le Japon, l’Iran, la Turquie, Israël, etc. pourraient dès lors entreprendre des réformes de doctrines et de structures (en remettant les stratèges militaires à leur juste place dans l’élaboration de leur propre stratégie de sécurité) qu’exige la modification en profondeur de la nature et de la portée des risques et des menaces stratégiques qui ne peuvent trouver de réponses efficaces dans leurs seules politiques de souveraineté.
L'Afrique, et notamment l'Union africaine, y trouverait une preuve supplémentaire de la sincérité de l'Union lorsqu'elle affirme vouloir mettre en oeuvre une nouvelle approche à son égard (cf. l'étude de Charles Goerens publié sous l'intitulé Sécurité et développement de l’Afrique : une nouvelle approche pour l’UE).
Pensée et organisée alors pour agir en Union « stratège », l’Union européenne n’éprouvera pas les mêmes difficultés que celles qu’elle connaît aujourd’hui pour élaborer, articuler, promouvoir et négocier son « offre européenne » au sein des processus internationaux et multilatéraux qui oeuvrent à la construction des réponses globales à l'exigence de paix, de sécurité, de stabilité, de prospérité et de développement.
Autres atouts attendus
En consacrant dans une stratégie de sécurité profondément revisitée une place prépondérante à sa propre vision des risques et menaces globaux autant qu’à sa doctrine pour agir en acteur global au service de cette vision, l’Union européenne lèverait en responsabilité les ambiguïtés « non spontanément constructives » quant à ses intentions et/ou ambitions en matière de sécurité et de défense (au sens de la politique de sécurité et de défense commune).
Elle pourrait dès lors donner un mandat précis à son service d'action extérieure (UE : un service européen d'action extérieure au service de quelles stratégies et de quelles politiques ?) comme aux différentes formations du Conseil ainsi qu'aux directions générales de la Commission et ainsi leur permettre d'agir en connaissance de cause sans sacrifier tel ou tel aspect important de la stratégie de sécurité.
Elle pourrait entreprendre l’établissement de la coopération permanente structurée – CSP - sans être suspectée de vouloir devenir ni un rival, ni un fardeau, ni une menace pour ses principaux partenaires stratégiques ; une CSP qui lui est absolument indispensable pour permettre à ses Etats membres, et notamment à ceux qui sont également membres de l’OTAN, d’entreprendre les réformes de structures et de doctrines, y compris par la voie de la spécialisation et de la mutualisation, qui sont nécessaires à la fois à l’offre globale de l’UE et à l’offre collective de l’OTAN en matière « de sécurité et de défense ».
Ce recentrage sur l’essentiel de la stratégie de sécurité de l’Union permettrait également de repositionner les ambitions de l’Union à l’égard du mandat assigné à l’OSCE en matière de sécurité tout en consolidant sa posture au sein du processus de Corfou.
Mais comment parviendra-t-on à faire bouger les lignes au sein de l’Union alors que le registre de la sécurité semble « confisqué » par des acteurs dont on peut craindre qu'ils n’entendront pas, pour de bonnes ou de moins bonnes raisons, se faire déposséder de leur pouvoir de contrôle en pareille matière ?
La réponse réside naturellement dans l’affirmation d’une forte volonté politique au plus haut niveau de l'Union et des Etats membres.
Elle réside également dans un bon usage de la nouvelle logique politique et institutionnelle du Traité de Lisbonne. Car, malgré la complexité et les ambiguïtés de ses dispositions, le Traité de Lisbonne offre incontestablement à ses Etats membres comme à ses institutions les innovations nécessaires quand bien même il ne fait aucunement référence à la stratégie européenne de sécurité ; ce qui ne manque pas d’intriguer !
Il appartient aux Européens de s’en saisir pour en tirer les dividendes attendus lors de sa négociation.
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Pour la seconde partie de cet article : Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la méthode (2)