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Publié par De La Boisserie

Alors que le président de la République a demandé la mise à jour du "Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale", il est indispensable que les pouvoirs publics définissent enfin la notion de "secteurs stratégiques".

Si les pouvoirs publics s’accordent à vouloir défendre les secteurs stratégiques, ils butent sur le concept même dont ils peinent à donner une définition cohérente. Il faut pour s’en convaincre dresser un inventaire, non exhaustif, des différents concepts qui sous-tendent celui de secteur stratégique. Dans cette liste, il y a bien évidemment les secteurs comme la défense nationale (production et commerce d’armes et d'explosifs), mais aussi ceux touchant à l’ordre public, à la sûreté ou à la sécurité publique.

Il y a par ailleurs la défense des "intérêts nationaux français" qui côtoient les "intérêts fondamentaux de la nation" sans compter les "secteurs économiques porteurs d’intérêts nationaux stratégiques" ou bien encore les "technologies clés" et "métaux stratégiques" du ministère de l’Industrie. À cela s’additionnent les secteurs promus au rang de "pôle de compétitivité", auxquels s’ajoute la dimension croissance et emploi que donne le FSI à ses investissements.

Tout est donc "stratégique", "sensible", voire "vital", à tel point que la puissance publique est tiraillée quant au soutien, à la protection et au financement qu’elle doit accorder à ces secteurs. Cette absence de vision claire, y compris dans la dénomination des choses, a pour effet de diluer l’action publique, d’affaiblir ses capacités de réaction, notamment dans le domaine de la guerre économique où l’État ambitionne de défendre les entreprises stratégiques françaises contre des prises de participation hostiles.

Dans ce contexte, le futur livre blanc pourrait utilement donner des éléments de définition. Peut-être faudrait-il commencer par circonscrire la notion à un aspect souvent peu appréhendé : celui qui permet de maintenir un pays dans la compétition entre les nations.  En effet, un secteur stratégique est par nature celui qui offre un avantage comparatif décisif dans un enjeu qui peut être certes militaire, mais aussi économique. On pourrait citer l’accès à l’espace, mais aussi les technologies d’identification et de cryptologie ou bien encore les techniques d’exploitation des métaux rares.

Retenir une définition limitée, mais plus prospective, des secteurs stratégiques implique certaines conséquences, dont celle de la refonte du dispositif de contrôle des investissements étrangers au titre de l’article L.151-3 du Code monétaire et financier. Alors que la loi définirait dans ses grandes lignes les caractéristiques de ces secteurs protégés, il serait alors renvoyé au décret le soin d’établir leur nombre, et à chaque fois que nécessaire, un arrêté du ministre de l’Économie viendrait décliner la liste des technologies visées.

Outre sa conformité à l’exigence de prévisibilité de la Commission européenne, ce dispositif permettrait une plus grande réactivité des acteurs publics et privés aux évolutions du caractère "stratégique" des technologies. Dès lors, le fabricant de casseroles en céramique, qui voit du jour au lendemain sa technologie de moulage utilisée pour le blindage de certains véhicules terrestres, pourrait bénéficier du label "secteur stratégique", et donc de l’implication de la puissance publique à ses côtés.

Dans un contexte où la France veut continuer d’attirer les investissements étrangers tout en conservant la maîtrise de ses technologies sensibles, la définition du concept de secteur stratégique dans le futur livre blanc pourrait être un élément précieux de clarification des enjeux de sécurité économique.       

Source : http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/societe/autres/221138059/secteurs-strategiques-necessite-definition-futur-livre-bla       

NB : Cet article a été publié une première fois sur ce blog en mars 2012.

Voir également :

 * La stratégie de sécurité nationale : définition et objectifs  

 * Le travail sur l'actualisation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 est lancé

 * La dimension financière des vulnérabilités de la France, par Mario Faure - première partie -

 * La dimension financière des vulnérabilités de la France, par Mario Faure - seconde partie -

 * Contrôle européen des investissements étrangers, un retard inextricable ?, par Pascal Dupeyrat

 * Eléments d'une analyse critique du document préparatoire à l’actualisation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale

 * Penser la stratégie signifie aujourd'hui penser et agir de manière à la fois globale et systémique    


 

 

 

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