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Publié par Patrice Cardot

Loin de n'avoir rien fait pour répondre aux tensions et chocs financiers systémiques (crise de la dette souveraine, crise boursière, crise bancaire, etc.) qui mettent à mal toute la zone euro et bien d'autres zones économiques et monétaires (à commencer par la zone dollar), les institutions européennes compétentes - bien au-delà des seuls président français et chancelière allemande -, ont pris un ensemble cohérent de mesures qui ne répondent que très insuffisamment à la force des enjeux !   

Regards-citoyens.com en a régulièrement rendu compte (cf. notamment les articles de la rubrique UE, enjeux économiques, financiers et monétaires ). 

Celà tient d'abord, et trop peu d'observateurs le soulignent à la nature même du schéma économique qui préside aujourd'hui au fonctionnement de l'économie de marché ! Un schéma qui articule la création de richesse sur l'entretien d'une entropie permanente source d'un désordre et d'incertitudes porteurs de risques parfois systémiques qui justifient la recherche de couvertures de risques, de garanties, et de surgaranties (cf. De l'économie de l'insécurité ! ).

Celà tient naturellement aux limites actuelles du Traité qui interdisent d'aller au delà de ce qu'il permet, ayant été conçu, signé et ratifié en période de mer relativement calme par des multitudes d'individus dont trop peu possédaient les capacités requises pour garantir que ce traité comme le droit primaire susceptible d'en être dérivé doteraient les institutions de l'Union comme les Etats membres des capacités à affronter les grands défis systémiques. 

Celà tient aussi au rythme de la procédure telle qu'elle ressort de ce même traité, qui n'est pas le rythme requis par les situations d'urgence ou d'exception, notamment lorsqu'il s'agit de faire face à des chocs et tensions financières aussi violentes et massives que celles qui appelent aujourd'hui non seulement plus de régulation mais également plus d'intégration politique, économique et budgétaire ! 

Celà tient également à l'insécurité politique (cf. De l'insécurité politique face à la crise !) inhérente à l'indiscipline caractérisée des Etats signataires à l'égard de leurs obligations non seulement vis-à-vis de ce traité, mais également vis-à-vis des grandes orientations stratégiques de l'Union économique et financière (cf. Quelques grandes orientations du Traité de Lisbonne en matière de politique économique et monétaire ), et notamment de celles de sa phase III qui déterminent le cadre doctrinal dans lequel a pu être conçu et adopté le Pacte de stabilité et de croissance (cf. Les trois phases de l'Union économique et monétaire - nouvelle édition - ), et partant le concept stratégique pour la politique monétaire dont personne ne parle jamais et qui, pourtant, recèle des potentialités d'évolution considérables si l'on voulait sérieusement se pencher sur le sujet  (cf. De la notion de 'concept stratégique" dans le domaine de la politique monétaire ) ! 

Celà tient encore, bien évidemment à l'absence de ce fameux pilier économique manquant à l'équilibre de cette Union économique et monétaire, en complément d'un pilier monétaire fortement intégré !

La multiplication d'accords et de plans d'action qui se sont rapidement avérés à la fois trop tardifs, trop faibles, trop peu sûrs (au sens de la sécurité juridique), et trop lents à mettre en oeuvre, a indubitablement participé à accentuer à conforter les "réserves" et à décevoir les attentes des agents économiques et financiers des marchés financiers et boursiers à leur égard ! 

Peu à peu, les principaux Etats membres de la zone Euro se sont délibérément désolidarisés non seulement des institutions européennes compétentes et des Etats membres de l'Union européenne qui, pour des raisons diverses, n'ont pas franchi les barrières de la troisième phase de l'UEM (pour rejoindre la zone Euro et adopter la monnaie commune et unique), mais également des autres Etats membres de la même zone monétaire dont ils considéraient qu'ils ne pesaient pas suffisamment dans la balance des rapports de force entre la puissance publique financière et budgétaire et les "marchés financiers", faisant courir sinon une explosion de la zone Euro et/ou de l'Union européenne toute entière tout au moins une divergence profonde des ambitions en même temps que des rythmes d'approfondissement entre les trois cercles que dessinent mécaniquement de telles orientations. 

Au-delà des évolutions introduites par le pacte de stabilité révisé adopté il y a quelques mois, du traité intergouvernemental sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (08 - tscg.fr.12 08 - tscg.fr.12) et du pacte pour la croissance et l'emploi signés en 2012 (cf. "Pacte pour la croissance et l'emploi" : annexe aux conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 ), l'Union dispose encore de marges de manoeuvre considérables.

