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Publié par Patrice Cardot

Les Islandais ont dit massivement " non " samedi par référendum au plan de remboursement à la Grande-Bretagne et aux Pays-Bas des 3,5 milliards d'euros de dettes de la banque Icesave (cf. Les Islandais ont massivement dit "non" au plan Icesave (Reuters)).

Les faits
C'est la garantie publique apportée par l'Etat islandais à la suite la faillite d'une banque privée qui est à l'origine de cette situation complexe !
Ensuite, c'est la dénonciation démocratique par la voie référendaire, à la suite d'un vote parlementaire en sa faveur, de l'accord conclu entre le gouvernement islandais et les gouvernemens britaniques et hollandais pour exercer cette garantie au profit des clients britanniques et hollandais de cette banque privée qui confère une dimension politique au contentieux né de la demande de remboursements par les clients spoliés.
Le référendum a donné aussi l'occasion aux Islandais, qui ont perdu 30% de leurs revenus depuis 2007, d'exprimer leur colère à l'égard des banques et de la classe politique de Reykjavik qu'ils jugent responsables de la situation.
Les dettes de l'Islande représentent plus de 15.000 dollars (environ 11.000 euros) par personne, pour une population de 320.000 habitants. Ce chiffre est à comparer aux 30 000 euros par personne en France, pour une population de 65 millions d'habitants.
Amsterdam et Londres ont déjà fait des propositions qui offriraient des conditions de remboursement plus avantageuses, raison de plus pour les électeurs islandais de rejeter le plan élaboré par leur gouvernement à la fin de l'année dernière.

L'affaire Icesave a aussi réalimenté le sentiment anti-européen dans le pays alors que Bruxelles avait invité Reykjavik à ouvrir des négociations d'adhésion à l'UE. Plus de la moitié des Islandais sont aujourd'hui opposés à une éventuelle adhésion, près de deux fois plus qu'en 2008.

Quels enseignements peut-on tirer de ce dossier ? Seront-ils réellement tirés ?
* La décision du gouvernement de garantir les dettes contractées par une banque privée sans avoir préalablement évalué le soutien du peuple dans une opération qui les engagent financièrement au moment où leurs revenus s'effritent relève de l'irresponsabilité politique notoire !
* Le recours à la voie référendaire après un vote parlementaire pose d'abord le problème du vote parlementaire dont le résultat s'est avéré très fortement opposé à celui issu de la volonté du peuple !  C'est la légitimité du Parlement islandais  qui se trouve ainsi mise ouvertement en défaut : quelle confiance peut-on accorder à des représentants parlementaires qui expriment un choix qui ne correspond pas à celui de ceux qu'ils représentent !
Prendre ostensiblement les citoyens et contribuables pour des " vaches à lait " : " çà passe ou çà casse ! " !
Un an après la " révolution des casseroles " qui avait poussé à la démission le Premier ministre conservateur Geir Haarde, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés à Reykjavik aux cris de " Pas d'Icesave. Pas de traîtres au pouvoir. Le pays est innocent " ou " Sauvez plutôt nos maisons ".
* L'appel à la solidarité intergouvernementale pour régler un contentieux financier sans offrir de contrepartie en terme de contrôle démocratique autre que parlementaire des termes contractuels de cette solidarité vient de faire la démonstration de ses limites !

" Nous voulons payer nos dettes, mais nous voulons le faire sans nous mettre en faillite ", a déclaré Steinunn Ragnarsdottir, un pianiste venu voter avec sa fillette de deux ans à la mairie de Reykjavik.

* S'agissant du comportement spécifique du Royaume-Uni dont les errements spéculatifs catastophiques de la City ont largement participé à dégrader la situation financière des banques privées et dont la dévaluation de la monnaie de près de 40 % a participé à renchérir le poids de la dette islandaise à son égard, requérir d'un Etat tiers en grande difficulté qu'il exerce ses obligations de garanties publiques comporte quelquechose de particulièrement nauséabond !
* Enfin, les recommandations prodiguées au gouvernement islandais par la Commission européenne en faveur de l'inscription de l'Islande dans un processus d'adhésion ont été vécues par le peuple islandais comme la manifestation d'une ingérence extérieure d'autant plus inacceptable que le coût politique, économique, monétaire et social pour le peuple islandais d'une telle adhésion n'est pas connu, et que la Commission européenne passe auprès des peuples européens pour une sorte d'agence européenne davantage au service d'une globalisation débridée qu'à celui de la protection résolue des intérêts des citoyens européens dans un monde de plus en plus hostile à ces mêmes intérêts !
De tels évènements constituent autant de ferments à même d'alimenter le terreau de la défiance des peuples à l'égard de leurs gouvernants, et d'une manière générale, des nations par rapport aux Etats !
Cet incident majeur, qui fait suite à un autre incident tout aussi symbolique : l'arrêt de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe à l'égard de la signature par le gouvernement allemand d'un traité international  - en l'occurrence, le Traité de Lisbonne - sans avoir préalablement vérifié sa conformité à la loi fondamentale qui scelle le pacte politique et social entre la nation et l'Etat, révèle une tentation répandue en Europe chez les gouvernants de s'affranchir des limites à leur marge de manoeuvre qui résultent des lois fondamentales et/ou des constitutions nationales !

Il faut y réfléchir et en tirer des enseignements forts pour améliorer le fonctionnement démocratique des Etats européens !






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