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Publié par ERASME

"Il faut reconnaitre qu’en la matière, le mal qui touche notre pays est le même que beaucoup d’autres et dans beaucoup d’autres domaines : le défaut individuel (pour des dirigeants, dans tous les secteurs de la vie sociale) et collectif (dans le débat public auquel nous participons tous, jusqu’à celui qui émaille les déjeuners dominicaux) de « sens du stratégique ». Il a même été question dans un livre au titre évocateur, dont on ne peut que recommander la lecture, de « vide stratégique » [...] Et en effet, il semble qu’à tout propos et sur à peu près tous les sujets, nous soyons tombés dans le vide stratégique, peut-être même dans la vacuité stratégique. Ainsi, et alors que nous n’avons jamais disposé d’autant de moyens techniques et scientifiques d’information et de connaissance, nous semblons incapables – collectivement – de véritablement anticiper ce qui est devenu inévitable, quand bien même plusieurs scenarii restent possibles. Il en est ainsi des mutations économiques, du changement environnemental ou… des épidémies [...] Tout changement prend du temps, beaucoup de temps. Toute diffusion de quoi que ce soit prend aussi du temps depuis son foyer et son point « zéro » (parfois bien difficile à saisir) jusqu’à sa diffusion planétaire. Ainsi, au moment où ces lignes sont écrites, il s’est passé plus de 100 jours depuis le premier cas à Wuhan… est-ce insuffisant pour s’informer, analyser cette information, comprendre la nature du phénomène, caractériser sa gravité potentielle et prendre les décisions permettant son atténuation, voire sa minimisation ? C’est une manière de dire que la difficulté à anticiper n’est pas un problème de temps car presque toujours, lorsque l’on reconstitue tout le processus ayant conduit à une catastrophe depuis un point donné de dégradation ou d’inflexion, le temps n’a pas manqué. Ce qui a manqué, c’est la compréhension, parfois, la prise en compte, toujours ; mais aussi une prise en compte la plus précoce possible. Mais la prise en compte de quoi ? De ce que l’on appelle communément dans les milieux de la recherche stratégique les « signaux faibles » [...] Dans un ouvrage de management stratégique (« Implanting Strategic Management », 1990), il donnait avec McDonnell une définition toujours utile du « signal faible » : il précisait qu’il s’agit d’un « fait à propos duquel seules des informations partielles sont disponibles alors qu’une réaction doit être entamée, si l’on veut qu’elle soit parachevée avant impact sur la firme de l’événement nouveau ». Le décideur « sait » que « quelque chose » va arriver, il ne sait pas exactement quoi mais il en connait la nature et il doit prendre des décisions avant de savoir exactement ce qui va se passer sous peine de ne pouvoir faire face à l’évènement réel qui adviendra. Autrement dit, il doit anticiper, ce qui revient à décider dans une incertitude partielle mais avec la certitude que, sans décisions appropriées, l’événement ne pourra pas être atténué ou maîtrisé, sinon de façon notoirement insuffisante [...] Le décideur « sait » que « quelque chose » va arriver, il ne sait pas exactement quoi mais il en connait la nature et il doit prendre des décisions avant de savoir exactement ce qui va se passer sous peine de ne pouvoir faire face à l’évènement réel qui adviendra. Autrement dit, il doit anticiper, ce qui revient à décider dans une incertitude partielle mais avec la certitude que, sans décisions appropriées, l’événement ne pourra pas être atténué ou maîtrisé, sinon de façon notoirement insuffisante [...] C’est exactement le reproche que forment déjà les membres du collectif des professionnels de santé C19 à l’encontre du Premier Ministre et de la précédente Ministre de la santé. Ils estiment par la voix de leur avocat que : « Les soignants sont en danger grave, et la population française avec eux, ce qui aurait pu être évité si les bonnes décisions avaient été prises à temps ». Cela forme la base de leur dépôt de plainte devant la Cour de Justice de la République. Leur « à temps » est le cœur du sujet : l’anticipation n’est pas un problème de temps disponible mais de timing : si les décisions appropriées ne sont pas prises ou trop tard, alors l’impact sera maximal. Ce posent donc deux problèmes liés : la pertinence des décisions et leur timing."

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