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Publié par ERASME

Ce jeudi 22 mai, trois jours avant les européennes, l'Assemblée va enfin débattre, en séance plénière, du traité transatlantique. L’enjeu : adopter une résolution pour que le gouvernement se saisisse du traité transatlantique, jusque-là abandonné aux mains des négociateurs de la Commission européenne. Alors que l’opacité des échanges, ainsi que certaines orientations du traité, attisent les critiques de la gauche comme de la droite, on pourrait s’attendre, sur une question aussi cruciale, à voir naître une opposition transpartisane. C’était sans compter avec la petite politique politicienne et les querelles de chapelles...
Il est des sujets qui mériteraient qu'on enterre, au moins un temps, les clivages partisans. Le traité transatlantique est de ceux-là. Et pourtant... Alors qu'une proposition de résolution européenne visant à ce que la France réinvestisse le champ du traité transatlantique sera débattue jeudi dans l’hémicycle, nos députés risquent bien, au lieu de faire front commun, de nous rejouer une très classique querelle de chapelles. Pourtant, face à une Amérique offensive et une Commission européenne dure de la feuille, nos élus devraient plutôt se serrer les coudes. Surtout lorsqu’ils sont pratiquement tous d’accord entre eux… 
 

UNE INITIATIVE COMMUNISTE AMPUTÉE

Du côté du Front de gauche, André Chassaigne, le président du groupe à l’Assemblée, ne sait pas encore quel sera son vote. Son cœur balance entre l’abstention et le vote contre. C'est lui pourtant qui avait déposé le texte le 10 avril dernier. Mais il ne digère pas son passage à la moulinette des commissions et notamment les « amendements édulcorants » déposés par les socialistes. En effet, un paragraphe du texte est passé à la trappe. Celui-ci invitait « le gouvernement français à intervenir auprès de la Commission européenne afin de suspendre les négociations sur le projet de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique, afin que puisse être organisée une consultation publique et démocratique permettant aux peuples souverains et à leurs représentants de se prononcer sur la poursuite ou non des négociations ». Un escamotage auquel s'ajoutent quelques modifications, de forme plus que de fond, qui rendraient le texte « moins offensif » selon l’élu. ain. Oublié donc le traité transatlantique.

 

Cependant, le document final contient toujours des éléments clés qui devraient remporter l’adhésion des élus communistes. Notamment l'exigence que « le Parlement soit dûment et étroitement associé [au] suivi [de l’état des négociations] à travers une information régulière sur les questions examinées ». Ou bien encore un appel à « la transparence des négociations afin que soit pleinement garantie la bonne information des citoyens » comme celle des « représentants de la Nation ». La résolution évoque également la nécessité d'identifier les « éventuels conflits d’intérêts » qui pourraient viser les négociateurs. Surtout, est toujours présent la demande de suspension des négociations sur le très dommageable « mécanisme de règlement des différends entre Etats et investisseurs ».
Les communistes devraient néanmoins pouvoir compter sur le vote des deux députés Front national (du moins, si cette fois le FN ne fait pas dans le double discours comme Marianne l'a déjà montré...) Et sur celui de Nicolas Dupont-Aignan, le président de Debout la République, qui considère le texte initial d’André Chassaigne « excellent ». Il est prêt, affirme-t-il, à « le signer des deux mains ». Le député souverainiste voit en effet dans le traité transatlantique « un suicide de l’Europe et une mise à mort de la préférence communautaire européenne » : « En se laissant contaminé par le virus des multinationales, on achève les Etats-nations et l’Europe en tant qu’entité politique »

UNE UMP CONTRE, TOUT CONTRE LE LIBRE-ÉCHANGE...

