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Publié par Ferdinando Riccardi

Institution officielle, pouvoirs reconnus. La transformation du Conseil européen qui est entrain de se faire sous nos yeux s'annonce plus radicale et innovatrice que tout ce que l'on pouvait prévoir. Les personnalités politiques et les commentateurs qui ont déjà décidé que la réforme institutionnelle inscrite dans le Traité de Lisbonne est un échec, devraient lire ou relire les intentions d'Herman Van Rompuy à propos du rôle et du fonctionnement de cet organisme (devenue une véritable institution - voir ci-après) dont il est le président stable depuis quelques semaines pour une durée de deux ans et demi renouvelables (qui deviendront sans doute cinq).
Il faut rappeler que le Conseil européen n'était pas prévu par les premiers traités européens et qu'à sa naissance (en 1974, à l'initiative de Valéry Giscard d'Estaing), il n'avait aucun caractère officiel. Jusqu'en 1986, il n'était dans aucun traité. Même après avoir acquis le droit à l'existence, il n'était habilité à prendre aucune décision. Il se réunissait assez rarement pour des échanges de vues dont la teneur n'était pas toujours claire. Il avait pris progressivement du poids, mais de manière informelle et fluctuante. Pendant certaines périodes, il avait donné l'impression de guider, à sa manière, la construction européenne (c'était l'époque Kohl-Mitterand, avec Jacques Delors à la présidence de la Commission) ; dans d'autres, il agissait dans le brouillard et ses résultats n'étaient pas toujours évidents. Au moment de la crise tchèque, son rôle effectif était instable et ses conclusions n'étaient pas toujours explicites, même pas pour les institutions qui devaient les concrétiser. La Présidence changeait tous les six mois, et le président en exercice gardait en même temps ses fonctions nationales de Premier ministre (ou président de la République dans le cas de la France).
Le Traité de Lisbonne a enfin attribué au Conseil européen le rang d'institution communautaire, lui attribuant des compétences bien définies et le dotant d'un président stable, dont c'est la fonction unique. Non seulement il peut prendre des décisions, mais encore, dans plusieurs cas importants, il le fait à la majorité, notamment pour les nominations de son président, du président de la Commission européenne, du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et du président de la Banque centrale européenne.

Rôle d'initiative et de décision politique. Sur le plan juridique, tout a donc changé et M. Van Rompuy entend en tirer les conséquences politiques et opérationnelles. En prévoyant que le Conseil européen se réunisse presque tous les mois, M. Van Rompuy vise à en faire une sorte de gouvernement européen ayant une tâche comparable à celle des gouvernements nationaux dans les Etats membres, avec un rôle d'initiative, de réflexion et de décision politique. Les chefs d'Etat et de gouvernement assumeraient en commun la responsabilité de tracer les orientations essentielles de l'activité de l'Union et de prendre les décisions qui y sont liées. Tous les chefs de gouvernement, en se réunissant chaque mois (ou presque), suivraient et comprendraient les questions européennes beaucoup mieux et directement, et ils auraient eux-mêmes intérêt à les expliquer dans leurs pays.
Finie donc l'époque des longs textes préparés à l'avance par les Conseils sectoriels ou par les ambassadeurs. Le Conseil européen assuemerait, entre autres, la tâche qui était exercée autrefois par le Conseil " Affaires générales " ; mais à un niveau plus élevé et avec l'autorité qui en résulte. Le Conseil " Affaires générales " resterait indispensable, en reprenant le rôle de coordination qu'il avait en fait largement perdu en route, ainsi que la responsabilité de donner suite aux décisions du Sommet. Le brouillard sur les résultats de certains Conseils européens seraient dissipés, car M. Van Rompuy lui-même en rendrait compte aussi bien aux autres institutions (le Parlement européen en tête) qu'à l'opinion publique. La transformation serait radicale.

Respecter l'équilibre institutionnel, éviter le piège minimaliste. je suis conscient des perplexité, voir même des méfiances qu'une telle révolution pourrait susciter dans les autres institutions. Elles peuvent se demander : quid alors du " droit exclusif  " de la Commission européenne à présenter des propositions ? Et quid du partage du pouvoir législatif entre le Parlement et le Conseil sur un pied d'égalité (cf. Le processus législatif dans l'Union européenne ) ? Il est évident que l'équilibre institutionnel doit être respecté et que les responsabilités de chaque institution soivent être sauvegardées. le risque implicite dans un rôle prédominant du Conseil européen résiderait dans la recherche de compromis unanimes qui réduiraient les ambitions européennes en se fondant sur le plus petit dénominateur commun.
Il revient au président Van Rompuy, à l'ambition des chefs d'Etat et surtout aux autres institutions, d'éviter ce piège.

PS : Cet article a été préalablement publié comme éditorial du n° 10086 du Bulletin Quotidien Europe en date du 26 février 2010

Voir également sur ce blog les articles suivants :
 * Du rôle politique du CAG dans la préparation et le suivi des travaux du Conseil européen 
 * Programme de travail des trois prochaines présidences semestrielles de l'UE couvrant la période du 1er janvier 2010 au 30 juin 2011 
 * M. Van Rompuy a les idées claires sur le fonctionnement du Conseil européen en tant qu'institution de l'Union européenne 
 * Conseil européen : Herman van Rompuy souhaite un retour à des sommets européens moins formels qui donnent une orientation politique à l'UE 
 * La Commission doit sauvegarder ses prérogatives face au Conseil européen 
 * Rôle essentiel du Parlement européen pour le respect de l'équilibre institutionnel face à l'évolution du Conseil européen 
 * La majorité qualifiée au sein du Conseil européen et du Conseil de l’Union avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne 
 * Le Président du Conseil européen et la Présidence semestrielle du Conseil de l'UE inaugurent une nouvelle ère de coopération 'très étroite' 
 * Le droit d'initiative de la Commission européenne 






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