Vers une puissance publique européenne (extraits de « L’Union européenne dans le temps long » de Jean-Louis Quermonne ) ! - Seconde partie -
Pour la première partie de cet article voir : Vers une puissance publique européenne (extraits de « L’Union européenne dans le temps long » de Jean-Louis Quermonne ) ! - Première partie -
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" Face à cette conjoncture internationale, l'Union européenne pourra-t-elle rester la puissance civile qui lui sied aujourd'hui, ou devra-t-elle se transformer progressivement, sinon en super-Etat, du moins en puissance publique d'un genre singulier ? Il faudrait pour cela que ses dirigeants y consentent, ce que n'augure pas l'éradication des symboles inscrits dans le Traité constitutionnel par le Traité de Lisbonne, même si d'après Eurobaromètre, les peuples les ont déjà adoptés. Sans doute, manque-t-il parmi ces dirigeants des hommes (ou des femmes) d'Etat capables de jouer, à l'instar de la génération des Schuman, Adenauer, de Gasperi ou Spaak, un rôle de 'refondateurs'. Dans l'attente peut-être que de nouvelles vocations viennent s'affirmer ? A moins que la force des choses ne décide à leur place ?
En fait, dans cette conjoncture sans précédent, il devient de plus en plus frappant d'observer l'hétérogénéité des Etats. Quelle analogie peut-on établir entre les appareils logistiques qu'entretiennent des Etats comme les Etats-Unis ou la Chine, et des micro-Etats comme l'Ile de Malte ou même le Luxembourg ? Qu'y a-t-il de commun entre les cent quatre vingt douze Etats membres des Nations Unies, si ce n'est la notion anachronique de souveraineté ? Et même, s'agissant des plus grands, de quelle latitude d'action disposent-ils pour conduire une politique unilatérale, tandis que l'on observe l'enlisement américain en Iral ou en Afghanistan ou la crise des subprimes ? Entre le 'hard power' et le 'soft power', la marge s'amenuis, à moins qu'en marge d'un Occident en déclin, le 'paradigme westphalien' (*) ne revienne au galop ? Car, d'un côté, montent en puissance des Etats qui, sortant du Tiers Monde, accèdent aux prérogatives qu'illustrait au XIXème siècle le concept de 'grande puissance', alors que de plus anciens s'en éloignent ou se désagrègent. Parallèlement, s'unissent dans des ensembles régionaux, d'anciennes moyennes puissances qui cherchent ensemble à maximiser leurs capacités d'intervention en s'efforçant de promouvoir à l'échelle mondiale des normes qui régissent déjà leurs rapports respectifs. Pendant ce temps, un peu partout, la gouvernance devient le fait de multiples catégories d'acteurs, parmi lesquels de gigantesques entreprises, qui tendent à prendre la place des traditionnels gouvernements. Face à ces mastodontes, administrés par le capital financier, que pourra faire alors " l'Etat creux " ?
C'est dans un tel contexte qu'il faut désormais situer l'Union européenne. car si l'extraordinaire mutation de la scène internationale s'avère juste, elle devra en tenir compte pour déterminer son assise institutionnelle. or celle-ci ne pourra être celle d'un Etat au sens habituel du terme, mais d'une puissance publique d'un autre ordre qui ne fait que commencer à se dévoiler. On se demandera dans l'avant-derier chapitre de ce livre si elle peut se présenter sous les traits d'une fédération d'Etats-nations.
Cette puissance publique appelée à s'ajouter à la puissance économique et à la puissance civile déjà présentes
dans l'Union européenne pourra-t-elle engendrer l'Europe politique ? " Il ne faut pas s'y tromper, écrit le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso : l'Europe devra être tout
cela si elle veut gagner la bataille de la mondialisation. Si elle veut inscrire son développement, sa croissance économique et sa compétitivité dans la durée. Si elle veut garantir sa solidarité
politique. Si elle veut anticiper son avenir énergétique. Si elle veut lutter contre le réchauffement climatique et entraîner la communauté internationale derrrière elle. Si elle veut contribuer
à réduire la pauvreté dans le monde. Si elle veut assurer sa sécurité. " (cf. 07 EuropeAt50 ).
Auteur d'un rapport sur l'Europe dans la mondialisation desti,né à la présidence française du deuxième
semestre 2008, Laurent Cohen-Tanugi propose dans le même sens une stratégie pour la mondialisation (cf. Strategie europeenne mondialisation tanugi ). Il s'agit de répondre au défi lancé en mars 2000 par le Conseil européen de
Lisbonne, mais dont les résultats trop peu visibles ont été contrastés. Car sans politique économique, pas d'union politique ! "
(*) Qu'est-ce qu'un paradigme ?
Voir également :
* Pour un renouveau de l’Europe, par Jacques Delors (Président fondateur de Notre Europe)
* L'Union européenne est-elle encore une puissance normative crédible ?
* Retour sur images : L’autre mondialisation ? Quelle autre mondialisation ? par Pascal Lamy
* Réviser en profondeur la stratégie européenne de sécurité ! De la nécessité et de l'urgence (1)
* Réviser en profondeur la stratégie européenne
de sécurité ! De la nécessité et de l'urgence (2)