Du côté de l’UMP, l’ancien ministre du Travail, Xavier Bertrand hésite encore. Contre ou abstention, il se réserve pour jeudi. Il fut pourtant un des premiers à s'emparer du sujet, en publiant notamment dès le 20 juin 2013, dans les colonnes du Figaro, une tribune intitulée « Libre-échange transatlantique : un piège pour la France et l’Europe ». Et aujourd'hui encore, le député-maire de Saint-Quentin a la dent dure contre les négociations en cours : « On voit très bien que les Etats-Unis sont en train de se tailler la part du lion. Normal, lorsque l'on constate le manque d’implication du gouvernement. Alors qu’en 2013, Obama se saisissait lui-même de la question, on a laissé à Nicole Bricq la responsabilité de discuter avec la Commission européenne », explique-t-il à Marianne. « Ça aurait dû être au président de la République en personne de s’en charger. Il y a un manque d’implication de Hollande sur la question. Du coup, on a un commissaire européen qui n’en fait qu’à sa tête. Et, si nous avons obtenu cette maigre consolation qu’est la préservation de “l’exception culturelle” et de la Défense, nous ne négocions pas d’égal à égal. D'autant que les Américains, eux, ont un « Buy American Act » qui les oblige à acheter des biens produits aux Etats-Unis », poursuit l’ancien ministre. Mais jeudi donc, il ne devrait pas voter la résolution. Même s’il dénonce, « l’opacité la plus complète des négociations », le fait que les documents de travail ne soient pas « en accès directs », que les Parlements nationaux ne soient pas « plus étroitement associés » et la mise en place d’une « justice arbitraire supranationale ». Eléments que l’on retrouve pourtant dans le texte. « C’est une résolution opportuniste », justifie-t-il avant d'ajouter : « Même si je suis pour la suspension des négociations depuis le début, le libre-échange transatlantique en soi, n’est pas une mauvaise idée »
Pour Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Agriculture et député de l’Eure, qui tente de se construire une stature présidentielle, le constat est le même : « Personne n’a de droit de regard sur les négociations. Du point de vue démocratique, ce mandat confié sans qu’on soit informé, est inacceptable ». Tout comme « l’idée d’un tribunal d’arbitrage privé, exonéré de contrôles de la part des Etats-membres »« Surtout, poursuit-il, l’alignement des normes vers le bas n’est pas acceptable ». Difficile effectivement pour l’ancien ministre de l’Agriculture d’expliquer aux producteurs français par exemple, que les investissements qu’ils ont dû faire pour s’adapter à des normes européennes exigeantes, ne serviront à rien si, demain, le poulet chloré ou le bœuf aux hormones faisaient leur entrée en Europe. « C’est une position intenable » nous glisse-t-il. Son analyse ressemble trait pour trait au texte qui sera débattu jeudi. Mais il ne le votera pas non plus car « cet accord commercial peut-être une bonne chose pour les citoyens européens et français » : « Il peut développer le commerce transatlantique et permettre une définition commune des normes, ce qui limiterait les différentes formes de dumping ». Certes, mais la résolution n’appelle pas à un refus du commerce transatlantique, simplement à un nivellement par le haut des exigences européennes… 
Pierre Lellouche, ancien secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur dans le gouvernement François Fillon III et député de Paris semble, lui, résigné. « Il est trop tard », juge-t-il, « Ceux qui disent que l’on pourra redonner notre avis lors de la ratification se mettent le doigt dans l’œil. Etant donné qu’il s’agit d’un accord commercial sans aucune clause politique, il relève de la compétence exclusive de l’Union. C’était avant qu’il fallait agir. C’est ce que j’avais tenté de faireen alertant le gouvernement l’année dernière. Mais ils ne voulaient rien entendre et avaient même censuré un débat sur la question », déplore-t-il. Et même si le manque de transparence et la mise en place de tribunaux privés le dérangentl’élu parisien aux penchants très atlantistes s’abstiendra ou votera contre : « Malgré tout ce traité est nécessaire pour réussir à pénétrer les marchés publics américains qui sont très protégés. On pourrait y gagner de l’emploi et de la croissance ». 
Il faut croire qu'à l'UMP, on aime bien se montrer critique à l'égard du « laisser-faire » du gouvernement à propos des négociations, mais qu'on a un peu plus de mal à s'opposer, dans les faits, au « laisser-faire » en matière de commerce... 
 

DES « FRONDEURS » PS À LA MÉMOIRE COURTE ?

De l'autre côté de l'hémicycle, du côté du PS, il faut bien le reconnaître, c'est à peine plus réjouissant. Le travail de sape, on l'a vu, a commencé par des amendements en commission. De toutes façons, les députés socialistes n'ont d'yeux et d'attention aujourd'hui que pour le projet de loi de finances rectificative de juin prochain. Oublié donc le traité transatlantique. Pourtant, s'il y a un sujet où certains parlementaires pourraient prendre leur courage à deux mains et décider de défier à juste titre l'exécutif, c'est bien celui-là. A commencer par les fameux « frondeurs » du PS. Encore leur faudrait-il faire preuve de constance et de cohérence. 
Il y a tout juste un an, rappelons-le, à l'occasion de la convention Europe du parti, l'aile gauche rassemblée du PS présente un amendement intitulé « Refuser le traité transatlantique » qui en appelle à « suspendre les négociations ». Celui-ci réunit alors plus de suffrages en sa faveur que de votes contre chez les militants. Mais par un tour de passe-passe de la direction du PS, consistant à agréger les contre, les abstentions, les blancs et les nuls, il est finalement rejeté. Une « commission des résolutions » plus tard, il n'est plus question de « suspendre les négociations ». Le texte sur lequel s'accordent alors les caciques du parti, affirme que « les socialistes ne pourront accepter de ratifier un traité qui mettrait en cause les intérêts économiques, stratégiques et le modèle social de la France ». S'en souviennent-ils les « frondeurs » du PS ? Ont-ils entendu Jean-Christophe Cambadélis, leur nouveau premier secrétaire, déclarer tout récemment qu'en l'état actuel des choses, il était impensable d'accepter de valider un accord commercial avec les Etats-Unis ? La proposition de résolution européenne qui serra débattue ce jeudi ne va pourtant pas aussi loin. Elle en appelle juste à plus de transparence et d'information et refuse ce dispositif insensé qui permettrait à des multinationales d'attaquer en justice des Etats. Mais sans doute qu'il y a un hic pour nos chers députés PS : le texte est présenté par la gauche de la gauche et, dans leur logique, aurait tout d'une manœuvre politique... 
Etrange classe politique, donc, qui tente toutes les contorsions possibles et inimaginables pour éviter d’avoir à admettre qu’un consensus est parfois possible sur des sujets qui dépassent le petit théâtre de la politique politicienne. Surtout qu’à la veille d’élections qui risquent de voir s’exprimer dans les urnes un désaveu de la classe politique dans son ensemble, il serait souhaitable — le mot est faible — que nos élus montrent que l'intérêt général passe avant les calculs politiques et les petites querelles de chapelles. 
 
Source : http://www.marianne.net/Traite-transatlantique-les-deputes-oublient-l-interet-general_a238912.html?com#comments
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