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Publié par Jean Poche

Du point de vue de la communication, le sommet du G20 sous la présidence française, réuni à Cannes les 3 et 4 novembre, a été un ratage. La crise de la dette de la zone euro avec ses rebonds en Grèce et en Italie a occupé le devant de la scène et l'image qui en est restée est celle d'une Europe sermonnée par le reste du monde effrayé de pâtir de ses palinodies.

Le candidat du Parti socialiste à la présidentielle, François Hollande, en a profité pour souligner "qu'aucun objectif n'avait été atteint". Evidemment sa charge était destinée à apporter "la confirmation des limites de Nicolas Sarkozy", ce qui est injuste pour un G20 qui a fait progresser la gouvernance mondiale, mais à son rythme et de façon incompréhensible…

Si l'on considère le "plan d'action pour la croissance et l'emploi" arrêté à Cannes, les avancées sont notables (cf. Tour d'horizon des 6 thèmes du Sommet du G20 consacré à la crise de la dette dans la zone euro et à la situation économique mondiale (Cannes - 3 et 4 novembre 2011) ainsi que Déclaration finale du Sommet du G20 de Cannes (Cannes, 4 Novembre 2011)). Face au ralentissement en cours, les pays dont les finances sont les plus saines, l'Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, l'Allemagne, la Corée et l'Indonésie, ont accepté de se tenir prêts à "soutenir la demande domestique" si la conjoncture économique se dégradait.

Barack Obama a salué les évolutions de Pékin. Pour la première fois, la Chine a accepté que soit écrit noir sur blanc qu'il fallait évoluer "plus rapidement" vers des taux de change souhaités par le marché. Elle a dit sa "détermination" à augmenter la flexibilité de sa monnaie et annoncé qu'elle s'efforcerait "de réduire le rythme d'accumulation de ses réserves en devises".

La régulation de la finance a fait un pas en avant avec l'attribution de la personnalité morale au Conseil de stabilité financière (CSF) - cf. Financial Stability Board - FSB - / Conseil de stabilité financière - CSF - - et avec la stigmatisation de onze "paradis fiscaux". S'il suscite toujours des oppositions fortes, le projet franco-allemand de taxe sur les transactions financières a été évoqué, tout comme les financements innovants pour lutter contre le réchauffement climatique suggérés par Bill Gates.

"Première" encore, l'affirmation de la priorité de l'agriculture pour faire face au défi alimentaire d'une population supplémentaire de 2 milliards d'hommes en 2050. Cela suppose recherche agronomique, lutte contre la spéculation et transparence des marchés, mais aussi constitution de stocks de nourriture d'urgence dans les pays où la faim est latente. Autre innovation, l'appel des chefs d'Etat à ratifier les textes fondamentaux de l'Organisation internationale du travail (OIT) afin de constituer un socle de protection minimale pour les travailleurs et commencer ainsi à maîtriser les dumpings sociaux qui ont déséquilibré les balances commerciales.

D'où vient alors cette impression d'inanité ? Héritier du G8, le G20 est un club où les gouvernants se convainquent mutuellement d'adapter leurs politiques. Xavier Musca, secrétaire général de l'Elysée et sherpa du président de la République, ne rate pas une occasion de dire que l'action des Vingt repose sur la conviction que "s'(ils) oeuvr(ent) ensemble, (ils) seron(t) plus efficaces que si chacun travaillait seul à défendre ses propres intérêts".

L'unanimisme des communiqués du G20 semble trop beau pour être vrai. Or chacun de leurs mots donne lieu à des heures de négociations. Mais il faudrait un dictionnaire pour en comprendre le sens. Quand on lit que le Fonds monétaire international (FMI) disposera des "ressources adéquates pour remplir ses missions systémiques", cela signifie que l'Allemagne et les Etats-Unis ne veulent pas augmenter ses réserves, mais qu'ils sont prêts à trouver une solution si une aggravation de la crise nécessitait de porter les 400 milliards de dollars (295,8 milliards d'euros) actuels à 1 000 milliards (voir à cet égard Les dirigeants du G-20 d'accord pour augmenter les ressources du FMI ).

Une autre cause d'incompréhension est la lenteur avec laquelle les Vingt parviennent à un consensus, puisqu'il n'y est question ni de majorité ni de contrainte. Il a fallu quatre ans pour porter de 4 % à 9 % le ratio des réserves des vingt-neuf grandes banques internationales dont la faillite pourrait traumatiser l'économie mondiale. Autre exemple, on sait que le G20 devrait avoir un secrétariat permanent pour gagner en efficacité, comme l'a proposé le premier ministre britannique David Cameron. De nombreux pays émergents ont peur d'y perdre leur pouvoir d'influence. Il a donc été décidé qu'en attendant mieux les travaux seraient pilotés par une troïka formée des présidences passée, présente et future.

Enfin, l'impression d'impuissance vient "de l'écart existant entre les décisions du G20 et leur impact concret sur l'économie", selon Xavier Musca, car le G20 est obligé de passer par d'autres pour les réaliser. Les onze projets interrégionaux de barrages, lignes à haute tension, voies ferrées, autoroutes, ports qu'il entend soutenir nécessiteront des milliards de dollars que seuls la Banque mondiale, les banques multilatérales de développement et le privé pourront mobiliser. Il faudra des lustres avant que ces projets voient le jour et le G20 de Cannes sera oublié.

Nicolas Sarkozy voulait profiter de sa présidence pour imprimer sa marque, notamment en refondant le système monétaire international et en combattant la spéculation sur les matières premières. Il est obligé de s'en remettre au Mexique, organisateur du prochain sommet du 18 et du 19 juin 2012 à Los Cabos, pour faire avancer la convertibilité du yuan et l'interdiction des excès des marchés à terme. Impotence d'un G20 "vain", selon la boutade de Jacques Attali ? Non, travail d'équipe.

 

Alain Faujas est journaliste au service Economie du quotidien Le Monde

 

Voir également à ce sujet :  

 * Rapport sur la stabilité financière dans le monde (GFSR - octobre 2010) - nouvelle édition -

 * Governance for growth - Building consensus for the future (A report by David Cameron - G20)   

 * Le Conseil de stabilité financière recense 29 banques systémiques (La Tribune)

 * Le Mexique et le G20 les défis de l'insertion mexicaine au sein d'un club de grandes puissances, par Mélanie Albaret (Le Monde)

 * Speech by Herman Van Rompuy, President of the European Council, at the European Parliament (Brussels - 16 November 2011)

 * Joint statement by President of the European Council Van Rompuy and President of the European Commission Barroso on the first day of the G20 Summit in Cannes (3 nov 2011)

 * G20 : les ambitions déçues de la présidence française, par Samuel Laurent (Le Monde)

 * Restoring European Competitiveness and Growth (Speech by Herman Van Rompuy, President of the European Council, at the Lisbon Council "2011 Euro Summit" - Brussels, 15 November 2011)

 * Du rôle de la technologie dans le dysfonctionnement des marchés financiers et des organisations humaines

 * La très étrange absence de la question technologique dans les agendas multilatéraux consacrés à la régulation financière internationale

 * Comment la politique peut-elle retrouver des marges de manoeuvre par rapport à la globalisation ? - nouvelle édition -

 

 

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