Lorsque les responsables politiques, économiques et les technocrates en charge de ces dossiers auront enfin pris la mesure de l'insuffisance des mesures qu'ils ont eu tant de mal à établir, ils pourront - ou plutôt devront - encore s'atteler :

 - à l'établissement d'un nouveau pacte de stabilité et de croissance moins focalisé sur l'objectif de limitation de l'inflation (il y a déjà eu un nouveau pacte de l'euro + en mars 2011) (*) - ce qui requiert de travailler d'abord sur le concept stratégique de la politique monétaire et pas seulement sur l'élargissement du mandat de la BCE (notamment en en faire l'organisme bancaire européen prêteur en dernier ressort) - difficultés que l'on peut aisément contourner si des difficultés persistaient en la matière (cf. Accordons la licence bancaire au FESF et au MES pour redonner à la puissance publique la souveraineté qu'elle a perdue ! )  - ou sur l'aspect "sanctions" pour revenir sur des dispositions (cf. Fiscal compact signed : Strengthened fiscal discipline and convergence in the euro area (Brussels, 2 March 2012)) qui participent d'une judiciarisation inacceptable de la politique économique parce qu'incompatible avec les principes qui gouvernent toute économie sociale de marché déployée sur le terreau de démocraties représentatives libérales -,

 - à une réforme limitée du traité (dont on sait qu'elle est possible mais qu'elle ne répondra pas aux impératifs de l'urgence quand bien même elle garantirait une certaine cohérence d'ensemble de l'édifice politique et institutionnel commun),

 - à l'établissement d'un nouveau traité restreint à la fois à un premier cercle d'Etats (les Etats de la zone Euro les plus "vertueux" en regard de la notation que leur attribuent les agences de notation pour la gestion de leur dette souveraine) ainsi qu'aux enjeux institutionnels et doctrinaux attachés aux registres économiques, fiscaux, budgétaires et monétaires,

 - ou encore à l'établissement au niveau international, par l'entremise du G7/8 puis du G20 et/ou de l'OCDE, d'un pacte international permettant de limiter les risques systémiques associés à l'inflation et à la prolifération des dettes souveraines (cf. Pour un Pacte international permettant de limiter les risques systémiques associés à l'inflation et à la prolifération des dettes souveraines (nouvelle édition))

autant de pistes qui animent déjà différents cercles qui réfléchissent à une sortie durable de ces crises systémiques ! Tout en suscitant beaucoup d'angoisse dans des populations inquiètes mais lucides et dont les représentants élus sont soigneusement tenus à l'écart des tractations, les laissant de ce fait impuissants devant les nombreuses demandes d'éclaircissement de leurs électeurs ... (cf. Conditionnalité macro-économique des fonds européens : inquiétude des élus locaux français ainsi que Syndicats et économistes demandent un «vrai débat public» sur la dette française, par Ludovic Lamant (Mediapart))  

Faut-il pour autant envisager de tirer parti d'une intensification dramatique des effets de ces crises systémiques pour tenter de détricoter l'Union européenne elle-même ?

Or, outre la résilience d'un schéma et d'un projet politiques bien ancrés dans les consciences collectives européennes, et outre le fait que, pour des raisons techniques et juridiques, un tel projet a peu de chance d'aboutir dans les délais serrés où il pourrait s'insinuer, le cadre institutionnel et doctrinal actuel de l'Union économique et financière offrira une résistance considérable à ceux qui tenteraient de s'aventurer à créer les conditions d'un tel détricotage !

Pourquoi ?

Primo, comme mentionné déjà ci-dessus, le concept stratégique pour la politique monétaire peut être aisément aménagé sans avoir à bouleverser d'autres registres plus hermétiques et tout en prenant pleinement compte des recommandations émises dans d'autres cadres pertinents (cf. à cet égard 'La réforme du système monétaire international : une approche coopérative pour le vingt-et-unième siècle' (Initiative du Palais-Royal) - première partie - ainsi que 'La réforme du système monétaire international : une approche coopérative pour le vingt-et-unième siècle' (Initiative du Palais-Royal) - seconde partie - ) ! 

Secundo, rien n'interdit de créer une 4ème phase au sein de l'UEM qui serait dédiée à une plus grande intégration politique, économique, fiscale et budgétaire, et à laquelle n'accéderaient que les seuls Etats de la zone Euro qui rempliraient certaines conditions (celles par exemple d'un concept stratégique pour la politique économique et budgétaire pensé et conçu à cet effet) - cf. Trois évolutions - parmi d'autres - de l'UEM qu'il aurait fallu opérer ! ou encore Etablir un cadre de décision autonome pour l'Eurozone au sein de l'UEM est possible au moyen de l'instrument de la coopération renforcée !-. Ce n'est de toute évidence qu'au sein de ce cercle d'Etats ayant franchi ce nouveau Rubbicon, et seulement au sein d'un tel cercle, que peuvent devenir réalistes les intégrations envisagées dans les champs budgétaire et fiscal, voire même bancaire, comme les sanctions envisagées, tout simplement parce que ces mêmes Etats disposeront de suffisamment de ressorts pour avoir à supporter le cas échéant des sanctions financières.  

