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Publié par Michel Bouvet

La transformation numérique a révolutionné nos vies. L’« intelligence artificielle » va aller encore un cran plus loin.

Une récente étude de l’IFRI (Intelligence artificielle et politique internationale - Les impacts d'une rupture technologique) s’intéresse aux conséquences de l’IA sur les relations internationales… Ses principales conclusions sont reprises ici.

L’hybridation du numérique, de la robotique et de l’IA, remet en cause le fonctionnement traditionnel de l’économie et des relations internationales, basé sur la concurrence, l’ajustement de l’offre à la demande et l’hégémonie de l’Occident. Si les impacts précis de l’intelligence artificielle restent délicats à anticiper, plusieurs tendances sont d’ores et déjà manifestes. 

Premièrement, les entreprises qui disposent des moyens d’investir dans les technologies les plus modernes et d’attirer les cerveaux les plus performants ont la possibilité de devenir en quelques années des acteurs quasiment monopolistiques, propriétaires de dizaines de milliards de données. Cette économie de l’exponentiel pose trois défis inédits : un défi d’ajustement des marchés, un défi de régulation et de concurrence, et un défi géopolitique – tous corrélés. 

Deuxièmement, l’IA brise le lien logique établi de longue date en Occident entre innovation et démocratisation. Les technologies d’IA (vision artificielle, reconnaissance faciale, etc.) offrent aux régimes autoritaires des moyens inédits de consolidation de leur pouvoir. Pour certains, la lutte entre l’autoritarisme numérique tel que pratiqué par la Chine et la démocratie libérale marquera la principale ligne de faille idéologique au XXIéme siècle. Cependant, dans l’actuelle phase de test des « défenses immunitaires » de l’Occident, les États autoritaires ne sont pas les seuls à menacer les libertés individuelles ; les acteurs du numérique détiennent une responsabilité substantielle à cet égard. Une piste de réflexion pourrait consister à s’interroger sur les conséquences de la remise en cause actuelle des GAFAM en Europe et, dans une moindre mesure, aux États-Unis, sur un possible découplage entre les puissances occidentales et « leurs » acteurs privés, au bénéfice de stratégies extérieures prédatrices économiquement ou hostiles stratégiquement. 

Troisièmement, l’IA est perçue comme un enjeu croissant de sécurité internationale. À cet égard, il ne faut pas occulter, d’une part, que les usages de la technologie sont plus significatifs que la possession de celle- ci ; d’autre part, que l’on surestime probablement les implications de l’IA à court-terme et sous-estime ses conséquences à long terme. En corollaire de ce point, il convient de relativiser l’inexorable essor de la Chine dans l’IA. Les autorités chinoises n’éprouvent aucun complexe à alimenter ce biais de perception, dans un contexte de crise de confiance des pays occidentaux. 

En outre, la Chine a jusqu’à présent développé des capacités en IA mobilisées pour l’essentiel en interne – contrastant par exemple avec l’expansion mondiale des acteurs nationaux des télécommunications (équipements réseaux, smartphones, etc.). Sur le plan de la gouvernance interne, le monolithisme perçu de l’extérieur tranche avec l’existence de fortes rivalités bureaucratiques pour le contrôle de la « ressource » financière de l’IA. Enfin, dans un passé récent, les grands plans stratégiques annoncés dans l’automobile ou les semi-conducteurs ne se sont pas matérialisés par une hégémonie de la Chine sur ces industries. 

Enfin, la remise en cause du multilatéralisme et le retour à des logiques protectionnistes favoriseront un « nationalisme » de l’IA qui aura pour conséquences d’accentuer les manœuvres de colonialisme numérique et de compromettre des chaînes d’approvisionnement totalement mondialisées. 

L’ensemble de ces paramètres devront être intégrés dans toute réflexion et action diplomatique en matière numérique et d’intelligence artificielle, alors que le temps dont l’Europe dispose pour éviter de perdre sa capacité d’innovation ou toute autonomie technologique par rapport à la Chine et aux États-Unis en matière d’IA est maintenant compté. 

 
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