Comment Nouvelle Donne a choisi ses têtes de liste: la démocratie en pratique, par Pierre Aucouturier (Mediapart)
Le mouvement Nouvelle Donne a réalisé le week-end dernier une opération sans précédent dans le monde politique moderne : la désignation de ses têtes de listes pour les prochaines élections au parlement européen par des commissions tirées au sort parmi des adhérents « de base » s’étant portés volontaires. Pierre Larrouturou conduira la liste en Ile-de-France.
Pendant la semaine qui a précédé ce week-end des auditions de candidats, je me suis maintes fois interrogé : à quoi pouvait ressembler ce groupe de militants sortis d’un chapeau ? Comment allions-nous nous accorder pour répondre à notre mission avec le sérieux nécessaire à un tel enjeu ?
Cette semaine a été bien remplie : seuls chez nous, il nous fallait analyser en détail 32 dossiers de candidature dans le collège masculin pour une présélection avant jeudi à 18h, puis la douzaine de dossiers des femmes, pour être fin prêts pour les auditions le samedi matin.
L’échantillon des dix-huit membres de la commission électorale est d’une magnifique diversité : 9 femmes et 9 hommes, de 18 à 72 ans, du centre de Paris à la campagne périphérique (plus nos deux Bruxelloises ! – car les Français de l’étranger votent avec l’Île-de-France). Nous avions tous une évidente motivation commune : faire vivre l’idéal de la politique rendue aux citoyens.
Une expérience réussie au delà des espérances, dont voici le témoignage rédigé par Kora.
Douceur sur Paris. À 8 heures déjà, samedi 5 avril, quand je descends prendre le bus, le week-end promet d’être délicieux. Un temps à se promener, lire au Luxembourg, prendre un café en terrasse, paresser avant d’aller au cinéma. Le marathon se prépare, mais pour nous, il se déroulera assis dans une pièce sans fenêtre et sous des néons fatigants pour les yeux.
Nous étions convoqués pour élire la tête de liste des candidats Nouvelle Donne aux élections européennes : trois femmes, trois hommes, selon le dispositif « chabada ». Nous avions reçu les dossiers des candidats quelques jours auparavant et nous devions auditionner douze hommes le samedi et douze femmes le dimanche.
Tirés au sort, nous ne nous connaissions pas, sauf une ou deux coïncidences, au point de plaisanter en nous demandant au début si nous nous appellerions « cher ami » ou « camarade », le temps d’apprendre nos prénoms.
Nous ne nous connaissions pas, et j’avoue que, pendant que nous attendions au petit matin de savoir si le problème de la clef qui n’ouvrait pas la porte de la salle réservée pour les auditions allait être résolu, j’ai songé, en observant les autres avec une certaine appréhension, au roman Les Dix petits nègres ! Quel était ce piège ? N’était-il pas encore temps de fuir et d’aller à la piscine ?
Nous ne nous connaissions pas, et nous avons réussi à nous entendre et à surmonter les difficultés.
Car des difficultés, autant le dire tout de suite, il y en a eu. Un badge de serrure défectueux, des candidats en retard, des candidats absents, et les inévitables oppositions, parfois un peu vives, entre les membres du jury.
Sans doute l’intelligence collective a-t-elle ses minutes d'égarement, mais pourtant, elle fonctionne. Et je tire de ces deux jours, une conclusion joyeuse et réconfortante : la démocratie participative, ça marche !
Nous avons entendu et interrogé des candidats souvent très émus, plus ou moins bien préparés, plus ou moins convaincants. La majorité d’entre eux, même s’ils n’ont pas été retenus, a témoigné toutefois de talents admirables et j’espère sincèrement qu’ils continueront à les mettre en œuvre à Nouvelle Donne, une fois leur déception passée.
J’ai trouvé la commission extrêmement sérieuse, responsable, patiente, bienveillante, scrupuleuse sur le respect des règles, aussi consciencieuse dans ses questions que drôle pendant les récréations. Car, oui, nous nous sommes aussi beaucoup amusés. Finalement, chers amis, « camarade » est un joli nom.
Le scrutin à bulletins secrets a concerné les hommes et les femmes, séparément. Les 6 candidats ainsi désignés pour la tête de liste sont, dans l'ordre:
Pierre Larrouturou, 50 ans, Paris 11e, économiste, président de Nouvelle Donne
Anne Joubert, 51 ans, Paris 10e, spécialiste des questions sociales
Eric Alt, 52 ans, Paris 5e, magistrat engagé contre la corruption et la criminalité financière
Diane Vattolo, 40 ans, Seine-St-Denis, enseignante en BTS et militante associative
Julien Dourgnon, 45 ans, Paris 18e, économiste
Loé Lagrange, 29 ans, Bruxelles, juriste en droit européen et de l'immigration
Kora Véron Leblé et Pierre Aucouturier, et les 16 autres membres de la Commission électorale Île-de-France : Stéphanie Bertrand, Mélanie Calvet, Hervé Canonge, Anne Coutelis, Didier Debièvre, Frédérique Dutreuil, Louise Ferry, Alexandra Gantier-Hochart, Matthieu Kruger, Anne-Claire Le Bodic, Caroline Nouar, Quentin Pak, Raphaël Pinto, Edmond Pouly, Lydie Ribeaucourt et Claude Thill.
… et merci particulièrement à Audrey Charluet, déléguée de la Commission Electorale Nationale, au calme olympien, qui a su se montrer aussi discrète qu’efficace.
L'organisation du choix des candidats.