Tertio, ce schéma là est simple !

Il est la condition sine qua non pour maintenir le cap politique initialement fixé par les initiateurs et les fondateurs de l'Union économique et monétaire au premier rang desquels figurent Valery Giscard d'Estaing, Helmut Schmidt et Jacques Delors !

Et pour que ne passent pas par pertes et profits 60 années d'une construction européenne qui a participé à pacifier le continent, à offrir des perspectives de liberté et de solidarité à des peuples qui en étaient honteusement et dramatiquement privés, en même temps qu'elle a favorisé un développement économique, culturel et social indubitable à la faveur d'une économie sociale de marché dont les amortisseurs automatiques ont fonctionné suffisamment longtemps pour que demeurent encore aujourd'hui, dans le respect de leur singularité respective, les différentes formes de ce modèle social européen qui anime encore les combats des citoyens des autres poles de stabilité et développement régionaux, sans exception aucune ; et ce, malgré le jeu spéculatif de cette main prétendument "invisible" qui a guidé ces marchés financiers multiformes, suréquipés sur le plan technologique et livrés à leur seule autorégulation (au nom de ces désormais trop célébres objectifs de déréglementation, de dérégulation et de décloisonnement qui a animé la toute puissante logique néolibréale des années 80, 90 et 2000) dans leur tentative de briser les dynamiques publiques, notamment celles articulées sur des objectifs de production, de partage et de préservation de biens collectifs voulus aussi équitables que durables (y compris les monnaies) ! 

Si un tel schéma d'ensemble était finalement retenu, seraient alors réunies les conditions d'un retour à la sérénité des marchés comme des peuples trop longtemps soumis aux frustrations créées par l'incapacité des technostructures nationales et des dirigeants politiques à poser le problème en des termes réellement coopératifs !  

(*) Le pacte de l'euro + vise à renforcer la coordination des politiques économiques des États membres afin d'améliorer la compétitivité et permettre un plus grand degré de convergence ; ce pacte a été conclu en mars par 23 des 27 États membres (y compris par les 17 pays de la zone euro) et reste ouvert à la participation des autres ; il comporte une section spécifique relative à la coordination des politiques fiscales, appelant à un dialogue structuré entre les États membres participants - voir à son égard : Le texte officiel du Pacte sur l'euro + (Conclusions du Conseil européen en date des 24 et 25 mars 2011) ainsi que Pacte pour l'euro plus: un rapport dresse la liste des questions fiscales à discuter)  

Voir notamment à cet égard l'ensemble des articles auxquels renvoit l'article de ce blog intitulé Quelles sont les dernières solutions pour sauver l'Europe ? (LePost.fr)  ainsi que :

 * Retour sur les 'règles nationales budgétaires' adoptées le 11 mars 2011 par les chefs d'Etat ou de gouvernement de la zone Euro    

 * Le "semestre européen", nouvel outil de coordination des politiques économiques et budgétaires (Europaforum.lu)

 * Et si A. Merkel et N. Sarkozy agissaient en fait pour mettre un terme à l'UEM telle qu'elle existe ! 

 * Retour sur images : De l'équilibre de l'Union économique et monétaire aux raisons de la nécessité de l'unité européenne (Jacques Delors)

 * Méthode intergouvernementale ou méthode communautaire : une querelle sans intérêt ? par Paolo Ponzano (Bref - Notre Europe)

 * Crise de la dette, crise de la souveraineté, par Yves Bertoncini (Notre Europe)

 * De nouvelles propositions pour la mise en place d'une gouvernance économique et budgétaire dans l'UE (Touteleurope.eu) 

 * Barroso relance le débat sur la gouvernance économique de la zone euro (Le Monde) 

 * Financial Stability Board - FSB - / Conseil de stabilité financière - CSF -

 * La Réserve fédérale (FED) : qu'est-ce que c'est ?   

 * Reconstruire la confiance dans la capacité des Etats à honorer leurs engagements, notamment politiques et financiers

 * Rétablir la confiance, par Martin Wolf (Le Monde)

 * A la recherche d'une pensée et d'une action politiques à la hauteur des défis globaux ! (Nouvelle édition)

 * L’UE dans la crise du capitalisme occidental - Du marché comme fondement de l’intégration économique au modèle social

 * Mesures non conventionnelles de la BCE : Chronique d'un jugement annoncé

 * BCE: un taux de dépôt négatif est "tout à fait imaginable" (Benoît Coeuré) - La Tribune -

 * L'UE met les marchés dérivés sous contrôle (Euractiv.fr)

Cet article a été publié une première fois sous une forme voisine le 5 décembre 2011. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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