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3 Août 2021
"Une première difficulté tient à l’obligation de traiter simultanément des apports respectifs des conceptions de l’« intérêt général national » du point de vue du droit communautaire et dans le contexte de la Convention européenne des droits de l'homme. Il n’est pas certain en effet que la définition et la fonction de l’intérêt général puisse être appréhendées en termes identiques si l’on s’attache à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg et à celle de la Cour de Luxembourg. Je m’efforcerai toutefois d’analyser, dans la mesure du possible, les conceptions respectives des droits communautaire et européen.
La deuxième difficulté vient de la pluralité d’acteurs habilités à contribuer, même si c’est selon des modalités et avec une intensité variables, à la détermination de la portée normative de l’intérêt général. C’est vrai en droit national : contribuent — à des titres et à des degrés divers — à la définition de l’intérêt général, le constituant, le législateur, l’administration, le juge constitutionnel et le juge dit ordinaire. C’est encore plus vrai dans le champ qui m’est imparti : l’appréhension de l’intérêt général ne peut se faire qu’en tenant compte de l’apport des traités de base, des différentes institutions créés par ces traités et des juridictions appelées à en contrôler l’interprétation et l’application. Pour des raisons de temps, mais aussi pour répondre aux voeux du Conseil constitutionnel, il a semblé souhaitable de se concentrer pour l’essentiel sur les apports juridictionnels.
La troisième difficulté — qui n’est pas propre au regard porté sur l’intérêt général national par les droits européen ou communautaire — renvoie évidemment au caractère fuyant de la notion juridique d’intérêt général. Le Rapport public du Conseil d’Etat de 1999 avait bien montré que l’unité sémantique « intérêt général », comme diraient les linguistes, est particulièrement polysémique, que la profusion de termes proches (intérêt collectif, intérêt commun, intérêt de tous, intérêt national, bien commun) favorise la confusion des idées. On peut ajouter que de plus le concept d’intérêt général ne peut être appréhendé en faisant abstraction des « produits dérivés », tels que utilité publique, ordre public, service public, ou des déclinaisons de l’intérêt général, telles que sécurité publique, moralité publique, santé publique, protection de l’environnement, développement durable, intérêt des générations futures …
Les quelques travaux consacrés à l’intérêt général en droit communautaire confirment sans surprise ce constat général, ce qui ne facilite pas l’exercice d’identification des apports des droits européens à la notion d’intérêt général mise en œuvre dans le cadre national.
En dépit de ces difficultés, l’intérêt général existe — et existe dans les droits européens —, je l’ai rencontré.
La vision européenne semble, de prime abord, susceptible d’entrer en conflit avec la lecture nationale de l’intérêt général, mais en réalité, la conception européenne se trouve plutôt en situation de complémentarité au regard de l’émergence d’une normativité de l’intérêt général. C’est autour de ces deux idées qu’il peut — peut-être — être répondu à la question posée."
Voir le document : L’intérêt général national vu par les droits européens