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Publié par ERASME

Contrairement à ce qu'on croit, beaucoup de nos concitoyens sont spontanément confiants à l'égard de ceux qui les gouvernent. Pourquoi ? C’est simple : malgré notre goût pour la fronde et la moquerie, nous avons tendance à respecter ceux et celles qui sont en charge des décisions. Si décideur tranche de la sorte, pensons-nous, c'est qu'il a de bonnes raisons de le faire, et possède des informations que nous n’avons pas. Ce respect de la compétence (supposée) permet à une société de fonctionner vaille que vaille.
C'est dire si nous sommes déstabilisés quand les hasards de l'actualité nous rappellent que l’ignorance, même la plus flagrante, est équitablement partagée, du haut en bas de l'échelle sociale. Nous avons du mal à croire que des « autorités », comme on disait jadis, peuvent se tromper comme n'importe qui. Et peuvent ignorer certaines données essentielles d’un problème. Mais c’est ainsi. Il existe bien une énigme de la sottise en majesté. Elle nous laisse sans voix.
Certes, nous savons que le général Robert George Nivelle fit tuer plusieurs milliers de soldats dans l’une des offensives absurdes de 14-18, celle du Chemin des Dames en février 1917. Certes, nous n’ignorons pas que les gouvernements du vieux continent ont littéralement pataugé dans la crise financière de 1929 en prenant des décisions monétaires à contretemps. Certes, nous nous souvenons que John Fitzgerald Kennedy se fourvoya piteusement en avril 1961, avec le débarquement manqué de la Baie des cochons à Cuba. Il n'empêche ! Tout cela est loin, croyons-nous. Les choses ne seraient plus comme avant, etc.
Erreur ! Depuis des années, nous avons de nouveau sous les yeux des exemples de cet amateurisme « officiel ». Des exemples assez glaçant. Je pense aux aveuglements militaires qui laissent croire à de hauts responsables qu’une guerre peut être gagnée du haut du ciel. Taper, taper, taper sur un pays du haut des airs en annonçant chaque jour qu'il finira par céder. C’est à la fois naïf et criminel, comme le furent les bombardements américains sur la France en 1944-45 ou sur le Japon à la même époque.
Les bombardements alliés sur la France furent à la fois inutiles et meurtriers : ils firent 60 000 morts et 75 000 blessés et détruisirent trois millions d’habitations. Pour rien. Quant au pilonnage du Japon par l’aviation américaine sous les ordres du général Curtis Le May, ils furent d’une sauvagerie insensée, bien avant la tragédie nucléaire d’Hiroshima et Nagasaki des 6 et 9 août 1945. Le May avait lancé, et relancé, des bombardements incendiaires de Tokyo et d’autres villes japonaises. Ces bombardements au napalm firent plusieurs centaines de milliers de mort. Le May reconnut lui-même que si les États-Unis avaient perdu la guerre, il aurait été condamné comme criminel de guerre.
Oui, il existe bien une énigme de la sottise « officielle ». Elle ne nous réjouit pas. Nous avons plutôt honte de voir nos propres dirigeants embarqués dans ce type de stratégie vouée à l’échec. On enrage de les avoir vu devenir aussi barbares que leurs adversaires de Belgrade, Damas ou Tripoli. On frémit de voir certaines démocraties divaguer en agissant (presque) comme des régimes dictatoriaux.
Mais la guerre n’est pas seule en cause. Nous gardons en mémoire un autre exemple de « sottise officielle ». Celle d’un préfet de la Corse, Bernard Bonnet, qui envoya en avril 1999 des gendarmes incendier les paillotes installées illégalement sur la plage de Cala d’Orzu dans le Sud de l’île. Sous le regard d'un gouvernement « vertueux » (celui de Lionel Jospin), un préfet de la république se déguisait ainsi en Filochard, Ribouldingue ou Croquignol, l’un des trois Pieds Nickelés.
Au total, d’une décennie à l’autre, nous revient périodiquement en pleine figure une pathologie décisionnaire dangereuse pour la démocratie. Ce premier mouvement de respect que nous avons pour les « décideurs » est souvent immérité. Du coup, c’est la confiance qui en prend un coup. Or c’est sur elle que s’appuie tout régime démocratique."

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