Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la nécessité et de l'urgence (2)
Pour la première partie de cet article, voir Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la nécessité et de l'urgence (1)
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A la priorité d'une relation transatlantique omniprésente s'est peu à peu substituée la nécessité d'une stratégie à la mesure de la mondialisation.
Pourquoi l'Union laisserait-elle insatisfait - en partie (car elle agit déjà sur plusieurs registres de risques globaux comme le
montre la série d'articles qui débute par Où en est l'Union européenne face aux défis
globaux ? - première partie -) - le besoin aussi pressant qu'irréductible de réponses européennes cohérentes, articulées, efficaces et efficientes aux défis
globaux qui doivent pourtant être pris en compte à la fois :
- dans la définition du contenu stratégique des politiques de souveraineté que les Etats membres ont souhaité confier à l'Union, ou tout au moins partager avec elle pour construire les
biens publics européens qui leur sont indispensables dans les champs sécuritaire et stratégique, d'une part,
- et, d'autre part, dans le contenu des autres politiques de l'Union qui concourent à renforcer l'offre européenne dans les processus et enceintes multilatérales et/ou
internationales qui ont vocation à construire les garanties et les régulations collectives ou coopératives requises à l'échelle internationale ?
Un besoin qui a un contenu multidimensionnel : à la fois géostratégique, géopolitique, économique, écologique, technologique, sociétal et humain, ne l'oublions pas (cf. les grandes
familles de risques globaux identifiées par le Global Risk Network évoqué plus haut) !
Plus que jamais depuis qu'elle a été portée sur les fonds baptismaux, l'Union européenne doit se constituer non seulement en puissance
normative au service de la Paix, de l'environnement et du développement durable, cette "puissance modèle" que David Miliband a appelé de ses voeux alors qu'eil était en charge des affaires
étrangères dans le gouvernement de Gordon Brown (cf. Le Monde en date du 9 décembre 2007) , mais également en puissance stratégique autonome !
Le chemin qui reste à parcourir est gigantesque !
Et ce ne sera ni sur le système des Nations Unies, ni sur le G8 et autre G20, ni sur l'Alliance atlantique, sur le nouveau concept stratégique de l'OTAN et, plus globalement, sur
le partenariat stratégique transatlantique en cours d'approfondissement qu'il faudra compter pour garantir aux Européens la protection qu'ils attendent contre la trentaine de risques
globaux qui les menacent aussi au-delà de ceux identifiés par la stratégie européenne de sécurité et vis-à-vis desquels les stratèges européens - et nationaux - restent (étrangement)
silencieux ... sauf quand le feu est déjà dans la maison !
Alors que l'anticipation, la connaissance, l'alerte précoce, la prévention sont dévenus des leitmotiv, dans les faits et actes, nous en sommes encore très loin en Europe (cf. ce qui s'est
passé s'agissant du risque systémique financier ou des attaques contre l'euro) !
Les Européens ont le droit d'exiger de
l'Union qu'elle se mette en capacité d'anticiper et de connaître, de prévenir, de protéger, de dissuader, et d'intervenir de manière cohérente et au niveau d'efficacité attendu
!
Comme ils ont le droit d'exiger le retrait des forces nucléaires américaines de leur territoire, alors que le partenaire américain s'aventure à faire peser sur eux une menace inacceptable, en
entreprenant des opérations militaires hasardeuses sur le territoire d'une puissance nucléaire dont l'évolution interne laisse craindre le pire : le Pakistan ! En matière nucléaire comme dans
d'autres domaines tout aussi stratégique, il n'y a aucune place aux improvisations et aux calculs erronés !
Notons au passage qu'un tel retrait vient d'être officiellement demandé au secrétaire général de l'Otan par la voie des
ministres des affaires étrangères de la Belgique, de l'Allemagne, des Pays-Bas, du Luxembourg et de la Norvège !
Sur ce sujet là comme pour tant d'autres, le silence de la stratégie européenne de sécurité est non seulement étrange, il est suspect ! Il est urgent
d'y mettre un terme ! Tout simplement parce que si rien ne se passe très vite pour y remédier, cette situation impactera indubitablement la crédibilité et l'efficacité de
l'Union politique dans un monde sans complaisance qui s'accommodera très vite d'une Union affaiblie à force de ne pas vouloir être forte (cf. à cet égard L'Union européenne est-elle encore une puissance normative crédible
? ) ! Pour le meilleur et pour le pire !
L'Union européenne a besoin de disposer d'une vision à la fois prospective, politique et stratégique de ce que doit
être la politique étrangère de l'Union, d'une part, et la politique de sécurité de l'Union, d'autre part.
Nous avons bien compris que la stratégie européenne de sécurité n'aura pas avant longtemps un contenu stratégique et militaire à la hauteur des
ambitions légitimes de ceux qui appellent à une Union stratégique (cf. par exemple
Les militaires européens souhaitent-ils vraiment une politique de sécurité et de défense commune européenne qui ne se limiterait pas à un 'simple' pilier européen de
l'OTAN ? ; Les 7
péchés capitaux de la PESC ! ; European Foreign
Policy Scorecard 2012 (European Council on Foreign Relations) ou encore
La dimension stratégique de l'Union politique exige des ruptures profondes ! ).
Mais pourquoi attendre plus longtemps pour progresser sur ces registres.
Notamment au moyen d'un " Livre blanc permettant de générer un débat public de nature à
renforcer la visibilité de la PSDC et la coopération en matière de sécurité et de défense par une meilleure définition des intérêts de sécurité et de défense de l'Union, et en conséquence à
rendre plus efficace et plus concrète la mise en oeuvre de la SES ainsi que la planification et la conduite des opérations de gestion de crise de l'Union. " (cf. Arnaud Danjean, président de
la sous-commission " Défense et Sécurité " du Parlement européen, rapporteur du projet de rapport de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen sur la " mise en
oeuvre de la stratégie européenne de sécurité et la politique de sécurité et de défense commune " en date du 8 décembre 2009 - 2009/2198(INI)).
Simultanément, rien n'interdit de clarifier les buts, voies et moyens par lesquels l'Union entend agir sur l'ensemble des
autres registres stratégiques au contenu politico-militaire beaucoup moins marqué ! Au contraire !
Un processus de révision doit être engagé, dans les formes appropriées pour que les nations puissent s'approprier les éléments du débat, décider en responsabilité et en conscience des voies que
l'Union doit emprunter sur les registres stratégique et de la sécurité, et souscrire aux grandes orientations stratégiques décidées collectivement.
Mais ce ne sera possible qu'en changeant de processus pour l'établissement des termes de cette stratégie revisitée.
Des signaux encourageants apparaissent !
A commencer par celui que vient d'adresser devant la commission 'Développement' du Parlement européen,
Catherine Ashton lorsqu'elle affirme : " si l'on se place dans la perspective de la stratégie commune cohérente de l'après-Lisbonne, les choses sont très claires: il faut associer de manière
harmonieuse le développement, la sécurité et la politique étrangère, car la sécurité des personnes ne dépend pas uniquement de considérations politiques et ne consiste pas simplement à garantir
qu'il n'y ait plus de conflit; elle nécessite aussi de faire en sorte que la population connaisse la sécurité alimentaire, soit à l'abri des effets du changement climatique et puisse vivre dans
une société offrant des systèmes de protection, et elle dépend également de la capacité des gouvernements à aider leurs citoyens.
C'est dans cette optique que, lors de la définition de nos stratégies, en ce qui concerne le Sahel par exemple, nous avons essayé de tenir compte de tous ces aspects, en discutant avec les
ministres des affaires étrangères de tous les pays concernés. En parlant avec différents groupes de ces sociétés pour construire une stratégie globale en vue de garantir la sécurité. Et la
sécurité signifie être à l'abri de la famine, être protégés de ceux qui cherchent à enlever de jeunes hommes pour en faire des terroristes, soutenir les villages, les petites communautés, qui
doivent avoir le sentiment que leur gouvernement fait un effort pour leur montrer qu'il se soucie d'elles. Les actions envisageables pourraient consister, par exemple, à créer des dispensaires
mobiles, auxquels de nombreux pays du Sahel aimeraient apporter leur soutien, permettre aux forces de police de mener des opérations pour assurer la sécurité des citoyens, faire en sorte que
l'aide alimentaire parvienne à la population, concevoir des programmes pour l'emploi, soutenir la croissance économique et le développement et aider la société civile à se développer afin de
venir en aide à toutes ces communautés dans le domaine des droits de l'homme et de leur donner les moyens de réfléchir au type de gouvernement et de gouvernance auxquels elles aspirent.
"
A suivre !